Comment intégrer la Tradition Primordiale à sa vie quotidienne ? 

1 – Intérioriser la doctrine. 

Celui qui veut servir la Tradition Primordiale et qui est poussé par un élan supérieur à dépasser les conditionnements de la vie quotidienne doit favoriser non seulement sa propre formation intellectuelle – on cherche d’abord dans les livres les réponses que l’on ne trouve pas ailleurs – mais commencer également une transformation intérieure progressive. 

Il est évident que les individus sont souvent poussés à agir par des passions ou des processus mentaux qui n’ont pas de racines profondes et qui donnent lieu à des enthousiasmes éphémères, bientôt destinés à fondre comme la neige au soleil. Tout cela prouve l’instabilité des vocations contemporaines. Ce qu’il faut redécouvrir, c’est le sens authentique du mot « Culture » comme forme d’action au cœur même de l’être. La Culture est une croissance et un développement intérieurs qui libèrent l’homme de l’esclavage moderne qui lui est imposé. Il faut intérioriser les notions que l’on a progressivement acquises, afin d’éviter de transformer la doctrine traditionnelle en « quelque chose que l’on vient de lire et qu’on va oublier rapidement ». 

Il faut saisir – presque instinctivement – le caractère démoniaque du monde moderne, sans avoir à s’aligner sur le monde de la Tradition uniquement par un raisonnement mental et idéologique. À cet égard, tout peut devenir source de doctrine : la doctrine s’acquiert par l’expérience directe. Tout événement peut être considéré comme un symbole à déchiffrer, qui peut contribuer à la formation intérieure. En réussissant à intérioriser la doctrine, il est possible d’éviter de tomber dans des formes insensées de rigidité extérieure, de caractère purement formel ou – ce qui est pire – moralisateur, qui n’ont rien à voir avec le type humain de l’homme différencié. En revanche, il est nécessaire de rendre le cœur de notre être – le siège du feu sacré – aussi impénétrable qu’une montagne, si nous voulons résister aux attaques du monde moderne.

2 – Aller au-delà de l’idéologie.

L’idéologie est un produit du monde moderne et l’une de ses armes les plus dangereuses. 

L’idéologie est un mur érigé par le pouvoir, un palais de cristal où l’homme cesse d’être actif, conscient et vivant. Ici, tout a été pensé pour lui. Les responsabilités et les actions créatives ont été déléguées, de sorte que l’homme devient de plus en plus faible et inutile. Lorsque l’esprit échappe au contrôle de l’idéologie, il est rapidement ramené à l’ordre de la tranquillité et s’éloigne de l’agitation des « débats ». L’idéologie fait de l’homme une simple unité dans un système plus vaste. 

L’idéologie, qu’elle soit celle de la classe dominante ou de l’opposition, rend l’homme docile en bloquant sa spontanéité, sa nature et sa dignité, le transformant en une créature terne prête à se noyer dans la grisaille de la paresse. 

Par l’idéologie, chaque homme se voit assigner une place dans la danse macabre du pouvoir. 

Les grandes faucilles des faucheurs idéologiques récoltent toujours ce que les philosophes et les intellectuels ont semé. Alors que le libéralisme a absorbé la bourgeoisie, le marxisme a décrit les victimes les plus évidentes du progrès capitaliste : les prolétaires. Le libéralisme comme le marxisme ont servi d’instruments au pouvoir. Tous les peuples misérables et soumis, sans racines, sans traditions, sans espoirs, trouvent leur mort dans l’idéologie qui divise. 

La révolution se situe au-delà de tout cela. La révolution ne se trouve pas dans les livres, ni ne s’enseigne dans les écoles : elle grandit et peut être vécue chaque jour par chaque homme. La révolution se reflète dans sa terre, dans ses chansons et ses héros. La révolution n’a pas besoin d’être codifiée, car elle est mise en œuvre par la nature de l’homme, créateur infatigable. La révolution n’engendre pas d’idées nouvelles : son idée est la satisfaction des besoins spirituels et matériels de l’individu. La révolution ne connaît ni classes ni conscience de classe, mais seulement des hommes : des hommes qui luttent pour affirmer leur droit de vivre selon la nature, avec leurs propres peuples, sur leur propre terre. Telle est la vision organique de la vie.

