L’influenceur Looksmaxing Clavicular illustre le malaise des Zoomers par rapport aux femmes. 

L’ascension d’un influenceur qui s’est dédié au « Looksmaxing ».

Tous les gourous du développement personnel (l’accro à la salle de musculation, le coach en esthétique, le mentor du « glow-up ») racontent tous à peu près la même chose : travaille dur, mange sainement, reste discipliné, fais du sport, fais de l’argent, etc… Mais pour l’influenceur Braden Peter, alias « Clavicular », il fallait aller plus loin. Il voulait la perfection, et il était prêt à se détruire pour l’atteindre. Clavicular avait à ses débuts la réputation d’un homme motivé et motivant, confiant et séduisant, dont les conseils aidaient les jeunes hommes à se sentir mieux dans leur peau. Il parlait de « confiance en soi », de « soins de la peau », de « fitness » et de « looksmaxing » — l’idée que l’on peut littéralement optimiser son visage et son corps pour atteindre son physique idéal. Cependant, à mesure que son audience explosait, son ego et ses méthodes suivaient la même courbe exponentielle. Ce qui avait commencé comme une tendance inoffensive de développement personnel allait bientôt dégénérer en un cauchemar de drogue, de chirurgie et d’automutilation.

Théorie Incel et dérive vers le « Hardmaxing ».

Ses fans ont commencé à l’imiter : se briser les os du visage, s’injecter des stéroïdes, et même tenter des procédures médicales à domicile. Clavicular se vantait de consommer de la méthamphétamine, de la cocaïne et des stéroïdes lors de ses livestreams. Il a conseillé à des milliers de jeunes abonnés de prendre de la cocaïne avant de sortir. Selon lui, « si vous voulez sortir et avoir du succès avec les filles, prenez toujours de la cocaïne ». Et curieusement, plus il devenait complètement fou, plus sa popularité était en croissance.

Avant de faire la une des journaux, Clavicular n’était qu’un influenceur de plus dans la sphère du développement personnel. Son message était simple : « Toi aussi, tu peux te transformer ». Sur Instagram, sa biographie indiquait : « J’aide les gens à exploser. Contactez-moi en DM pour du coaching. » Mais l’approche de Clavicular se distinguait car il faisait partie d’une sous-culture croissante née dans les recoins obscurs d’Internet : le « looksmaxing ». Le looksmaxing est un terme tiré de la BlackPill, la « Pilule Noire ». L’un des concepts-clef de la Pilule Noire est la « théorie LMS » : « LMS » fait référence à « Looks, Money et Status », un concept développé par des Incels qui suggéraient que ce qui importe pour attirer les femmes, ce sont principalement l’apparence physique, l’argent et le statut social. Ce concept nie l’importance de la confiance en soi, de la personnalité et des capacités en séduction comme facteurs déterminants. L’importance accordée au « look », à l’apparence, a donné lieu au « lookisme » (« Lookism ») : l’idée est que dans un monde de rencontres amoureuses de plus en plus axé sur l’apparence physique, la seule façon de réussir est de faire preuve de vanité et de narcissisme. Dans cette théorie BlackPill, les incels pensent qu’ils doivent donc tout miser sur le physique pour attirer un partenaire dans le contexte des rencontres amoureuses modernes. Dans l’absolu, cette idée n’est pas entièrement dépourvu d’intérêt, du point de vue plus « classique » du masculinisme standard (c’est-à-dire de la RedPill, la Pilule Rouge). En effet, Les femmes accordent bien sûr beaucoup d’importance à l’apparence physique des hommes. Elles fixent un seuil minimum d’attractivité pour leurs partenaires potentiels. Les femmes mentent également sur l’importance qu’elles accordent à l’attractivité physique. (Là-dessus, on pourrait argumenter que si l’apparence physique est importante, d’autres facteurs le sont également). L’attrait global d’une personne pourrait être considéré comme la somme de ses caractéristiques attrayantes. Malheureusement, l’apparence physique est le seul facteur permettant de prédire l’intérêt d’une femme lors des rencontres en lignes sur les sites et les applications de rencontre, c’est donc la seule chose que les Zoomer retiennent comme important, eux qui n’ont pas connu (ou…moins connu) la bonne vieille drague en face-à-face des milléniaux dans la rue, les bars et les boites.

Bref, dans le looksmaxing, il y a deux écoles : le « softmaxing » (coiffure, blanchiment des dents, sport) et le « hardmaxing » (chirurgie, hormones, injections). Sur les versants les plus sombres des forums Incels, on discutait de « bone smashing » (« se briser les os »), une pratique consistant à se frapper le visage de manière répétée dans l’espoir d’en remodeler la structure. Clavicular a plongé dans cette seconde catégorie.

