De l’amour & de la guerre.

Comme on pouvait s’y attendre, l’article d’hier concernant les différences entre les hommes et les femmes concernant l’amour a attiré beaucoup de commentaires. J’aurai probablement dû ajouter une mise en garde aux lecteurs, afin qu’ils lisent l’article « les femmes et l’amour » avant de lire l’article sur les hommes et l’amour, mais la partie la plus déconcertante (pour ceux qui m’ont lu) concerne la description par laquelle je raconte la manière dont les hommes s’attendent à être aimés des femmes avant même d’entrer réellement en relation avec une femme en particulier. 

En général, les gens, qu’ils soient hommes ou femmes, n’aiment pas qu’on définisse à leur place ce qu’est l’amour pour eux. Le concept « d’amour » est subjectif, et il n’est pas surprenant de constater qu’on offense les interprétations et les sensibilités des gens, quand on essaye de « contenir » leurs idées dans un cadre défini. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’amour est une idée si grande et si humaine, mais l’ambiguïté de l’amour est aussi la cause principale d’une grande partie de la tragédie humaine et la souffrance que nous éprouvons. Nous étudions l’amour dans des contextes religieux, des interprétations personnelles, des essais philosophiques, dans la dynamique biologique et dans toute une série d’autres arènes, il est donc très facile de comprendre comment l’amour peut être perçu de manière universellement alambiquée, et comment l’amour peut être une source de mésentente, dès lors que notre concept de l’amour s’aligne mal avec l’idée que les autres se font de l’amour.

En décrivant (mais sans définir) le point de vue masculin sur l’amour, en comparaison et en contraste avec la perspective féminine de l’amour, il est nécessaire de comprendre comment la façon dont un homme perçoit l’amour change à mesure qu’il mûrit. Beaucoup de commentateurs voulaient trouver la base de ce concept dans leur relation avec leurs mères. Aussi freudien que cela puisse sonner, je ne dirais pas que c’est un mauvais point de départ. Les hommes apprennent leurs premières impressions de ce qu’est l’amour de leurs mères, et cela constitue alors le fondement de l’amour qu’ils s’attendent à recevoir de leurs épouses potentielles (ou amantes). Même si les enfants sont incapables de penser en termes abstraits, ils comprennent instinctivement que l’amour est conditionné, que des conditions doivent être remplies afin de maintenir en état l’amour maternel. Yohami a posté une illustration de cela : 

Selon Yohami : 

Ce « circuit » est imprimé en nous avant même que nous apprenions à parler – avant que nous soyons en mesure de former des concepts. C’est un circuit de base de type « émotionnel / comportemental ». 

Il peut y avoir plusieurs raisons pour lesquelles le circuit peut être « mal » imprimé. Par exemple, la mère (ou le père) peut être celui qui reçoit, ce qui fait que c’est à l’enfant de donner. Autre exemple, c’est de posséder le cadre. Ou encore, le fait que la mère (ou le père) ne réponde que lorsque l’enfant agit. Ou alors, ne pas communiquer avec son enfant ou le punir en fonction de tel ou tel comportement. En peu de temps, le gamin comprend le jeu et commence à y jouer. 

Et puis vous vous construisez à partir de ça. 

Vos expériences de vie de vos 12 à vos 21 ans, bien sûr, ont aidés à vous former, parce que vous avez 35 ans maintenant et que c’est un jeu dans lequel les bénéfices se cumulent. Mais honnêtement, ce qui vous est arrivé de 12 à 21 ans, ce sont les mêmes mécaniques qui se produisaient déjà dans votre enfance, il faut seulement ajouter plus d’influence du monde extérieur, la libido, et des pressions supplémentaires.

J’essaie de localiser la source de la douleur, et je pense ceci : de la même manière qu’une boussole cherche la bonne direction, la douleur veut trouver le « bon » à nouveau, mais il ne sait attendre ce « bon » qu’en s’équilibrant par rapport au « mauvais », de là des épisodes psychologiques important dans la construction de soi (chercher à « supprimer » des parties de vous-même, oublier votre passé, vos identités, vos émotions, vos relations, etc.). 