3 – Changer de mode de vie. 

Prendre conscience des règles traditionnelles ne signifie pas les accepter passivement ou les imprimer superficiellement dans son esprit pour les énumérer ensuite en essayant de paraître sage. Au contraire, ces règles doivent être assimilées et appliquées à chaque instant de la vie. 

La Tradition Primordiale que nous cherchons à vivre est si vivante et éternelle que seuls les « morts-vivants » modernes n’en saisissent pas la pertinence. Le style n’est pas quelque chose qui s’achète ou qui pousse sur les arbres : c’est le fruit de la souffrance, de la discipline et de l’amour. La pensée et l’action doivent se transformer en un style de vie : nous devons nous qualifier par notre style plutôt que par nos paroles. 

La souffrance est la douleur physique et surtout intérieure qui met à l’épreuve la nature humaine. Il faut accepter la souffrance et la vivre sous tous ses aspects : dans la famille, qui cherche à nous arrêter lorsque notre esprit nous pousse à faire certains choix ; dans la société, qui nous juge en raison des personnes que nous fréquentons ou des actes « répréhensibles » que nous commettons ; dans l’effort physique d’un combat ; dans la conscience douloureuse de notre propre mesquinerie et de notre lâcheté. S’ils ne sont pas intériorisés et surmontés, tous ces aspects de la vie nous écrasent. 

La discipline est la volonté d’atteindre son but par la persévérance, la minutie et l’ordre. Pour marcher aux côtés de ses camarades, le guerrier doit s’entraîner chaque jour et répondre promptement aux ordres de son supérieur ; il doit suivre le rythme qui lui permet de s’accorder au devoir qu’il est appelé à remplir. 

L’amour est la force qui doit guider l’homme vers tous les objectifs supérieurs. Tous les actes doivent être accomplis non pas pour des raisons égoïstes, mais de manière impersonnelle. Ce n’est qu’en suivant ces préceptes que l’on peut atteindre un certain « style de vie ». S’efforcer d’atteindre ce but, c’est tenter de rétablir l’équilibre intérieur qui a longtemps fait défaut à l’homme, submergé qu’il est par les illusions du monde moderne.

4 – Disposer de fondations solides. 

Le processus de dissolution est « en marche »… Tant au niveau national que mondial, la société est sur le point de se désintégrer : tout porte à croire que la structure putréfiée de la société touche à sa fin. L’oscillation constante entre des moments de calme apparent et d’autres de tension profonde est révélatrice de l’agonie de la société. Et si les événements devaient soudainement s’aggraver, le « Front de la Tradition » ne serait pas prêt à faire face à la situation. 

C’est pourquoi il est nécessaire d’agir en tant que témoins de la Tradition d’une manière impersonnelle et flexible qui puisse nous permettre d’infiltrer la société à différents niveaux. En collaboration les uns avec les autres, les hommes de la Tradition pourront s’engager dans un certain nombre d’activités. Le Front de la Tradition ne sera établi que si chacun, en fonction de ses inclinations et caractéristiques individuelles, agit avec un dévouement héroïque. Nombreux sont les auteurs qui ont, depuis longtemps, insisté sur la nécessité d’établir une base solide grâce à des hommes et des ressources capables d’animer et de soutenir le mouvement à l’avenir, sans plus attendre. Il faut comprendre par là que nous devons éviter de commettre les mêmes erreurs que celles que nous avons commises dans le passé et qui sont trop évidentes pour ceux qui ne sont pas aveuglés par l’excès de zèle et la soif de pouvoir. Il y a beaucoup à apprendre du passé, même si de nouvelles erreurs seront probablement commises à l’avenir.

Les suggestions faites jusqu’à présent visent à définir la matrice unifiée et originale qui servira de base à l’établissement du mouvement. Sans sentiment d’unité, rien ne peut être créé, seules d’innombrables et vaines suggestions sont formulées. La formation des hommes restera un projet utopique tant que les véritables obstacles n’auront pas été levés. Ce n’est qu’en présence d’une véritable unité que les efforts et les projets peuvent être orientés vers un but commun ; sinon, chaque individu poursuivra son propre intérêt par le biais de l’ascension sociale, ce qui n’a rien à voir avec la camaraderie. Tout cela montre à quel point la droite radicale est confuse en matière de stratégie : les moyens sont ici confondus avec les fins et vice-versa. Si cet obstacle n’est pas surmonté, si une véritable unité n’est pas réalisée, nous perdrons notre temps.

