Attention ! Cet article fait partie du projet « Comprendre le phénomène Incel : une approche empirique des expériences sexuelles, sociales et sociétales des hommes modernes ».
Dans cette série d’articles que j’ai brièvement présenté dans mon introduction, j’ai envie d’emmener mes lecteurs dans un voyage à la découverte des causes et des phénomènes qui expliquent le manque d’intimité et d’affection dont souffre aujourd’hui une partie croissante des jeunes hommes occidentaux.
J’ai consacré de très nombreuses heures de ma vie à l’étude des interactions hommes/femmes (et mon site « les Trois Étendards » le prouve, tant il représente un site assez unique, puisque c’est l’un des rares site francophone ouvertement et fièrement masculiniste). Ce processus d’étude m’a amené à évaluer la psychologie et les comportements sexuels des hommes et des femmes, à remettre en question les croyances dominantes et à rencontrer des hommes qui ont vécu des expériences à la fois très heureuses et très malheureuses dans ce domaine. Les informations recueillies au cours de ce travail sont présentées dans tous les articles que j’ai pu écrire (ou traduire) au fil des ans.
Une analyse claire et approfondie des phénomènes « incel » et de la « blackpill » (la « pilule noire ») peut permettre une compréhension plus nuancée des personnes impliquées dans ces phénomènes, et peut-être de la masculinité en général. À ma connaissance, il n’existe aucune publication offrant un point de vue complet sur la sexualité humaine du point de vue de ceux… qui ne la vivent pas, ou qui la vivent mal.
En abordant ces sujets d’un point de vue analytique et à l’aide de données scientifiques, j’espère que mes articles inspireront une étude plus approfondie et plus sincère de ces questions. Je précise que même si des sources scientifiques ou statistiques seront utilisées ici ou là, l’objectif n’est pas de fournir un texte à portée « universitaire » ou « intellectuelle », mais de proposer (comme d’habitude) des pistes de réflexions.
Une partie de ma motivation à consacrer autant d’énergie à ce domaine vient d’une part de ma propre expérience (j’ai beaucoup souffert de ma vie sentimentale de mes 14 à mes 17 ans) et d’autre part de mon énervement face à tous les avis et les opinions stupides que je lis ici ou là sur internet ou sur Twitter.
Avant toute chose, réfléchir au phénomène Incel, c’est d’abord comprendre que tout cela n’existait pas il y a plusieurs dizaines d’années. Souvenez-vous qu’il existait une époque avant Tinder. Avant les réseaux sociaux. En anglais comme en français (et dans d’autres langues), le terme « Incel » n’existait pas… et il existe maintenant. Pourquoi ? Les réseaux sociaux en étaient à leurs balbutiements et la plupart des relations amoureuses commençaient encore naturellement « dans la vraie vie ».
À l’époque, ou Tinder est sorti (septembre 2012), j’avais déjà eu plusieurs copines et ma vie amoureuse était bien remplie. Mes principales préoccupations étaient d’ailleurs de sortir boire un verre avec des amis et de draguer des filles dans les bars. Et il me semble, d’après ma petite expérience de la vie parisienne de l’époque, que tout le monde (c’est-à-dire tous les mecs) faisait comme moi, et que personne n’avait de problème en ce domaine. Ce n’est que peu à peu (très lentement à vrai dire), au fil des ans, que j’ai pu observer dans ma vie personnelle une difficulté croissante à interagir avec l’autre sexe, et à constater la même difficulté chez d’autres, et aussi, de constater que de plus en plus d’hommes étaient exclus des interactions H/F.
En bref, plus les années passaient, plus je constatais, à la fois dans mon cercle et d’après des sources externes sur internet, que depuis 2012 (grosso modo), partout dans le monde, de plus en plus d’hommes étaient exclus du marché sexuel. Il y avait clairement quelque chose qui clochait, mais bien évidemment, personne n’en parlait, comme si c’était honteux. Mais il n’y a pas de honte à constater une chose. Ce qui est honteux, selon moi, c’est de ne pas être curieux et de ne pas oser dire une chose quand on la constate. Il ne faut pas avoir peur de « dire les termes ». C’est quand on se retient de dire qu’on se retient de penser.