C’est un regard constant qu’il faut diriger vers le bon côté de la dynamique. 

Yohami continue :

Mais vous n’étiez pas assez confiant, et rassuré, sur vos besoins et vos désirs, parce que vous étiez encore en train de négocier avec vous-même pour vous sentir « bien » et en sécurité, donc vous n’avez pas développé de jeu de séduction avec les filles – mais vous avez cherché à combiné vos relations avec les filles avec toutes vos « combinaisons » précédentes non-résolues, comme par exemple, chercher la « bonne » fille (maternelle, qui vous prend en charge, qui vous sécurise quand vous êtes sans défense), mélangeant par là des choses qui doivent être séparées : le sexuel, le confort, l’affection, le désir, etc. 

Dès notre naissance, nous réalisons que l’amour est conditionnel, mais nous voulons qu’il soit inconditionnel ; notre état idéalisé est l’amour inconditionnel. Être un homme, c’est accomplir, exceller, être celui pour qui les affections sont librement données dans l’appréciation et l’adoration. Au niveau de base, c’est cette recherche constante pour cet état d’amour idéalisé qui nous aide à devenir plus que ce que nous sommes au départ, mais cela vient au prix d’une croyance erronée en vertu de laquelle une femme est capable de nous aimer comme nous nous les aimons.

Un endroit pour se reposer.

« Peregrine John » a écrit un excellent résumé : 

On veut se détendre. Nous voulons être ouverts et honnêtes. Nous voulons avoir un havre de paix, dans lequel la lutte n’a pas de place, où nous gagnons en force et en repos au lieu d’être vidé de toute notre énergie. Nous voulons cesser d’être sur nos gardes tout le temps, et avoir une chance d’être simplement avec quelqu’un qui peut comprendre notre humanité de base sans lutter. Pour arrêter de se battre, d’arrêter de jouer le jeu, juste pour un certain temps.

On le veut, tellement.

Mais si nous le faisons, nous ne sommes bientôt plus en mesure de le faire.

C’est une prise de conscience que les hommes ne réalisent pas jusqu’à ce qu’ils soient dans une « relation amoureuse » avec une femme. Pour les hommes, c’est (ou cela devrait être) le catalyseur pour mûrir et dépasser cette volonté d’obtenir un amour inconditionnel. A ce moment, un homme boucle la boucle, et comprend que l’amour qu’il recevait de sa mère n’existe pas chez la femme avec qui il a une relation « amoureuse », et finalement, un homme doit comprendre que cet amour idéalisé n’a même jamais existé chez sa mère. 

Il n’y a pas de repos, il n’y a pas de répit, mais le désir d’amour inconditionnel est si fort chez les hommes, qu’ils ont pensé à inscrire une déclaration solennelle dans les vœux traditionnels d’un mariage – « pour le meilleur ou pour le pire, dans la richesse ou la pauvreté, dans la maladie et dans la santé, de s’aimer, de se chérir et d’obéir, en renonçant à tous les autres, jusqu’à ce que la mort vous sépare », c’est là un gage d’amour inconditionnel, en dépit de toute autre circonstance. Les vœux que l’on prononce lors d’un mariage sont une sorte de déclaration d’assurance contre l’hypergamie féminine, qui serait sinon sans entraves, si les vœux n’étaient pas prononcés devant Dieu et devant les hommes.