5 – Nouer des relations avec ceux qui nous ressemblent.

« La vie de légionnaire est belle. Mais elle n’est pas belle à cause de la richesse, des divertissements ou du luxe. Elle est belle par le grand nombre de dangers qu’elle comporte ; belle par la noble camaraderie qui lie les Légionnaires de tout le pays dans une sainte fraternité de combat ; belle par une tenue inflexible et virile face à la souffrance. Lorsqu’un homme entre dans l’organisation légionnaire, il doit être conscient de la vie qui l’attend, du chemin qu’il doit suivre… » 

Le passage ci-dessus est extrait des écrits de Codreanu. Il offre une image complète du type d’homme nouveau que le mouvement légionnaire aspirait à créer et auquel notre propre avant-garde aspire aujourd’hui. 

Il est clair qu’une personne qui rejoint une camaderie d’Hommes tournés vers la Tradition Primordiale doit déjà être consciente du type de vie qui l’attend. Il est également vrai, cependant, que tant que cette vie n’est pas expérimentée par l’action, elle ne sera connue qu’à un vague niveau conceptuel. Pour se faire une idée de ce qu’est cette vie, il est nécessaire de développer une certaine maturité, de poser des bases, en quelque sorte. 

Codreanu décrit trois épreuves que le légionnaire doit passer et qui correspondent à trois conditions intérieures à atteindre. Ces trois conditions sont métaphoriquement décrites comme la « montagne de la souffrance », la « forêt des bêtes sauvages » et le « marécage de l’abattement ». 

Première épreuve : la « montagne de la souffrance ». Cette épreuve tire son nom de son objectif, qui est de rompre les liens personnels qui nous unissent en tant qu’individus et limitent nos possibilités d’action : les liens familiaux, par exemple, ou ceux de la passion et de la contamination bourgeoise. S’engager dans cette épreuve, c’est gravir une montagne de plus en plus escarpée. Seuls ceux qui sont dotés d’un fort esprit de sacrifice seront capables d’atteindre le sommet. Cette première épreuve ne repose pas sur une action extérieure, mais sur une action intérieure qui vise à donner un nouveau fondement existentiel aux valeurs d’amour, d’honneur et de loyauté. 

Deuxième épreuve : une fois les valeurs d’amour, d’honneur et de loyauté assimilées, il faut affronter la réalité extérieure : la vie quotidienne (décrite ici comme la « forêt des bêtes sauvages ») du monde moderne, qui tente constamment d’inculquer le conformisme comme mode de vie. Affronter et surmonter le danger fait partie du style de vie légionnaire, qui laisse peu de place à la lâcheté. C’est une façon de mettre à l’épreuve la pratique de ce qui n’a été assimilé qu’intellectuellement au départ. 

Troisième épreuve : le « marais de l’abattement » symbolise l’état intérieur de ceux qui ont entrepris le voyage pour s’arrêter, soit parce qu’ils ne voient pas ce qui les attend, soit parce qu’ils pensent que la lutte n’aboutira à aucun résultat positif. L’image du marécage résume parfaitement l’état intérieur d’un homme coincé dans un terrain boueux, hostile à toute action rapide et incisive, où la valeur essentielle de la loyauté est perdue. 

Si ces trois épreuves sont énumérées séparément, elles représentent en réalité des conditions qui se manifestent simultanément. La formation intérieure du militant doit se mesurer à l’aune d’un engagement avec la réalité extérieure dès le départ, si l’on veut qu’elle dépasse le simple niveau conceptuel ; quant à l’abattement, il peut se manifester aussi bien par rapport à l’action intérieure qu’à l’action extérieure. En passant ces trois épreuves, le militant adopte un style de vie qui lui permet, selon les termes de Julius Evola, de « s’éveiller à nouveau de l’intérieur, de prendre une forme et d’établir en soi un sens intérieur de l’ordre et de la rectitude ».