Ai-je besoin de le dire ? Ce n’est pas parce que je parle du phénomène Incel que j’en suis un. Car là est, selon moi, le problème fondamental : aucun homme n’a envie de parler de ça sérieusement de peur de passer justement pour un incel. Mais à un moment donné, quand on constate que 80% des hommes (chiffre généralement admis dans l’androsphère) sont exclus du marché sexuel, ça commence à faire beaucoup… Il faut donc que quelqu’un « jette un pavé dans la marre » comme on dit. Et ce quelqu’un, c’est moi (même si je ne suis pas le seul).
L’étude du phénomène « Incel », ou plutôt la première étape du raisonnement, consiste justement en cela : accepter et admettre qu’il existe une « question masculine » qui ne se posait pas avant, ou en tout cas, qui n’existait pas avant avec la même intensité.
Il faut donc une voix pour raconter et pour expliquer la vie des hommes malchanceux qui sont exclus du marché de la séduction. Pour cela, et comme d’habitude, je vais procéder avec les mêmes sources et les mêmes outils dont on se sert dans la praxéologie masculiniste : déterminisme biologique, sociologie, sociobiologie, psychologie évolutionniste, etc…
J’ai passé de nombreuses heures à lire des forums masculins en ligne. J’ai parfois participé activement à ces discussions en ligne, mais j’ai surtout observé des milliers d’anecdotes publiées par des utilisateurs anonymes. Combinées, toutes ces informations présentent une théorie de l’interaction sociale qui est désormais connue sous le nom de « blackpill » (ou « pilule noire » en français, par opposition à la « pilule bleue » et à la désormais célèbre « pilule rouge » que je ne présente plus).
Si une perspective théorique permet de prédire avec précision un résultat dans la majorité des cas, elle est considérée comme une excellente théorie, et c’est ce que nous allons vérifier ici dans cette série d’articles.
En comprenant le point de vue « blackpilled », j’invite mes lecteurs (et aussi mes lectrices, s’il en existe) à comprendre ce que vivent de nombreux hommes. Je précise que comprendre ne veux pas dire « approuver » ou « justifier » tout ce qui se dit parmi les Incels (même si je dois reconnaître personnellement et en toute honnêteté que je partage de très nombreux points de vue). Je suis ainsi pleinement conscient que la pensée « blackpill » peut mener à une spirale descendante vers une pensée nihiliste. Si mon objectif est de montrer en quoi la pensée blackpill est, à bien des égards, conforme à la réalité, je ne cherche pas à approuver ou justifier ses conclusions les plus extrémistes. J’espère que ces précisions seront bien comprises.
Les jeunes hommes de moins de 35 ans qui croient que leur manque d’accès à l’intimité sexuelle et émotionnelle les condamne à être éternellement exclus ne doivent pas croire qu’ils ne pourront jamais accéder à l’affection et à l’amour, surtout s’ils en rejettent la responsabilité sur les femmes et sur la société dans son ensemble. Il est facile de rejeter la responsabilité de ce malheur sur quelque chose ou quelqu’un d’autre (par exemple, « toutes les femmes sont des salopes hypergames ») plutôt que de chercher à s’améliorer. MAIS on ne peut pas dire non plus que la « pilule noire » se résume à l’idée que « tu n’as pas de petite amie parce que tu es MOCHE » et que « tout est de la faute des hommes ». Oui, je veux dire ici que la Pilule Noire réussit tout de même à expliquer particulièrement bien certains aspects du monde moderne et de l’expérience masculine, et que oui, les femmes ont une part de responsabilité dans l’état catastrophique des relations H/F moderne. En d’autres termes, il ne sert à rien d’haïr les femmes, mais il ne sert à rien non plus d’haïr les hommes.
