Le château de cartes.

Le lecteur rationnel « Martel » (je n’ai pris connaissance de son blog que récemment) se lance dans les eaux infestées de requins de la manosphère avec une nouvelle tentative de définition de l’insaisissable Alpha. C’est presque un rite de passage de la pilule rouge maintenant : devenir conscient du « game » – offrir une définition auto affirmée de ce qui fait de lui un Homme, un Alpha.

Avant de commencer, permettez-moi d’insister sur le fait qu’il ne s’agit pas d’une attaque personnelle. Les observations de Martel m’ont fait réfléchir à certaines choses que je n’étais pas certain d’avoir bien développées lorsque j’ai écrit l’article sur « la dynamique du désir ».

Martel commence bien les choses. La plupart de ceux qui connaissent mon approche réductionniste de l’énergie Alpha savent que je ne mêle pas la sémantique au débat. Ce qui est Alpha, c’est ce que les Alphas font – comme le dit la délimitation populaire de « Vox Day » entre les Alpha, les betas, les sigmas, les deltas, les omégas, etc… J’ai toujours soutenu qu’être « Alpha », c’était un état d’esprit, et non une démographie. 

Je suis d’accord avec les observations de Martel, je ne suis pas sûr qu’il ait pris en compte certaines choses pour former sa conception de l’Alpha. Je pense que l’une des principales pierres d’achoppement que les hommes ont en ce qui concerne « l’Alphanité » est la disparité des définitions en termes masculins. Lorsque Martel utilise l’exemple de Michael Jordan comme définition masculine de l’Alpha, il est déçu que les femmes ne partagent pas cette estimation. Rationnellement, logiquement et certainement avec beaucoup de perspicacité, les hommes voient et apprécient l’accomplissement, le statut, le talent et la stature de Michael Jordan. Pourquoi les femmes ne verraient et n’apprécieraient-elles pas cet homme de la même manière ?

Martel pense que c’est le solipsisme inné et l’irrationalité des femmes qui les font considérer Alberto Tomba comme un athlète d’importance (en fait, j’ai été surpris que ce ne soit pas David Beckham, mais cette Spice Girl dans l’histoire ruine le fantasme, je suppose). Cependant, ce n’est pas le solipsisme ou l’illogisme qui amène les femmes à cela, c’est que les hommes ont entre eux des critères différents pour savoir ce qui fait d’un homme un Alpha. Cela semble illogique, et oui, je suis sûr que Tomba a inspiré des fourmillements, des fantasmes imaginaires, mais la déconnexion fondamentale à étudier est la disparité entre l’idéal masculin de l’Alpha et la perception féminine de ce qui constitue un Alpha.

Équité relationnelle.

Un des articles que j’ai écrit sous le coup de l’émotion, c’est « l’hypergamie s’en moque ». C’est devenu un mème dans la manosphère maintenant. C’était simpliste dans l’écriture, mais cela a « touché un nerf ». J’ai reçu un suivi tellement enthousiaste sur cet article (merci Reddit) que j’ai dû élaborer et expliquer plus en détail ce que je voulais dire, ce que j’ai fais avec l’article « équité relationnelle ».

C’est à partir du concept masculin d’équité relationnelle qu’une grande partie de ce que les hommes déterminent comme caractéristiques Alpha pour les hommes, entre en conflit avec ce que les femmes perçoivent comme Alpha. L’attente masculine de Martel était que Michael Jordan, ou même l’un de ses pairs, soit l’athlète évident sur lequel les deux sexes s’accorderaient pour dire que c’est un exemple-type. En tant qu’hommes, nous comprenons le dévouement, la détermination et l’investissement personnel nécessaires pour atteindre ce niveau d’accomplissement.

Le cas de Michael Jordan est un exemple extrême, mais dans d’autres domaines, et par ordre de degrés, les hommes ont une appréciation des réalisations des autres hommes – ne serait-ce que parce qu’ils ont un cadre de référence commun. Ces attributs positifs de caractère – détermination, confiance, fidélité, humilité, sacrifice, dévouement, engagement, etc… – même à un degré marginal, les hommes estiment que ces traits de caractère devraient mériter une équité relationnelle. Ces vertus devraient être des facteurs d’attraction pour une femme.