6 – Être à l’avant-garde, partout et tout le temps. 

La phase historique actuelle semble laisser peu de place à toute tentative de réveiller les nouvelles générations de leur sommeil. Il est clair que nous vivons une époque de transition et que cette période de stagnation ne durera pas éternellement. Il y a un malaise perceptible dans l’air, né du sentiment de futilité qui caractérise la vie contemporaine. Comme la roue de l’histoire continue de tourner, un nouveau temps de contestation viendra ébranler ce qui apparaît aujourd’hui comme un ordre social si solidement ancré qu’il ne laisse que peu de place à un éventuel changement. Pourtant, contre toute apparence, un malaise existe dans notre société : la colère face à la manière dont les modèles imposés conditionnent notre vie est appelée à exploser. 

Face à cette situation, il convient de s’interroger sur la fonction de l’avant-garde traditionnelle. Le devoir de cette avant-garde est de se préparer au moment où la rage éclatera dans la société, où il faudra, outre des plans, des hommes capables de canaliser la contestation, non pas en la manipulant, mais en l’orientant vers les seules valeurs capables de justifier la révolte : la recherche de la liberté intérieure. L’action d’aujourd’hui doit viser la victoire de demain : celle vers laquelle l’avant-garde traditionnelle doit tendre chaque jour. Aujourd’hui, le rôle de l’avant-garde est d’ouvrir la voie à ce grand événement. 

Le devoir de l’avant-garde est de favoriser le développement dans ses rangs en trouvant de nouveaux militants et en les mettant à l’épreuve ; en faisant de ces hommes non pas des suiveurs aveugles des ordres, mais des guerriers conscients du rôle qui sera le leur : celui de futurs dirigeants. 

Il est essentiel de permettre à chacun d’agir selon sa vocation. 

Il faut aussi assurer une base économique solide par la contribution interne et l’intervention militante dans l’organisation des activités qui permettent aux affaires politiques de se dérouler sans entrave. Les moyens de propagande doivent être affinés et testés encore et encore, jusqu’à ce qu’ils soient parfaits. 

Tel doit être le rôle de la véritable avant-garde traditionnelle. Elle exige des hommes qu’ils choisissent entre ce qui compte vraiment et ce qui n’est que superflu ou instrumental ; des hommes qui doivent avoir une volonté de fer, ainsi qu’une foi fanatique dans le fait que la victoire est possible et que rien ne peut arrêter l’affirmation de notre idéal vertical de vie.

7 – Rectifier ce qui est « individuel ». 

Il y a des moments de lucidité dans la vie où l’on se rend compte de la futilité de la poursuite des faux objectifs et des réussites de la routine quotidienne. Dans ce cas, la réaction la plus fréquente est un sentiment de nausée et de désarroi, et peut-être même de dépression, parfois, suivi d’un désir intense de changer de vie. Cependant, si la personne en question ne trouve pas de solution au sentiment de misère qui l’afflige au-delà des canaux ordinaires qui permettent aux individus d’évacuer leur frustration, elle retombera rapidement dans son schéma d’existence triste et monotone. 

C’est ce qui se passe dans la plupart des cas, mais il y a des exceptions. Certains individus n’acceptent pas l’idée de vivre ce qu’ils perçoivent comme une vie étrangère et parviennent, au prix de grands efforts, à transformer leur pulsion destructrice en une pulsion constructive. 

Il est évident que, s’agissant de sentiments et de réactions personnelles, chaque cas sera différent : afin de clarifier les choses, il est nécessaire de présenter ce qui n’est qu’une image schématique. Certains individus, animés par l’enthousiasme, lutteront désespérément pour réaliser leurs projets ; mais, confrontés à divers obstacles dans la réalisation de leurs petits objectifs quotidiens (sans parler de leur tentative de donner un sens supérieur à la vie !), ils finiront par abandonner et rentrer dans le rang ou perdre la tête. D’autres, en revanche, parviennent à garder leur sang-froid et se révèlent capables d’évaluer froidement la perspective de réaliser leurs rêves, jetant ainsi les bases d’un projet concret.

