Mon voyage en Enfer et ce que j’y ai découvert.

Chers amis, chers lecteurs, cela fait plusieurs semaines que je n’écris plus beaucoup d’articles, et que je suis moins actif sur les réseaux sociaux. Bien que le temps me manque, je vais quand même prendre quelques minutes afin d’écrire ici pour vous donner quelques nouvelles. Je traverse en ce moment une période difficile. Je suis actuellement en Enfer, je vous parle depuis le royaume d’Hadès, et le moins qu’on puisse dire est que cette région de l’existence est surprenante à plus d’un titre. J’y fait des découvertes paradoxales, inattendues, et même inespérées, dans certains cas (je vais vous raconter ça en détail).  

Lorsque vous pensez trop peu, lisez. Et lorsque vous pensez trop, écrivez. Cela permet de stimuler l’esprit lorsqu’il est trop lent et de l’apaiser lorsqu’il est trop inquiet. C’est pourquoi je pense qu’écrire ces quelques paragraphes ici me fera du bien. 

En ce moment, mon père est hospitalisé. Je me rends à l’hôpital pour le voir, chaque jour après le boulot. Je n’avais pas prévu de passer mon automne ainsi, mais le destin en a décidé autrement. Voyez-vous, en toute humilité, je pense que je suis un homme psychologiquement fort (comparé à un normie moyen), et j’ai toujours pensé que j’étais « prêt » à voir vieillir mes parents, qui ne sont pas éternels. Et pourtant, je vous le dis : on n’est jamais « prêt ». Voir son propre père aux urgences vitales, souffrir et se tordre de douleur sur un lit d’hôpital, est une chose que je ne souhaite à personne, et qui pourtant, arrive (ou « est arrivé », ou « arrivera ») à chacun de nous. Ne vous inquiétez pas pour autant : si tout se passe bien, il sera rétabli dans quelques semaines. Les perspectives sont bonnes, et l’optimisme est permis. 

J’écris donc cet article sans être particulièrement alarmé ou terrifié ou affolé. (Car si la situation était si grave, je n’écrirai pas du tout !). Mais vous comprendrez aisément qu’en ce moment, je reste déconcerté, nerveux, et préoccupé. Vous comprendrez aussi pourquoi, en ce moment, depuis quelques temps, je me contente de publier des traductions d’ouvrage : ça me permet de me concentrer sur une « tâche de fond ». Ce n’est pas un hasard : il est recommandé, quand on est un peu « déprimé », de se focaliser sur des petites actions. Ça permet de faire passer les journées et de faire « le dos rond », de laisser passer les moments difficiles, et d’attendre des jours plus propices. 

Je n’ai pas l’esprit à Tweeter toutes les 5 minutes, ni à écrire des articles sur des sujets d’actualités (qui pourtant, est riche à plus d’un titre), et encore moins à écrire des articles sur mon sujet favori : les relations hommes/femmes. D’ailleurs, en parlant de ça, je n’ai pas non plus l’esprit à me consacrer aux femmes. Je n’ai pas « la tête à ça » (ce qui est rare en ce qui me concerne…). 

Comme un évènement de vie se répercute sur d’autres aspects de l’existence, je ne suis pas non plus d’humeur à faire mon travail (ce qui engendre des complications supplémentaires dont je me serais bien passé…). A cela, il faut ajouter que je dépense plus que d’habitude pour des achats compulsifs que je regrette instantanément ; que je n’ai pas le temps de faire ni sport, ni musculation, ni yoga ; que je n’ai ni l’envie de m’amuser ni de sortir ; et enfin, de manière générale, que je perds ma motivation, ma discipline et mes bonnes habitudes. Bref. En résumé, je suis véritablement « en enfer » : emprunté du latin ecclésiastique « infernum », neutre substantivé de « infernus », « qui est en-dessous ». 

Ce qui m’amène (enfin) au sujet de mon article : que peut-on apprendre de notre passage dans les régions chtoniennes de l’existence ? Que devient un homme lorsque « tout va mal » ? Que pouvons-nous découvrir lors de notre voyage en enfer ? 