Il semble logique et tout à fait rationnel que les femmes aient la même appréciation de cette équité, mais à maintes reprises, les attentes des hommes sont dépassées par la réaction hypergamique des femmes. Extrait de l’article « équité relationnelle » : 

Cet article est né de tous les commentaires que les hommes m’envoient pour me dire à quel point leurs ruptures ont été incroyablement douloureuses. Comme si tous les efforts et l’investissement émotionnel, physique, financier ou familial qu’ils avaient fournis auraient dû être rationnellement apprécié par les femmes, et servir de stratégie d’évitement contre l’hypergamie. La raison de leur choc et de leur incrédulité est que leur état mental provient de l’hypothèse que les femmes sont des agents parfaitement rationnels, et que celles-ci devraient prendre en considération les efforts fournis par un homme avant de changer de partenaire. Il y a une croyance prédominante chez les hommes, en vertu de laquelle leurs mérites personnels, s’ils sont suffisants, devraient servir de « bouclier » contre toute impulsion hypergame. 

Pour les hommes, c’est une idée qui semble logique. Tout cet investissement s’ajoute à leur concept d’équité relationnelle. Il est donc particulièrement choquant pour les hommes d’apprendre que cette « équité relationnelle » devient effectivement sans valeur pour une femme, dès lors que celle-ci rencontre un homme qui peut potentiellement être un meilleur partenaire, selon ses choix hypergames. 

Cela ne veut pas dire que les femmes ne tiennent pas compte de cette équité lorsqu’elles déterminent leur choix d’hommes, lorsqu’elles sont célibataires, mais leur point d’origine opérationnel est TOUJOURS l’hypergamie. Les femmes peuvent évidemment contrôler leurs impulsions hypergames en faveur de la fidélité, tout comme les hommes peuvent garder leurs appétits sexuels en échec, mais il faut toujours savoir que ce n’est pas l’équité relationnelle que les femmes prennent en considération au moment de savoir quel homme choisir, ou au moment de savoir s’il faut rester avec un homme.

Les femmes aiment de manière opportuniste, les hommes aiment de manière idéaliste. Une grande partie de l’idéalisme des hommes est ancrée dans l’idée erronée que les femmes ont la capacité d’apprécier leurs sacrifices et qu’ils seront aimés pour ce qu’ils sont plutôt que pour ce qu’ils représentent pour les femmes. Comme je l’ai déjà dit dans le passé, l’attraction et l’excitation sont deux éléments distincts pour les femmes. Comme l’explique Martel, un Alpha qui vit sur son canapé sera assez excitant pour attirer à lui des femmes, malgré son état de pauvreté. Il n’y a dans cet exemple aucune équité relationnelle, et cela frustre donc les efforts des hommes qui croient que la définition d’Alpha devrait être basée sur l’équité, qu’ils espèrent que les femmes apprécieront.

Les femmes retourneront (même si ce n’est que mentalement) vers l’Alpha parce qu’il l’excite, mais elle restera fidèle à son mari parce que ce qu’il lui offre est attrayant. C’est pourquoi je dis que, dans l’ensemble, les femmes aiment la plupart des hommes pour ce qu’ils représentent – une fois qu’ils cessent de représenter cela, une fois qu’ils trébuchent à maintenir cela, l’hypergamie est libre de courir à sa guise. Sur le plan personnel, il peut s’agir de la perte d’un emploi ou de l’échec à un test ; sur une méta-échelle, il peut s’agir de la capacité sociale des femmes à subvenir à leurs propres besoins.

Le château de cartes.

Extrait des travaux de Martie Hasselton, concernant le pluralisme sexuel et les stratégies d’accouplement : 

Selon la théorie du pluralisme stratégique (Gangestad & Simpson, 2000), les hommes ont évolué pour poursuivre des stratégies de reproduction qui dépendent de leur valeur sur le marché de l’accouplement. Les hommes plus attirants tirent des avantages en matière de reproduction en passant plus de temps à chercher des partenaires multiples et relativement moins de temps à investir dans leur progéniture. En revanche, l’effort reproductif des hommes moins attirants, qui n’ont pas les mêmes possibilités d’accouplement, est mieux réparti pour investir massivement dans leurs compagnes et leur progéniture et passer relativement moins de temps à chercher des compagnes additionnelles.

La grande majorité des hommes (les hommes Betas) tombent dans cette catégorie. L’une des raisons pour lesquelles la stratégie sexuelle dispersée des hommes Alpha est considérée comme une déviance sociale (« dragueurs ») est parce qu’elle est en conflit direct avec 1 ) les efforts d’accouplement des hommes Beta, qui sont socialement domestiqués et qui s’investissent et 2 ) le côté « maternaliste » et sécuritaire du pluralisme sexuel des femmes. Les hommes Betas ont fait de l’équité relationnelle leur stratégie sexuelle. 