8 – Briser l’individualisme et nouer de véritables relations humaines. 

Il s’agit ici avant tout de sortir de l’individualisme extrême qui caractérise la droite radicale en aidant à définir les lignes directrices organisationnelles et surtout existentielles dont dépend l’action de chaque groupe. 

8.1 – Lignes directrices existentielles. 

Il est facile de constater que la société se caractérise de plus en plus par un manque individuel de discipline et de volonté de « sainteté », « d’honneur » et de « sacrifice ». Souvent, sans nous en rendre compte, nous subissons des influences négatives qui entachent nos actions. 

D’où la nécessité d’une action intérieure capable d’éliminer le poids mort qui étouffe notre croissance personnelle et freine notre élan vers le haut. Poursuivre cette action, c’est développer en soi, jour après jour, un caractère et un style spécifiques : façonner sa vie, c’est-à-dire assimiler les valeurs traditionnelles. 

Chaque disciple de la Tradition Primordiale doit donc s’efforcer de rectifier son propre comportement de manière à éliminer tout signe de vulgarité et d’inconvenance ; en même temps, il doit développer une véritable aversion pour tout mensonge et toute trahison. Le militant évitera les pièges tendus par le Système pour freiner les changements possibles : il rejettera donc les drogues et les perversions. Le militant n’abusera pas de l’alcool et ne se livrera pas à des actes de violence insensés et aléatoires, qui ne sont que des signes de la mesquinerie et de la lâcheté humaines. De telles déviances sont les manifestations les plus évidentes d’un monde en ruine et d’un type d’être humain qui renonce à la vie, car il est incapable de se maîtriser. 

Le point de départ de toute tentative de « conquête » de soi est la conduite d’une vie « normale et ordonnée » : la conquête de la réalité quotidienne en donnant à la vie son véritable sens. Ce qui compte, ce n’est pas ce que l’on fait, mais comment on le fait. Ainsi, les relations avec sa famille, sa compagne ou ses amis, ainsi que les engagements professionnels et scolaires – sans oublier l’engagement actif en tant que militant – devront être vécus sous un jour nouveau, où la responsabilité individuelle et le sacrifice se substituent à l’arbitraire et à l’émotivité. Dans ses interactions dans les domaines sociaux précités, l’individu doit subir un changement radical : la sentimentalité et le conformisme bourgeois doivent être remplacés par la loyauté, la clarté et la sincérité. Les obstacles et les difficultés rencontrés dans la vie quotidienne doivent donc être envisagés comme une occasion utile de se mettre à l’épreuve. Ce n’est qu’à partir des réactions et des comportements que l’on peut évaluer ses propres limites et capacités. 

Ce type de travail permet à l’individu de découvrir sa propre nature. Grâce à des tests similaires et à l’observation de soi, chacun peut mesurer à quel point il est sous l’emprise du monde moderne. Les personnalités paresseuses seront contraintes de réagir avec plus de persévérance, tandis que les plus frénétiques devront limiter leur propre enthousiasme. Se lever tôt le matin, par exemple, et ne pas se coucher tard contribueront à réguler la conduite personnelle du militant en disciplinant sa vie selon les rythmes quotidiens de l’ordre cosmique. Il s’agit ici d’une reconstruction intérieure progressive, à mettre en œuvre par petits pas : de petites actions apparemment insignifiantes mais qui, une fois intériorisées, peuvent conduire à de grandes réalisations.

Alors qu’il vit dans un soi-disant état totalement dépourvu de repères supérieurs, le novice trouvera le soutien nécessaire pour résister et se renforcer au sein de sa propre communauté, qu’il lui appartient de trouver, le cas échéant. Pour un tel homme, la vie devient un « service militaire » marqué par une lutte incessante. D’un côté la Tradition, la justice et la Vérité, de l’autre l’anti-Tradition, l’abus et le mensonge : deux fronts opposés. Si une personne ne mène pas une vie droite, elle sera facilement la proie des séductions de l’ennemi. En effet, il arrive souvent qu’un individu, tout en agissant avec de bonnes intentions, devienne un instrument de subversion, car il ne parvient pas à intérioriser certaines valeurs et à renforcer son identité propre. 

