Ceci n’est pas livre de philosophie. C’est exhortation. J’ai presque rien à dire à la plupart de ceux qui sont pas comme moi, et j’me fiche encore plus de les convaincre. C’est le récit de mes rêveries. J’ai essayé de mettre, aussi bref et simple que je pouvais, la pensée qui me motive et le problème auquel la vie est confrontée dans son ascension ou sa décadence.
J’ai été convaincu d’écrire ce livre par certaines grenouilles qui m’ont dit : « C’est pas honteux que des charlatans se multiplient, qu’ils déversent leurs doctrines crades dans des esprits réceptifs partout ? Des perversions — des minables, en plus — naissent par milliers et hantent, comme une meute de nains estropiés dans un palais aux miroirs, elles hantent le monde, les livres, internet. Les esprits sont perdus. Si tu attends plus, tout va être broyé en ordures, y aura plus rien — tout va se transformer, tout le monde va devenir un chiotte de toilettes publiques bulgare. Mais t’as vu le film Midnight Express… et… et comment ça t’a fait sentir ? »
J’ai été tiré de ma torpeur par mes frens grenouilles et je vous déclare, avec grande audace, que je suis là pour vous sauver d’une immense laideur.
Si vous regardez dans les yeux de certaines personnes, vous voyez une espèce d’énergie démente. C’est de la pure rage ou soif de pouvoir, et rien de plus. Je veux pas salir ces pages en mentionnant les noms de nobodies de notre temps. Mais si vous voyez une photo de Hillary Clintong ou d’Adam Schiff, les yeux exorbités sous stimulants et antidépresseurs ou j’sais pas quoi, vous pigez ce que je veux dire. Il y a un pli autour de l’œil qui le trahit, ça ressemble à un cyborg qui déraille, ces gens ont un regard inhumain et sont des véhicules pour autre chose. Vous voyez ça aussi chez les chefs de la bureaucratie de l’UE, avec leurs yeux minuscules de taupe derrière de petites lunettes, ces verres tout petits qui reflètent la lumière. Vous le voyez dans le regard robot-mort des nouveaux humaings automates qui gèrent les départements du gouvernement, la DMV, les zombies brutaux qui font la sécu dans les aéroports ou dans les salles de “health care” d’hôpitaux sous l’horreur de la lumière jaune fluo.
Je voulais montrer l’ombre sinistre d’un mouvement caché derrière les événements de notre temps et d’avant. C’est une grande puissance qui agit comme un fantôme. Elle se dissimule dans sa propre obscurité, et elle a été absorbée par les terres et les peuples à tel point qu’on ne la voit plus vraiment. Il y a juste un air maudit incrusté dans les choses et sur certains visages. On disait pareil d’Hadès. Certains racontaient qu’il avait une immense honte quand un autre dieu écartait le voile du monde sous-terrain pour révéler toutes les saloperies qui s’y trouvaient. Est-ce que l’Hadès de notre temps peut ressentir de la honte ? J’ai aussi entendu dire qu’il existait de telles choses sous la mer, immondes et terrifiantes, qu’on découvre quand la mer se retire avant une énorme tempête. Moi, je vais tirer le rideau de cette Prison de Fer et vous montrer où vous vivez vraiment…
Les choses secrètes se manifestent dans les rêves. Héraclite dit : « Toutes les choses que vous voyez éveillé sont la mort, toutes celles que vous voyez endormi sont le sommeil. » Il voulait faire le malin ! À son époque, plein de dieux, de satyres sabots fourchus, et d’autres entités bizarres se montraient aux hommes dans leurs songes.
Spirituellement, à l’intérieur, vous êtes tous rincés, et il y a un gros trou par lequel des puissances monstrueuses baisent votre cerveau, laissant s’échapper toute votre vie et votre énergie de concentration. Vous ne vous voyez pas comme vous êtes vraiment, mais peut-être qu’un cauchemar pourrait vous le montrer.
Moi, je suis là pour vous indiquer la sortie.
Il y avait Empédocle, un philosophe, un mec à la vision élevée. Il a sauté dans le volcan Etna en Sicile parce qu’il savait qu’il renaîtrait en dieu. Imaginez vous maintenant devant le rebord de l’Etna. C’est aride, poussiéreux. Vous ressentez la chaleur, mais pas comme vous l’aurez cru. Ce n’est pas Romantique. C’est juste chaud, sec, vous respirez mal, et l’odeur infernale du soufre, de la terre humide et d’autres horreurs réveille en vous une vieille mémoire ou l’instinct de fuir. Vous vous retrouvez nez à nez avec la violence et la brutalité de la roche, vous commencez à avoir la tête qui tourne à la fixer. La lave dans tes narines, et ce n’est pas juste que ça vous fasse peur. Si c’était la pure terreur, ça pourrait vous pousser à l’action. Mais là, tes narines sont envahies de la banalité et de la fadeur de la poussière en fusion, vous voyiez du gris et du noir. Ça vous fait penser à une après-midi torride d’été à côté d’une station-service abandonnée, vous vous sentez bloqué sur une route poussiéreuse, suffoquant sous la chaleur. Vous voyez des flammes au fond du cratère, mais il n’y a pas le romantisme du feu comme vous l’imaginez. C’est tout ? Ça vous semble rien, parce qu’à vos yeux c’est rien. Alors vous reculez. Vous n’êtes pas ressuscité en dieu, vous restez un âne. Votre esprit menteur se met alors à débiter des arguments pour vous dire que c’était la bonne décision. Bien sûr ! Il y a un bon repas, un verre de vin, peut-être une nana qui vous attend. Sa chatte est chaude et accueillante. Empédocle était juste timbré.