Le culte de « l’Ascension ».

À mesure que son influence grandissait, un seul mot définissait l’identité (en ligne) de Clavicular : « Ascension ». « Soit, tu réalises l’ascension, soit tu dépéris », répétait-il à ses spectateurs comme un mantra. « Réaliser l’ascension » dans le monde de Clavicular, signifiait améliorer son apparence et s’élever au-dessus de la médiocrité par tous les moyens nécessaires. Avec le temps, le mot a cessé de signifier « amélioration » pour devenir une forme de « salut ». Il a commencé à parler de thérapie de remplacement de la testostérone (TRT) et de peptides injectables comme s’il s’agissait d’hygiène de base, plaisantant même sur le fait qu’il était resté éveillé trois jours sous l’effet de la méthamphétamine.

Ce qui était une philosophie de niche a muté en une doctrine, une pseudo-religion pour jeunes hommes persuadés que la laideur était une maladie et que Clavicular en était le remède, le sauveur, l’élu. Ses partisans se faisaient appeler les « Ascendeurs ». Ils rejoignaient des communautés comme looksmax.org pour comparer leurs mâchoires et poster leurs photos de progression. Clavicular a lancé une école privée payante où, derrière un abonnement, les membres partageaient des photos de seringues et discutaient d’auto-expérimentations risquées. Le plus choquant est qu’une grande partie d’entre eux sont des adolescents.

Les conséquences tragiques de l’influence toxique.

« L’Ascension » n’était plus une métaphore, c’était une initiation par la douleur. Un jeune fan s’est filmé en train de pratiquer une procédure cosmétique artisanale sur son propre visage, s’entaillant sous les yeux. Clavicular a diffusé la vidéo sur sa propre chaîne. Au lieu de condamner l’acte, il a encouragé la pratique et l’effet de réseau, transformant l’automutilation de ses fans en « contenu ». Chaque déclaration scandaleuse et chaque stream délirant nourrissaient le même cycle : le scandale générait de l’engagement, et l’engagement générait de la croissance.

Seulement quelques mois après son ascension fulgurante, Clavicular ne ressemblait plus à la même personne. Les photos comparatives montrent un visage gonflé et décoloré, et un regard autrefois confiant devenu vitreux et fuyant. La drogue le transformait ; la confiance avait laissé place à la paranoïa. Il passait ses directs à faire les cent pas, s’interrompant au milieu de ses phrases, les mains tremblantes et la parole pâteuse, comme s’il essayait de se convaincre lui-même de sa propre divinité.

Un miroir déformant pour une génération perdue.

Clavicular se qualifie désormais de « dieu du looksmaxing » alors même qu’il aurait (?) été expulsé de son université pour possession de stéroïdes ou aurait (?) été arrêté pour conduite en état d’ivresse. Sa déchéance est devenue son contenu. Sa première diffusion sur la plateforme Kick a attiré plus de 11 000 spectateurs. Il est devenu sa propre mise en garde, piégé dans le personnage qu’il a construit, un homme consumé par l’idée de perfection qu’il promettait autrefois d’enseigner.

Clavicular n’est pas un cas isolé. Son ascension a créé une vague de jeunes hommes convaincus que « douleur » est synonyme de « progrès ». Sur TikTok et YouTube, des dizaines d’imitateurs reprennent ses codes. C’est une histoire que nous avons déjà vue avec d’autres influenceurs américains tous plus stupides les uns que les autres : l’ambition se transforme en addiction, et le public continue de regarder pour voir comment tout cela finira. 

La réalité du « Pretty Privilege » et de la compétition intrasexuelle masculine.

Je vais être honnête avec vous : je ne sais pas trop quoi penser de cet énième influenceur zoomeur que tout le monde aura oublié dans quelques semaines. Sur le fond, c’est-à-dire sur le « lookisme », je pense qu’il a raison. On peut s’amuser à prétendre que le physique ne compte pas, mais vous êtes tous victimes de l’effet de halo. Vous traitez mieux les gens beaux, vous leur donnez plus de chances. Le concept de « privilège de la beauté » (« Pretty Privilege ») existe depuis des années dans la conscience collective, mais quand Clavicular en parle, c’est soudainement « tabou ». S’améliorer pour changer sa vie ne signifie pas être complexé. Si vous n’êtes pas satisfait de la façon dont le monde vous traite, quelle est la solution à part s’améliorer, y compris en s’améliorant physiquement ?