Face à soi-même, il faut adopter une ligne de conduite ferme : la décadence du monde et ses âmes perdues doivent être affrontées avec la plus grande fermeté. La ligne de démarcation entre nous et nos ennemis doit nous éloigner de toutes les influences extérieures et de nos petits égoïsmes. Ce n’est qu’ainsi que l’individu pourra conquérir son propre moi et se forger un caractère capable de favoriser un véritable renouveau spirituel. L’individu devient alors un modèle pour les autres : un véritable homme capable de témoigner et de partager son expérience personnelle.

8.2 – Lignes directrices organisationnelles. 

Quel que soit le terme utilisé et le mode d’organisation – « groupe », « association », « collectif », « groupuscule », « communauté », etc… – il existe des rassemblements d’hommes qui agissent dans la société, en participant à un projet politique. Il vous appartient de trouver un groupe qui vous corresponde, et si ce groupe n’existe pas, de le créer vous-même. N’attendez pas que quelqu’un, quelque part, accomplisse le travail à votre place. 

Il appartient à chaque groupe de définir un plan et d’évaluer les moyens de poursuivre les objectifs choisis. La sphère économique est certainement l’une des premières questions qu’un groupe doit aborder, car dans un monde où tout tourne autour de l’argent, même la plus simple des batailles politiques implique un certain degré de dépenses financières. Cela ne signifie pas que l’objectif des activités économiques doit être le gain financier, mais plutôt que le gain financier doit être un moyen de garantir un engagement politique efficace. Ce type d’activité permet de mesurer très concrètement l’engagement individuel et le développement progressif du groupe. 

Même lorsqu’une structure puissante a été mise en place, il est nécessaire de toujours garder à l’esprit les raisons qui ont conduit à sa fondation : l’affirmation des valeurs de la Tradition et la formation de militants individuels. Notre objectif n’est pas de devenir de bons entrepreneurs, mais de parvenir à une indépendance totale dans ce monde. Les activités à organiser sont nombreuses : si chacun peut agir plus efficacement dans son milieu local, il est indispensable d’établir un réseau pour diffuser la culture de la Tradition. 

9 – Retrouver le vrai sens du mot « fraternité ».

Le mot « fraternité » a perdu son véritable sens, en particulier en France depuis que la république l’a inclus dans sa devise « liberté, égalité, fraternité ». Mais qu’est-ce que ce mot signifie véritablement ? S’agit-il d’une relation spontanée entre différents individus ou d’une chose que nous devons nous efforcer de développer ? La réponse est qu’il s’agit des deux à la fois : c’est une relation spontanée entre des personnes liées par le sang, mais c’est aussi une tentative d’embrasser une nouvelle vie à travers une « sensibilité commune ». La fraternité est ce qui relie les individus qui chérissent les mêmes idéaux de foi, de justice, de force d’âme, de tempérance et, plus généralement, de vertu. Sans doute, des individus peuvent être frères dans la trahison, l’injustice, la faiblesse et l’intempérance : dans ce cas, ils seraient également unis, mais sous la bannière du vice plutôt que sous celle d’idéaux supérieurs. Cependant, toute forme de fraternité est déficiente si elle n’est pas fondée sur certains idéaux. Ce sont ces idéaux qui donnent un sens à la fraternité : si celle-ci offre une forme et un corps, ceux-là représentent la substance et l’esprit. 

Dans un sens positif, il faut donc penser la fraternité comme quelque chose qui doit être établi, car nous ne sommes pas liés les uns aux autres par les liens du sang. Ce sont des liens qui doivent être développés par le sacrifice et la lutte, et par les idéaux qui nous unissent. 