Non, ne sautez pas dans l’Etna, ni le Mauna Loa, ni le Puyehue, ni l’Eyjafjallajökull, ces Titans du monde. Même si vous réussissez, ça ne marchera pas maintenant. Ces portails sont fermés pour des lustres. Mais ! D’autres portes vous sont fermées aussi. Ce que l’Etna était pour Empédocle — est-ce qu’il existe quelque chose de semblable pour vous ? Est-ce qu’il existe encore quelque chose du genre ?
La vie a un truc en elle qui va au-delà d’elle-même. C’est un ver intergalactique, je ne peux pas en dire plus ici, vous devez patienter. Mais si vous n’allez pas au-delà de vous-même, vous êtes déjà mort ! La plupart de l’humanité est faite de morts qui marchent.
Je vais vous raconter autre chose. À l’Âge de Pierre, un mec apparaît, aux épaules énormes, un gourdin à la main. Les gens le croient fils d’un dieu… d’une femme mortelle qui a cocufié son mari avec un dieu. Dès enfant, il montre une force surhumaine. Il grandit et se rend dans la zone la plus sauvage pour combattre un grand lion des cavernes. Il ressort de la grotte avec la peau du lion sur le dos. Le lion bouffait les gens et faisait régner la terreur, mais maintenant, il porte cette terreur sur ses épaules. Il a la crinière sur la tête, la dépouille sur le dos, et un grand gourdin dans la main. Les gens l’adorent : sa descendance fonde des lignées de rois, à Sparte et ailleurs. C’était quoi son acte fondateur ? Il a massacré des monstres, il a rendu les voies maritimes accessibles, il a dompté la falaise. Mais souvenez-vous de la peau de lion sur ses épaules. C’était le lion de Némée. Savez-vous ce que c’est, Némésis ? Dans la nature, il y a une fonction purgative gigantesque. Comme ces singes qui changent de sexe selon la situation. Dans un lac de certains reptiles, quand ils surpeuplent et que c’est saturé de détritus, un monstre naît parmi eux : un lézard plusieurs fois plus gros que les autres, qui fait un carnage et réduit la population. Les Grecs croyaient à cette puissance et la vénéraient comme une justice. Dans la Bible, ça se traduit par l’allégorie du Déluge, en réalité c’est l’esprit irrépressible des Peuples de la Mer, et la justice divine qu’ils ont infligée aux cités dont la vie s’était vidée de sens, et une grande laideur au monde. Vous ramenez un lionceau chez vous, mais Eschyle dit qu’il deviendra prêtre du désastre quand il grandit : la nature a une force qu’on ne peut pas retenir. Sa violence contre la surpopulation est la justice divine. Son anéantissement des plans dérisoires de la raison, des mots inutiles de l’homme—c’est beau. Voilà ce qu’est la puissance de Némésis : peu sont choisis pour la manier, et encore moins savent qu’ils le sont ou quoi en faire. Quand Hercule revêt la force de Némésis sur ses épaules, il devient le héros qui rend le monde docile et sûr pour les cités d’hommes véritables. Mais c’était son époque, et la nôtre est un temps de surplus. La fonction est différente. L’étoile de Némésis reviendra, c’est certain, et elle doit déjà briller en certains d’entre vous.
À l’Âge du Bronze, les hommes avaient la vie et la force, et je vois déjà, au loin sur l’horizon de notre monde — je prie que ce ne soit pas un mirage ! — je vois cet esprit revenir sûrement dans notre temps. Des bandes pirates et des fraternités sillonneront la mer, et pas que la mer. Les ennemis de l’homme occidental et de la beauté vont apprendre ce qu’était vraiment une race de pirates, un nid de pirates, comme les Chinois ont pensé des Hollandais à leur première rencontre. Je veux vous préparer à accueillir ce vieil esprit — de vieux esprits se relèvent, derrière les roseaux… la silhouette ondule sur un fleuve en fin d’été, et je vois déjà des hommes qui savent honorer ces vieux copains étranges.
Puissent-ils nous habiter à nouveau et nous donner la force de nettoyer ce monde de ses déchets !
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Les trois étendards. 