Dans cette nouvelle série d’articles, je vous propose de voyager et de sortir temporairement du masculinisme européen, afin de nous ouvrir à de nouvelles perspectives et d’aller explorer d’autres points de vue sur la masculinité. Je vous propose d’explorer la masculinité du point de vue africain, à travers un nouvel auteur : Chinweizu Ibekwe.
Chinweizu Ibekwe est un critique, essayiste, poète et journaliste nigérian. Il a publié en 1990 un ouvrage intitulé « Anatomy of Female Power: A Masculinist Dissection of Matriarchy » (Anatomie du pouvoir féminin : une dissection masculine du matriarcat). Dans cette série d’articles, je vous propose une traduction en français de cet ouvrage – histoire de voyager hors d’Europe et de voir ce que les hommes africains ont à nous dire sur ce que c’est que d’être un Homme.
Première Partie. Caractéristiques du pouvoir féminin.
Chapitre 1. Les 5 piliers du pouvoir féminin.
Chapitre 2. L’utérus, la cuisine et le berceau : les centres de contrôle du pouvoir féminin.
Deuxième partie. Le pouvoir de la mère.
Chapitre 3. Le commandant du berceau.
« Les femmes… contrôlent la nursery et parce qu’elles contrôlent la nursery, elles peuvent potentiellement modifier tous les modes de vie qui les menacent ».
Marvin Harris.
Le pouvoir de la mère est la forme du pouvoir féminin la moins néfaste à l’homme. Bien sûr, il est possible de sanctionner un garçon qui se comporte mal, en lui donnant une claque, en le menaçant, en le réprimandant, ou en le privant de dîner. Mais, dans l’ensemble, le pouvoir de la cuisine et du berceau sur le garçon s’exerce d’une manière douce et inoffensive. En raison de l’incapacité sexuelle du petit garçon, le pouvoir matriciel de la mère se déchaîne rarement contre lui et, en raison du tabou de l’inceste, tout aussi rarement contre l’adolescent.
Le pouvoir de la mère sur son garçon est ancré dans l’admiration de celui-ci pour la mystérieuse capacité de reproduction de la personne qui lui a donné la vie ; dans la gratitude qu’il éprouve pour l’infirmière qui prend soin de lui, qui le protège dans un monde qui lui est inconnu et qui souvent lui fait peur ; et dans le respect avec lequel il traite son premier professeur. Il s’exerce par la manipulation subtile de sa soif d’approbation et de louange maternelle ; et par la manipulation parfois non dissimulée de sa gratitude envers sa mère. Chez les Igbo, comme ailleurs, « la dernière supplication qu’une mère ferait à un enfant insoumis et rebelle serait la suivante : « Quoi que tu deviennes et où que tu ailles, je t’ai porté pendant neuf mois dans mon ventre ; et je t’ai nourri à mes seins, jusqu’à ce que tu sois sevré. » Seul un enfant exceptionnellement impitoyable et dénué d’imagination ne réagirait pas par des protestations de repentance et d’obéissance filiale à cet irrésistible appel aux sentiment ».
Cette manipulation des sentiments de culpabilité n’est que l’une des méthodes permettant au pouvoir de la mère de régenter sa progéniture. Selon Helene Deutsch, « Beaucoup de mères dans leurs efforts pour s’attacher leurs enfants font appel, intelligemment et de manière cohérente, à leurs sentiments de culpabilité : « Tu m’abandonneras, moi qui a tant souffert ? » D’autres parviennent à occuper la place de l’idéal du moi si profondément et de façon si permanente que l’enfant ressent tout affaiblissement de sa relation avec sa mère comme un danger pour sa morale intérieure. Une mère matriarche dominatrice réussit souvent à maintenir ses enfants sous son emprise, en mettant en place une idéologie commune qui lui permet d’assouvir sa tendance à dominer ».
Les techniques du pouvoir féminin se révèlent peut-être mieux dans les batailles que livrent les filles adultes pour se rendre indépendantes de leur mère. Dans certains cas, nous avons le privilège d’observer deux adeptes du pouvoir féminin analyser leur jeu dans le feu de l’action. Dans cette bataille, la fille énumère les principales techniques par lesquelles sa mère l’avait contrôlée jusqu’à ce que, à 34 ans, elle se révolte contre elle. Les voici :
- faire des « remarques prétendument fortuites » qui font affront aux amis et au mari de sa fille ;
- faire en sorte que sa fille « se sente sous pression, nerveuse et incapable de te plaire » ;
- faire en sorte que sa fille se sente exclue du cercle familial, « auquel je n’appartiens pas, auquel je ne veux pas appartenir, mais auquel je pense que devrais appartenir. Un cercle auquel je fais semblant, en ta présence, d’appartenir et ce faux-semblant me rend nerveuse » ;
- faire en sorte que sa fille « se sente terriblement coupable », si elle a fait quelque chose « en sachant, en le faisant, que je te déplaisais, que je te contrariais » ;
- faire en sorte que sa fille « n’aspire à rien d’autre qu’à te plaire » ;
- manipuler la peur que, toute petite, sa fille avait « que quelque chose de terrible allait se produire et que ce serait entièrement de ma faute » ; sa crainte de se tromper et qu’on lui démontre qu’elle a tort : « Et quand tu as des accès « de mauvaise humeur » (qui, de mon point de vue, sont imprévisibles), cette peur me hante » ;
- en essayant « de me faire culpabiliser en disant que « je te rejette » », ou en « répétant que ma lettre t’a « blessée » » ;
- en me disant, « par tactique, que je ne suis pas « indépendante », ou que sais-je encore » ;
- en utilisant « l’une des manœuvres classiques, utilisée inconsciemment par tous les parents » et qui consiste à dire : « Je veux que tu saches combien tu m’as énervée » ; « je pourrais te dire certaines choses – mais je ne le ferai pas » ; « après tout ce que j’ai fait pour toi… » ; « si tu pouvais te rappeler certaines des choses que tu as faites quand tu étais petite… » ; « Je vois que tu as renoncé à tous tes (c’est-à-dire ‘nos’) principes » ; « Je me rends compte que ton mari t’empoisonne l’esprit » ; « mais, en dépit de tout cela, je veux que tu saches que tu es très importante pour nous, que nous t’aimons encore » ».