Si, par « fraternité », il faut comprendre simplement la bonne humeur collective, la nourriture et les conversations partagées, sans référence concrète et opérationnelle à des idéaux, il n’y aura aucun moyen d’aller plus loin : au mieux, nous resterons dans la même situation ; au pire, nous perdrons tout sens de l’unité. En effet, il est possible que des individus deviennent frères dans un sens négatif, s’ils s’unissent par peur d’être seuls, pour avoir des alliés quand ils en ont besoin, ou – ce qui est encore pire – pour s’exploiter les uns les autres à des fins égoïstes. Dans ces cas, la fraternité établie n’est pas sincère : les individus finissent par justifier des méfaits, grands et petits, et le groupe devient une excuse pour des comportements mesquins. Un autre risque est de ne rechercher la compréhension qu’entre les membres du groupe, ce qui conduit rapidement au sectarisme : à côté de l’ego individuel se forme alors un ego collectif, dont il est encore plus difficile de se débarrasser. Dans de tels cas, il est préférable de rester seul, ou du moins de créer un nouveau groupe qui puisse prendre une direction positive, en s’engageant sur un chemin difficile. 

Le chemin de la connaissance est par nature solitaire. Si l’on cherche à le poursuivre avec d’autres personnes dont on veut faire ses frères, il faut adhérer à des idéaux et à des valeurs que l’ego est peu enclin à accepter. Pour que les membres d’un groupe deviennent des frères d’esprit, chacun doit se concentrer sur son propre développement intérieur ; les formes d’attachement passionné – pour ne pas dire morbide – aux autres sont erronées, dans la mesure où elles établissent de nouveaux liens, alors que le chemin de la liberté devrait conduire à la désintégration de tous les liens d’attachement. Il faut donc se rendre compte que la fraternité spirituelle n’existera jamais que lorsque quelqu’un dans le groupe pourra prétendre incarner ses idéaux. En attendant, la seule prétention légitime est celle d’être des connaissances ou des amis qui cherchent à devenir des frères d’esprit. 

Il faut particulièrement se méfier de la présomption, qui est l’un des défauts les plus courants de l’homme moderne (et nous devrions nous-mêmes supposer être des hommes modernes, jusqu’à preuve du contraire). Ce n’est pas la fraternité spirituelle qu’il faut considérer comme acquise, mais plutôt son absence, si l’on veut éviter de développer un autre ego collectif, terrain idéal pour la subversion des idéaux. La fraternité doit être atteinte grâce à des sacrifices constants et aux valeurs unificatrices que sont la foi, la justice, la force d’âme et la tempérance (pour insister encore sur les vertus citées précédemment). Dépourvue d’idéaux, la fraternité ne peut subsister que dans un sens négatif. Il convient donc maintenant d’examiner ces idéaux plus en détail.

La foi et la justice s’expriment à travers la hiérarchie, qui fixe des objectifs différents de ceux de l’ego – l’ennemi le plus acharné – et porte un coup dur à tout sentiment d’importance personnelle. La force d’âme s’acquiert par le travail, qui porte également un coup dur à la passivité et à la paresse. La tempérance s’acquiert en évitant les réactions impulsives dictées par la passion et en s’acquittant de ses devoirs. Il convient de rappeler ici qu’il est plus facile de justifier tous les vices lorsqu’on est seul : ceux qui souhaitent vivre dans une communauté traditionnelle doivent éviter ce genre d’autojustification et faire face à leurs propres faiblesses. Il est donc nécessaire d’être en compagnie d’hommes qui sont loin d’être complaisants, et qui peuvent paraître désagréables à cause de leur franchise. La notion de gentillesse, qui peut être trompeuse, doit ici être remplacée par celle de justice. En tant que membres d’un groupe, nous avons le devoir de toujours garder à l’esprit les valeurs fondamentales. Ce n’est qu’ainsi que nous deviendrons des frères d’esprit capables d’atteindre la liberté et la victoire.

10 – Faire partie d’une communauté. 

La sociologie moderne distingue les notions de communauté et de société. Le terme « communauté » s’applique à un groupement naturel, spontané et organique de personnes, fondé sur les liens du sang. La communauté est un organisme vivant, doté d’un patrimoine déterminé, dont les membres tirent un sentiment de solidarité et d’appartenance : le sentiment d’appartenir à une réalité organique. La société, en revanche, est un groupement rationnellement organisé, établi en vue de la réalisation d’objectifs concrets. La société n’est pas fondée sur un patrimoine culturel ou naturel commun, mais plutôt sur des objectifs communs. En tant que telle, elle est une construction artificielle dépourvue de liens naturels, de tradition distinctive et d’unité organique. La société naît d’un « contrat social » illusoire (comme le principe libéral de l’échange mutuel) plutôt que de liens de solidarité. Les relations humaines dans la société sont donc régies par les « lois du marché » (libre entreprise, utilitarisme, profit) et marquées par l’anonymat et l’individualisme. La notion de société, en tant que telle, non seulement n’a pas de référence supérieure, mais considère la morale elle-même comme subordonnée aux principes économiques !