Le problème inhérent à ce modèle mental est qu’il dépend entièrement du maintien de cet investissement singulier et personnalisé dans leurs femmes. La racine de l’approvisionnement fourni par les hommes, les sacrifices personnels que les hommes s’attendent sans cesse à faire, sont tous des contingences contre l’hypergamie féminine. Une fois que ces provisions et ces sacrifices faiblissent, le château de cartes risque de s’effondrer.

Comme l’a dit Chris Rock : « Les mecs, si vous perdez votre emploi, votre femme vous quittera. Il se peut que ce ne soit pas tout de suite, elle vous dira alors : « C’est bon bébé, on va s’en sortir », mais sachez que l’heure tourne. C’est le moment où vous entendrez des phrases du genre « Je t’aime, mais je ne suis pas amoureux de toi » ou « Tu as changé, tu n’es pas l’homme dont je suis tombée amoureuse » ».

Les attentes idéalistes des hommes en matière d’amour étant en conflit avec les attentes opportunistes des femmes en matière d’amour. Son idéalisme le prédispose à croire que la force de sa relation dépend de ses qualités intrinsèques – fidélité, compassion, empathie, sacrifice, humour, détermination, etc. – Les qualités dont il est convaincu qu’elles font de lui un Alpha et que, jusqu’à présent, sa femme ou sa petite amie affirmait apprécier. Ce n’est que dans des conditions où il est incapable ou moins capable de fournir des ressources extrinsèques, ou dans des conditions où elle (ou les femmes en général) peut subvenir à ses propres besoins que l’hypergamie féminine prend le pas sur le reste. 

C’est à ce moment de désillusion que ces hommes réalisent que le statut d’Alpha auto-perçu, basé sur ce qu’ils croyaient que les femmes apprécieraient, ne repose sur aucune équité.

Désir authentique. 

Martel continue : 

Même si le beta-boy fiable n’était pas aussi excitant que l’Alpha, il y avait une chance que le gars fiable puisse avoir la fille. Laquelle devait tenir compte de sa réputation, du risque de grossesse non désirée, des conseils de ses aînés, de son propre code moral et des couvre-feux. Elle pourrait vouloir se taper le majordome, mais il y avait une chance qu’elle soit plutôt fidèle à son mari. Il faut prendre en compte, chez les femmes, celles qui pensent à qui elles veulent baiser, il y a aussi celles qui baisent réellement avec qui elles souhaitent.

Le véritable désir est une piste très difficile à suivre pour la plupart des gars. J’insiste sur la partie « vouloir » de la citation de Martel, car si l’hypergamie est souvent atténuée par des éléments personnels et sociaux, le désir sous-jacent et ambiant d’un partenaire (ou d’un accouplement) « hypergamiquement » optimal est toujours à l’œuvre chez les femmes. 

Le problème de l’évaluation de Martel ici est qu’elle est fondée sur une définition de l’Alpha enracinée dans une attente d’équité relationnelle de la part d’une femme. Les attributs intrinsèques, les efforts investis et les récompenses extrinsèques ne suffiront jamais à donner envie à une femme de vous baiser. Dans diverses combinaisons, ils peuvent être un tampon suffisant contre son hypergamie, ces attributs peuvent être des qualités attachantes qu’elle aime chez vous, mais ils ne sont pas sexy en soi. Elle peut ne pas baiser le « garçon de piscine » par conviction morale, par peur de (vous) perdre ou simplement parce qu’elle n’a pas la capacité de l’attirer, mais cela ne l’empêchera pas de vouloir le faire.

Il arrivera un moment où les conditions de vie d’une femme la rendront plus dépendante des qualités intrinsèques d’un homme. Son empathie, son amour, sa loyauté et sa compassion font toute la différence une fois qu’elle a passé le Mur.Comme sa capacité à rester une compétitrice sexuelle diminue, sa dépendance à l’égard des provisions émotionnelles et de sécurité de son mari prend le dessus. Il peut même s’agir d’une véritable appréciation d’une femme, mais il est important de comprendre que cette nouvelle appréciation est le résultat de sa compréhension opportuniste de l’amour. À un moment donné, elle devra aimer ces qualités intrinsèques.


Source : « House of Cards » publié par Rollo Tomassi le 14 janvier 2013. 

Illustration : Matheus Bertelli.