L’expérience la plus douloureuse pour la grande majorité des gens — et même l’une des expériences les plus douloureuses pour les gens qui ont beaucoup d’Ego — consiste à se tromper, à faire des erreurs, à échouer. Et c’est ce qui motive beaucoup de conflits inutiles dans le monde, à la fois à l’échelle interpersonnelle et aussi à l’échelle mondiale : ce besoin de prouver que « c’est MOI qui ai raison ! », et que ce sont les autres qui se trompent.
Je crois qu’en réalité, plutôt que de s’engager dans ce qui est souvent un débat stérile, qui peut très bien dégénérer en conflit et en agression purs et simples, il y a très peu d’inconvénients à laisser les gens se tromper.
Il y a deux résultats potentiels.
1. Le premier est que vous laissez quelqu’un se tromper, et il est, faute de meilleur mot, objectivement dans l’erreur. Les conséquences de ses actions, à travers le reste de la réalité, le reste de la vie, lui montrent qu’il a tort : il souffre, il fait l’expérience de l’échec, il fait l’expérience du rejet. Dans ce cas, génial : vous avez effectivement raison, non pas par la force de votre dialogue, de votre verbe, mais par le résultat de la réalité, la simple constatation de « ce qui est ». Et nous connaissons aussi l’expérience des conséquences d’avoir tort : c’est douloureux. C’est pourquoi nous sommes souvent motivés à argumenter et à prouver que nous avons raison. Donc, à un certain niveau, quelle pire punition pouvons-nous infliger à quelqu’un que de constater sa propre erreur ? C’est l’expérience, l’état que nous essayons souvent d’éviter à tout prix en traitant avec les autres. Alors, laissez les gens se tromper.
2. D’un autre côté, l’autre issue possible est que… c’est nous qui nous sommes trompé… sur le fait que les autres se trompaient ! Qu’ils aient continué leur vie et qu’ils semblent avoir réussi. Ils semblent prospères, il ne semble y avoir aucun problème. Et dans ce cas, tant mieux pour vous aussi ! Tant mieux pour vous parce que vous avez évité en quelque sorte la honte et l’ignominie d’avoir parié sur le mauvais cheval, si l’on peut dire. Et vous pouvez potentiellement examiner vos propres croyances pour voir comment il se fait que vos attentes ne correspondaient pas à ce qui s’est réellement produit.
En résumé, en laissant les gens se tromper : si c’est vous qui avez effectivement raison, le simple fait de laisser quelqu’un constater sa propre erreur est une victoire, et si c’est vous qui avez tort, vous vous épargnez du temps et de l’énergie à persister dans l’erreur. Alors, dans le doute, laissez les gens se tromper s’ils ont tort. Rien de ce que vous pouvez dire à une personne ne la dissuadera vraiment de son erreur. Seule l’expérience de sa propre douleur, de sa frustration et de son échec l’amènera potentiellement à examiner les croyances qui l’ont menée à ce point. Quoi qu’il advienne, que l’on ai raison ou tort, on gagne un temps considérable à ne pas polémiquer inutilement. En voulant à tout prix montrer qu’on a raison, on perd plus de temps qu’on en gagne. Cela satisfait temporairement l’Ego, mais ce que j’ai expérimenté dans la plupart des cas, c’est que moins vous avez le désir de prouver que vous avez raison (quel que soit le sujet), plus vous êtes en paix (avec vous-même et avec les autres).
Il est à noter que si vous êtes français, cet article vous est particulièrement destiné : j’ai noté que les français sont un peuple qui tient particulièrement à débattre et à argumenter pour un oui ou pour un non. C’est un énorme défaut national. Les français seraient mieux perçus, en général, s’ils arrivaient à se débarrasser de cette manie de tout le temps vouloir avoir raison. Ne soyez pas comme cela. Soyez tel un Bouddha qui ne s’attache pas : Bouddha ne forme aucun attachement, et cela inclus l’attachement à la rhétorique et à la dualité du « avoir raison / avoir tort ». Laissez les autres se tromper, ne vous attachez pas à leur montrer que vous étiez dans le vrai, et ne vous attachez pas à défendre à tout prix une position, quand vous découvrez que vous êtes vous-même dans l’erreur. Essayez cet exercice pour la journée : « aujourd’hui, je ne débats de rien et je n’argumente sur rien, quand on me demande mon avis, je n’exprime ni « pour » ni « contre » ». Et maintenant, allez en paix mes enfants.