Dans mon article « Quel est votre problème ? », je parle d’un homme de 65 ans que j’avais l’habitude de conseiller, et dont la femme lui avait du chantage émotionnel pendant plus de 20 ans. Il avait été marié une fois auparavant, et a divorcé de sa première femme après 12 ans de vie commune, parce qu’il « n’était pas à la hauteur des attentes financières » de sa femme. Il n’a jamais réalisé que « l’amour » que ressentaient les femmes était différent de l’idée qu’il se fait, lui, de « l’amour ». Au contraire, il a fait évoluer l’idée qu’il se faisait de l’amour pour correspondre à l’idée que sa femme se faisait de l’amour, et donc, son idée de l’amour, c’était de poursuivre une quête sans fin pour se « qualifier » auprès de sa femme. Dans la première année de son deuxième mariage, il a perdu son emploi, et a été au chômage pendant environ 5 mois, laissant sa femme comme seule source de revenus pour eux. A la fin de son quatrième mois de chômage, alors qu’il revenait d’un entretien pour un job, il est rentré chez lui et a découvert que les serrures avaient été changées, et que ses affaires étaient dans un sac de sport, devant la porte d’entrée. En plus du sac de sport, il y avait un mot, une note écrite par sa deuxième femme, qui disait : « ne revient pas tant que tu n’as pas trouvé un emploi ». 

Je me souviens de lui au moment où il me racontait fièrement cette histoire, parce qu’il m’a dit, qu’il avait beau être très énervé ce jour-là, il était « heureux » qu’elle le secoue un peu afin qu’il devienne un « meilleur homme ». A ce stade, l’idée qu’il se faisait de l’amour avait été complètement modifiée, désormais, son « modèle intérieur » était un modèle en vertu duquel l’amour qu’il doit recevoir doit dépendre entièrement de sa capacité à mériter l’amour de sa femme. S’en était terminé des idéalisations sur l’amour, l’amour pour l’amour, tout cela était remplacé par le concept opportuniste de l’amour tel qu’il est pensé par les femmes. Et il était reconnaissant pour cela. 

Après 2à ans, à 65 ans (maintenant 69), et en mauvaise santé, cet homme s’était rendu compte que ses efforts pour obtenir « l’amour » de sa femme n’était jamais appréciés, ses efforts étaient attendus de lui de manière normale, comme si c’était un dû, cet homme a donc été confronté à une réalité très cruelle : il perdait sa santé et ses moyens de maintenir les efforts incessants qu’il faisait pour se qualifier pour obtenir l’amour et l’affection de sa femme. 

La réconciliation.

Je reçois beaucoup d’e-mail concernant la cruauté de mon article sur les épouses de guerre. Les hommes ont du mal à accepter l’immoralité des femmes en ce qui concerne leur capacité innée à se lier affectivement avec leurs ravisseurs, mais c’est un trait de survie psychosocial, un cadeau de l’évolution, et c’est pourquoi les femmes peuvent « passer à autre chose » infiniment plus rapidement que les hommes, qui sont incapables de s’adapter à de nouvelle circonstance avec la même vitesse. Les femmes n’aiment pas quand je détaille ce phénomène, pour des raisons évidentes, mais les hommes aiment encore moins quand je parle de la facilité avec laquelle les femmes peuvent les oublier, parce que les hommes ont une définition de l’amour qui leur est propre, et que les femmes ne connaissent pas. Même en tant que martyrs, même dans la mort, dans le sacrifice, le concept masculin d’amour inconditionnel est différent du concept féminin d’amour, qui, lui, est une question de nécessité et d’utilité. Comme je l’ai dit hier, c’est l’un des aspects les plus difficiles de la prise de la pilule rouge.

Je sais que cela semble trop nihiliste, mais c’est l’idée. Tous les aspects très positifs, très bénéfiques, de l’acceptation de la pilule rouge, se fait au prix de l’abandon des illusions de la pilule bleue, qu’on a été conditionné à croire pendant si longtemps. Laisser derrière vous les illusions de la pilule bleue, c’est un peu comme tuer un vieil ami, mais désapprendre de vieux paradigmes vous permet aussi de bénéficier d’une existence « pilule rouge » pleine d’espoirs. 

Je ne débats pas de l’authenticité ou de la sincérité des femmes, et de leur capacité à aimer. Ce que j’affirme ici, c’est que l’idée que les femmes se font de l’amour est différent de ce que les hommes s’imaginent. 


Source : « Of Love and War » publié par Rollo Tomassi le 11 septembre 2012.

Illustration : freestocks.org.