La première chose que je souhaite souligner ici est une idée qui doit vous servir de « rappel », à vous aussi, chers lecteurs, lorsque vous traverserez à votre tour des moments difficiles (ce qui arrivera nécessairement un jour ou l’autre) : si vous avancez en enfer, continuez d’avancer et ne vous arrêtez pas. C’est précisément dans les moments les plus difficiles que l’on mesure le caractère d’un homme. Quand tout va bien, il est extrêmement facile d’être un homme. C’est quand tout va mal que l’on peut distinguer le faible du fort, le lâche du courageux, la lopette et le héros. Je suis toujours à l’heure, je fais ce qui doit être fait, je suis rasé de près et impeccablement habillé, j’ai toujours le sourire, je ne me plains pas, et je ne parle à personne de ce qui m’arrive (à l’exception de cet article de blog). C’est ce que l’on attend d’un homme, même si les gonzesses ou les « hommes modernes » cherchent à faire « évoluer les mentalités ». Certains diront que mon attitude est une manifestation de la « masculinité toxique » et l’expression d’un « stéréotype de genre ». Il n’en est rien : c’est ainsi qu’un homme doit se comporter et pas autrement. Il faut serrer les dents, ne pas montrer qu’on a peur, se battre et subvenir aux besoins de sa famille (en l’occurrence, de mes parents, dans mon cas). Il faut incarner la masculinité toxique dans ses aspects les plus extrêmes et se comporter conformément aux pires clichés virils-mascu possibles. De manière assez bizarre (et assez… plaisante… d’une certaine manière…), je peux confirmer que… ça fonctionne ! C’est du LARP et ça marche : à force de jouer au mec inébranlable et à l’archétype du patriarche macho insensible, vous finissez à être réellement l’homme que vous prétendez être. A force d’interpréter un personnage, vous devenez ce personnage (c’est le processus d’empathie incarnée ou d’identification). 

La deuxième chose que je souhaite souligner ici, c’est que l’enfer n’est pas un « lieux » ou un « état » qu’il faut considérer comme « négatif », au sens où on l’entend dans l’imaginaire et la psyché moderne. On a souvent de « l’enfer » une vision chrétienne : un état de souffrance extrême — du corps ou de l’esprit humain après sa séparation du corps —, douleur expérimentée après la mort par ceux qui ont commis des crimes et des péchés dans leur vie terrestre, et par extension, lieu, état, ou condition qui expose à d’extrêmes tourments physiques ou moraux dans la vie quotidienne. J’envisage plutôt les périodes « néfastes » comme le corollaire parfaitement logique des périodes « fastes ». Les épreuves doivent éprouver l’homme comme le feu éprouve le fer. On ressort grandi de chaque épreuve, de chaque difficulté, de chaque retournement de destin. J’irai presque jusqu’à dire qu’il faut accueillir les difficultés avec le sourire, car c’est ce qui permet de nous révéler à nous-même. 

La troisième chose est que dans les moments difficiles, je considère que les gens croyants sont mieux dotés que les athées. En tout cas, en ce qui me concerne, ma foi m’aide beaucoup. Comme certains le savent, je suis entièrement tourné vers l’hindouisme (et en particulier la Bhagavad-Gītā), et cela m’aide plus que vous ne pourriez l’imaginer. Dans ce livre, il est question d’une guerre, qui peut être considérée comme une métaphore des confusions, des doutes, des craintes et des conflits qui préoccupent toute personne à un moment ou un autre de sa vie. La Bhagavad-Gītā enseigne les yogas qui permettent de l’apaiser et notamment le « Karma yoga » ou « voie de l’action juste ». Selon Krishna, la racine de toutes les douleurs et de tous les troubles est l’agitation de l’esprit provoquée par le désir. Pour éteindre la flamme du désir il faut calmer l’esprit par la discipline des sens et de l’esprit. L’enseignement du renoncement ou détachement des fruits de l’action revêt une importance particulière, sans pour autant inciter à un non-agir ; chacun doit, selon sa nature, s’efforcer de remplir son devoir personnel. En d’autres termes, quand « tout va mal », il ne faut pas se préoccuper de ce qui peut arriver ou ne pas arriver, l’essentiel est de ne pas sombrer dans l’inaction. 

Et c’est sur cette dernière considération que je vais m’arrêter. Chers lecteurs, vous qui me lisez et dont j’ignore tout, je ne sais pas ce que vous traversez en ce moment, et quoi que vous puissiez vivre, je tiens à vous rappeler ainsi de ne jamais désespérer et de continuer à avancer dans votre vie, un pas à la fois, quel que soit votre situation actuelle. 

« Unifiant l’intelligence purifiée, maîtrisant l’être entier par une volonté ferme et stable, ayant renoncé au son et aux autres objets des sens, se retirant de toute affection et de toute aversion, recourant à l’impersonnelle solitude, sobre, ayant maîtrisé la parole, le corps et le mental, constamment uni par la méditation avec son moi le plus profond, renonçant complètement au désir et à l’attachement, rejetant égoïsme, violence, arrogance, désir, courroux, sens et instinct de possession, délivré de tout sens de « moi » et de « mien », calme et lumineusement impassible – un tel homme est prêt pour devenir le Brahman. Quand un homme est devenu le Brahman, quand, dans la sérénité du moi, il ne s’afflige ni ne désire, quand il est égal envers tous les êtres, alors il obtient le suprême amour et la dévotion suprême pour Moi ».

Bhagavad-Gītā — XVIII, 51-54.