Nous avons abordé la distinction entre communauté et société afin de dépasser les discussions purement théoriques. Mais il faut aussi souligner que ces deux types de groupements humains sont en définitive étrangers au modèle traditionnel et normal de l’organisation sociale. Le modèle traditionnel n’est ni naturaliste (communauté : famille, race, peuple), ni rationaliste (société : entreprise) ; c’est un modèle qualitatif, hiérarchique, fondé sur des lois édictées d’en haut. Dans ce cas, on peut parler de « société des hommes », ou « d’Ordre ». 

Compte tenu de ce postulat, qui devrait permettre de lever toute ambiguïté, il faut entendre par « communauté traditionnelle » toute organisation aristocratique et héroïque, dont l’incarnation la plus frappante est l’idéal de « l’Imperium » (le pouvoir d’en haut). 

La communauté joue un rôle crucial, dans la mesure où elle permet à l’individu de faire l’expérience de ce qui, autrement, resterait une abstraction intellectuelle. En utilisant le terme « communauté », il ne s’agit donc pas référence à un groupe fermé d’individus incapables de s’affirmer dans le monde extérieur, mais plutôt à un groupe d’hommes capables d’offrir une alternative à la société contemporaine et à sa morale bourgeoise : un véritable atelier social et politique. Une telle communauté représenterait un moyen non pas d’échapper à la réalité, mais d’affirmer un idéal véritablement révolutionnaire : celui de l’avant-garde combattante.

Malheureusement, dans les quelques groupes où l’on tente aujourd’hui d’unir les individus sur la base d’idéaux, l’esprit communautaire n’est pas ce qu’il devrait être. La notion de communauté devient alors un prétexte à l’évasion et à la justification de ses limites, plutôt qu’une tentative d’établir une réalité humaine différenciée. En effet, lorsqu’on parle de communauté, il faut garder à l’esprit le type d’hommes qui devraient la composer : des hommes différenciés. Dans la vie quotidienne, l’individu est contraint de se confronter à des comportements qu’il prétend rejeter et combattre sur le plan mental : vulgarité, ambition démesurée, égoïsme, déloyauté, etc. Force est de constater que si nous nous réclamons des valeurs de la Tradition comme points de repère et modèles, nous sommes tous des enfants du monde moderne, et nous vivons constamment entourés de contradictions. Le manque de dimension intérieure ou l’incapacité d’accepter la Tradition comme une loi sont les causes principales de notre incohérence : nous avons donc besoin d’une action corrective. Mais l’action est d’autant plus difficile que le milieu politique et culturel qui devrait la favoriser s’est dégradé et n’est pas en mesure de servir d’exemple à suivre. 

Le temps est donc venu de faire des choix radicaux, d’embrasser ou de rejeter la Tradition : il n’y a pas de juste milieu. Un homme n’est libre que dans la mesure où il peut choisir. Ce choix implique une responsabilité – dans ce cas, un engagement envers ses devoirs et le respect des normes sacrées de la Tradition. Le seul homme qui puisse être vraiment libre est l’homme de la Tradition, qui accepte ses normes et leur obéit librement, atteignant ainsi l’accomplissement. Telles sont les conditions nécessaires pour retrouver son être au-delà de tous les conditionnements, préjugés et habitudes. La reconstruction intérieure implique de se débarrasser des superstructures « conditionnantes ». Sans cela, nos bonnes intentions ne porteront pas leurs fruits. Une fois que nous avons défini ce que nous voulons faire et qui nous voulons être, nous devons agir en conséquence. Un individu n’excelle pas parce qu’il fréquente un pub particulier ou qu’il traîne avec les bonnes personnes : l’excellence est atteinte en vivant quotidiennement en accord avec ce que nous prétendons être.