Du point de vue de l’incel, son animosité ou ses frustrations envers les autres existent en raison des rejets auxquels il est confronté chaque jour, pour des raisons qui échappent à son contrôle. Sur quoi ces rejets sont-ils fondés ? Quels facteurs sociaux et biologiques contribuent à ces rejets ? C’est surtout cette « expérience du rejet », plus que les discours ou les actes haineux, qui définit et galvanise la communauté incel. La majorité de ces hommes recherchent simplement un endroit en ligne où ils peuvent exprimer leurs frustrations face à la vie, à la solitude et aux femmes. On ne comprendra donc absolument rien au phénomène Incel si on se contente de penser que « ce sont juste des mecs misogynes qui haïssent les femmes ». C’est plus complexe que ça. Il existe un « spectre » : tous les incels ne souscrivent pas à un discours haineux anti-femmes. Le fait de partager des expériences peut apporter une catharsis et une paix intérieure. Il est cathartique de savoir qu’il existe d’autres personnes dans des situations comparables, qui ressentent les mêmes émotions. Et pour ceux qui éprouvent de la haine, nous allons analyser pourquoi ce sentiment existe et ce qui peut être fait, le cas échéant, pour y remédier.
Un autre aspect que je dois mentionner : certains masculinistes apprécient beaucoup la Pilule Noire. Pour eux, les pièces du puzzle s’assembleront de manière très prévisible, créant une explication très logique du monde dans lequel ils vivent. La blackpill peut être libératrice, mais elle a pour prix la perte du confort et de la naïveté, de l’innocence heureuse. Les vérités dures sont froides et impitoyables, et la pensée blackpill est pleine de vérités dures (encore plus difficiles à admettre que les vérités de la « pilule rouge » qui sont déjà impossible à admettre pour 99% des hommes…). Même si vous ne souhaitez pas que cela soit vrai, vous devez accepter que l’univers ne fonctionne pas selon vos souhaits et vos espoirs. Pour un homme (incel ou non), la « blackpill » est une « grille d’interprétation » qui peut avoir son utilité, son efficacité et un intérêt objectif. La « théorie noire » explique les difficultés rencontrées dans les rencontres en ligne, pourquoi certaines caractéristiques physiques sont récompensées et d’autres punies, et pourquoi les sentiments de désespoir ou de suicide sont courants chez les jeunes hommes. Ces informations peuvent réconforter certains, mais pour d’autres, elles seront psychologiquement destructrices.
Pour être franc, j’ai gouté à la « Pilule Noire » plus souvent qu’à mon tour, et pas seulement pour écrire des articles sur ce blog masculiniste. J’ai moi aussi, comme chaque homme, des moments sombres et des périodes tristes, ainsi que des moments d’intense solitude. Mais la blackpill est une voie vers le fond qu’il convient d’emprunter, mais sans aller jusqu’au bout. La Pilule Noire conclut que les choses ne s’amélioreront jamais. Une fois qu’un individu adopte cette idéologie, sa vie prend un tout autre aspect. Même les interactions sociales banales prendront soudainement une nouvelle signification sombre ; l’effet secondaire malheureux est que des conversations banales ou des expériences du quotidien, qui semblaient autrefois ordinaires, sembleront désormais sinistres. Presque toutes les interactions et presque toutes les formes de divertissement seront teintées par une perspective blackpill. Revoir vos films préférés vous amènera à les interpréter différemment. Vous ne supporterez plus d’écouter des chansons que vous connaissiez bien. Même chose pour certains livres. Surtout, vous jugerez les gens – en particulier les couples – avec plus de sévérité, en observant leur façon de parler, de se comporter et d’interagir. Une simple promenade en ville deviendra parfois difficilement supportable.
La pilule noire vous ouvre un troisième œil qui ne pourra jamais se fermer. Après avoir pris la pilule noire, vous comprendrez de très nombreuses choses. Vous comprendrez parfaitement pourquoi votre situation est un problème… mais vous ne serez pas en mesure de le résoudre. Certaines serrures n’ont tout simplement pas de clefs. La pilule noire vous fait voir que même si vous comprenez parfaitement le problème, vous ne serez jamais en mesure de le résoudre…
Mon conseil ? Prenez quand même la pilule noire, car il vaut mieux être lucide qu’ignorant, et que même si la vérité ne vous rendra pas heureux, elle vous rendra libre, ce que de nombreux hommes ne seront jamais, car ils n’oseront jamais, à l’inverse de vous, s’aventurer en terres obscures au-delà du voile illusoire des conventions sociales.