Dans le « livre de la voie et de la vertu », Lao Tseu écrit : « Quand la Voie est perdue, vient la vertu ; quand la vertu est perdue, vient la morale ; quand la morale est perdue, vient la justice ; quand la justice est perdue, vient la coutume sociale ; la coutume, simple ombre de la forme, est le commencement du désordre ». La décadence est un processus dégénératif qui coïncide avec le moment de l’histoire où les valeurs spirituelles sont remplacées par des idéologies fondées exclusivement sur un mécanisme socio-économique. D’un côté, nous trouvons le pouvoir légitime, l’autorité spirituelle et une force divine dirigée vers le haut ; de l’autre, une force dirigée vers le bas : une cause responsable de la dégénérescence de la civilisation. Il y a donc désordre au sein de la civilisation lorsque prévaut un pouvoir désintégrateur fondé sur la matière et le chaos plutôt que sur l’Ordre. Deux verbes expriment cette opposition : « être » et « avoir ».
Les hindous appellent l’âge d’or le « satya-yuga », l’âge de « l’être » qui correspond à l’origine primordiale, qui s’oppose à l’âge de Kali. Ce dernier est l’âge de la possession (« avoir »), car il est marqué par la prévalence des problèmes économiques, financiers et matériels. Selon cette perspective, outre le monde de la nature et de la perception ordinaire, il existe deux autres niveaux de réalité : l’un, supranaturel, dirigé vers le haut, et l’autre, « infra-naturel », qui mène vers le bas, vers les régions inférieures.
Le processus de subversion a suivi plusieurs étapes, toutes liées les unes aux autres. La première étape du processus a consisté à transformer la Tradition en simple « conformité » et « coutume sociale » : un ensemble de normes et d’institutions héritées de l’histoire et sans valeur réelle. L’étape suivante pour les agents de la subversion a été de nier la validité de toutes les influences spirituelles, bloquant ainsi l’élan ascendant de l’homme. Cela a été possible grâce à la diffusion de diverses théories culturelles et politiques qui utilisent le matérialisme et l’athéisme comme fondements théoriques. Le rationalisme, l’égalitarisme, l’évolutionnisme, l’utilitarisme, le relativisme, l’individualisme et « l’économisme » ne sont que les composantes d’un même plan subversif, dont le but est de réduire à néant toute aspiration humaine au sacré. Une fois que les liens avec le Ciel sont rompus, et qu’a été érigée une véritable barrière contre l’intervention divine, un processus de solidification s’est mis en place. La seule direction suivie est alors celle du bas, vers des régions gouvernées par l’irrationalité, le féminin, les forces terrestres (infernales). Cette phase, caractérisée par la dissolution de la personnalité, est encore plus dangereuse que la précédente : en effet, les individus qui ressentent le besoin de « réagir » d’une manière ou d’une autre se voient proposer des formes de spiritualité de substitution, qui invoquent les idéaux traditionnels tout en déformant leur sens véritable, au point de trahir leur message originel. L’homme moderne, privé des repères de la loi divine, se laisse séduire par les mouvements et les sectes néo-spiritualistes sans se rendre compte qu’ils détournent la spiritualité authentique. Cette recherche de l’irrationnel fait échouer toute tentative de réaction à la crise du monde moderne, neutralisant ainsi toute réaction de la part de ceux qui ressentent encore le besoin de cultiver leur propre dimension intérieure.
Le véritable objectif de la subversion est de renverser les sources spirituelles légitimes en les confrontant à un nombre croissant d’obstacles, comme le matérialisme, de manière à renverser la divinité. Il serait donc absurde de chercher à améliorer la vie sociale en négligeant la formation intégrale de la personnalité humaine (corps, esprit et âme). Toutes les véritables réformes ou révolutions politiques sont en fait des réformes et des révolutions spirituelles.
Dans l’histoire du monde, il y a des moments où le processus de décadence s’est manifesté de manière particulièrement explicite, des moments qui ont marqué le passage traumatique d’une époque à une autre. Dans une perspective plus large, la doctrine des quatre âges raconte le passage de l’âge d’or à l’actuel âge de fer, lorsque la perte des valeurs spirituelles a conduit à l’expansion progressive du matérialisme (ce qui n’est que trop évident de nos jours). À l’intérieur de ce cycle, il est également possible d’isoler certains changements historiques d’une importance capitale pour le monde européen : la chute de l’Empire romain, la chute du Saint Empire romain, les valeurs subversives de l’humanisme et de la Renaissance, les Lumières et le Positivisme, qui ont finalement conduit à l’une des plus grande catastrophe qui ait jamais frappé l’humanité : la Révolution française. À la suite de cet événement, auquel la décadence de la noblesse française a contribué, des phénomènes subversifs se sont produits à une vitesse de plus en plus grande par la diffusion de la démocratie, du capitalisme, du communisme et par l’action de puissants manipulateurs occultes. En suivant cette chaîne d’événements, nous arrivons à notre époque, où des éléments sataniques comme l’avortement, le génie génétique et l’éclosion de nouveaux cultes spiritualistes sont perçus comme des phénomènes ordinaires.