C’est comme un athlète de haut niveau : s’entraîner chaque jour pour gagner ne veut pas dire qu’il n’a pas confiance en ses capacités. Il veut simplement atteindre le niveau supérieur face à une compétition féroce. Clavicular a décidé de faire de cette quête son identité entière en choisissant la voie de l’absolue et du radical. La majorité de ceux qui le critiquent sont en mauvaise santé, ont une mauvaise alimentation et sont freinés par leurs propres croyances limitantes. Personnellement, je préférerais suivre une voie extrême pour « réaliser l’ascension » plutôt que de rester un homme moyen et castré dans une société médiocre.

Clavicular et le danger du « LazyMaxing ».

Cependant, je trouve que beaucoup de ses méthodes sont inutiles. C’est un manque de patience qui ne justifie pas le ratio risque/récompense. Injecter de la testostérone pour un physique qu’on peut obtenir naturellement en quelques années de travail acharné est insensé. On devient dépendant, stérile, et on doit gérer des effets secondaires fort peu sympathiques.

Le plus sinistre reste que son public de zoomer suive ses recommandations. Les zoomer, génération d’asociaux et asexuels toujours en ligne mais très timides dans la vie réelle (surtout avec les gonzesses) sont trop influençables ou n’ont pas le quotient intellectuel nécessaire pour comprendre qu’ils détruisent leur vie en suivant des conseils de looksmaxing poussés à l’extrême. 

Selon moi, Clavicular et son « école de pensée » (si on peut appeler cela ainsi…) incitent à « l’externalisation » et à la faiblesse : « Prends cette pilule, fais cette chirurgie, parce que tu es un esclave trop faible pour te contrôler et t’améliorer toi-même par un véritable effort ». C’est du « LazyMaxing ». Il veut les résultats les plus rapides possibles sans aucun égard pour la longévité, devenant ainsi un « patient permanent » dépendant des médecins, et pire, un homme qui ne se voit qu’au travers du regard des femmes. Un homme qui fonde son identité sur ce que les femmes pensent de lui n’est pas un vrai homme, si vous voulez mon humble opinion. Un homme est d’abord à lui-même son centre. Il ne renvoi pas à quelqu’un d’extérieur à lui la définition de sa propre identité. La santé mentale de Clavicular est catastrophique, car toute son identité repose sur son apparence. Et une personne dont l’identité repose sur l’apparence, ça s’appelle une femme.

Au-delà de Clavicular lui-même, je crois qu’il représente, et même qu’il incarne tout ce qui ne va pas chez les zoomer, dans leurs relations avec les femmes. Comme je l’ai dit, l’apparence d’un homme est importante. C’est une vérité. Mais ce n’est pas tout. Les zoomer masculins ne comprennent pas cela car – en tant que génération – ils sont trop souvent en ligne et pas assez dans la vie réelle. Les milléniaux, de ce point de vue, sont plus sains. Moi-même, qui ne suis ni le plus grand, ni le plus beau, ni le plus musclés des hommes, j’ai eu de très bons succès avec les femmes parce que j’ai eu le plaisir de grandir et de draguer les filles avant internet et les réseaux sociaux. Les Zoomer ne se recontrant plus qu’à travers les applications de rencontre – et non dans la vie réelle – accordent trop d’importance à des éléments qui, s’ils sont certes importants, ne sont pas aussi fondamentaux qu’ils le croient. Les conseils d’influenceurs que je citais en début d’articles (travaille dur, mange sainement, reste discipliné, fais du sport, fais de l’argent) sont suffisants pour avoir un succès relativement correct dans la vie (et avec les femmes). Très souvent – et à quelques exceptions près – le « maxxing » n’est pas la meilleure stratégie : à un certain niveau, le fait d’être dans le « top 0,1% » des hommes ou dans le « top 0,01% » des hommes n’apporte pas de retour sur investissement exceptionnel. Mon conseil : débrouillez-vous pour rester dans le top 20% des hommes, c’est largement suffisant. Toute amélioration supplémentaire nécessite trop d’investissement extrême ou dangereux, pour un retour médiocre. Et n’oubliez pas non plus ceci : les hommes accordent plus d’importance à l’apparence physique des femmes que l’inverse. Alors ne soyez pas trop dur avec vous-mêmes si vous ne ressemblez pas à un mannequin. Améliorez-vous, mais n’en faites pas une religion, un dogme ou une croisade personnelle. Soyez beau, mais restez simples.