Notons que ces techniques jouent habilement sur les craintes de la fille, sur sa culpabilité, son ignorance, ses remords, sa honte, son sentiment d’ineptie, son soulagement d’être pardonnée, etc.
Poussée dans ses derniers retranchements par la mise au jour de ses tactiques, la mère a contre-attaqué :
« Je ne sais pas quoi dire. Si je conteste certaines de tes affirmations, tu pourrais penser que je te provoque. Si je te demande des éclaircissements, tu pourrais penser que je me perds dans des détails insignifiants. Si je parle de sentiments, tu pourrais croire que je suis blessée. Si je nie ce dont tu m’accuses, tu culpabiliseras. Si je campe sur mes principes, ou que je cite mes héroïnes, ou héros, ça te semblera pontifiant ou moralisateur. Toutefois, je me dois de te dire certaines choses. Je ne suis pas ‘blessée’ (même si c’est peut-être ce que je t’ai dit) ».
Ayant ici pratiquement admis que son affirmation d’avoir été « blessée » était une ruse, elle poursuit :
« J’ai immédiatement eu la sensation d’avoir été humiliée, tellement humiliée que j’ai failli tomber à la renverse. Quelques jours plus tard, cette sensation a laissé place à la colère. Mais, tout le temps, j’étais en ébullition. J’ai lu ta lettre, phrase par phrase et fait de nombreux commentaires dans les marges. J’ai creusé ma mauvaise mémoire pour retrouver le souvenir de certaines des choses que tu as écrites sur moi. Un jour où j’étais amère, j’ai écouté un quintet de Mozart. J’ai pleuré tout mon soûl et je t’ai écrit un mot et j’en ai fait mention dans mon testament. Et le temps a passé. J’ai effacé les commentaires et déchiré le mot. Nous avons discuté un peu et nous nous sommes vues. Je sais que je t’aime et que je tiens à toi, peut-être, comme le dit Johann à la fin de Scenes of Marriage, avec cette maladresse qui me caractérise ; et je pense que tu m’aimes et que tu tiens à moi, toi aussi. Que dire de plus ? ».
En exhibant son humiliation, sa colère, son amertume et ses larmes, ainsi que ses déclarations d’amour et d’attachement réciproque et en faisant allusion à son pouvoir de modifier son testament, la mère a involontairement authentifié la liste de ses armes de contrôle qu’a dressée sa fille.
Bien des fils ne sont que vaguement conscients d’être gouvernés, au travers de ces techniques précises, par leur chère maman. Cette vague conscience fait qu’il est peu probable qu’ils puissent jamais s’opposer à leur mère ; et, même si, par miracle, ils le faisaient, ils auraient peu de chances de se battre efficacement contre un pouvoir qu’ils comprennent mal. Avec une fille, les choses sont différentes. Apprentie de sa mère, une fille apprend le jeu, connaît ses techniques et pourrait contrer efficacement les coups de sa mère, si elle en trouvait le courage. La connaissance qu’en a la fille fait que, à un moment donné, elle peut s’affranchir de l’autorité de sa mère, alors que le fils en est incapable, car il les ignore. L’emprise de sa mère sur lui dure généralement jusqu’à sa mort ; même si elle meurt avant lui, le désir tenace de son fils d’honorer sa mémoire lui permet de conserver son emprise sur lui.
L’exemple classique de l’homme gouverné toute sa vie par sa mère est le personnage de grand dictateur machiste de nombreux romans latino-américains, plus particulièrement celui de L’automne du patriarche de Gabriel Garcia Marquez. Dictateur sanguinaire et impitoyable ; généralissime et patriarche éternel de sa nation, il a toujours ressenti pour sa mère la crainte obéissante et puérile qu’il avait apprise à ressentir en se nourrissant à son sein.
Mais à quoi le pouvoir maternel sert-il ? Les principaux objectifs du pouvoir maternel sont de préparer les garçons à être gouvernés par leur future épouse et de former les filles à gouverner leur futur mari. A cet effet, les tâches principales du pouvoir maternel sont les suivantes :
- jeter les bases d’une personnalité adéquate chez les enfants : le narcissisme chez les filles et l’héroïsme chez les garçons :
- garantir le contrôle de la cuisine et du berceau aux filles ; et
- renforcer le pouvoir de l’utérus, en enseignant la retenue sexuelle aux filles par le biais de codes de modestie et, à l’inverse, affaiblir la faculté des garçons à garder le contrôle de leurs pulsions sexuelles, en les rendant dépendants du corps féminin.
Prenons une belle fille et un solide garçon. Élevés avec succès par le pouvoir féminin, ils deviennent chacun l’idéal de leur genre respectif : la poupée et le macho. Pour y parvenir, la jeune fille apprend le culte de soi, ou narcissisme ; le garçon l’héroïsme, ou sacrifice de soi. Le narcissisme de la jeune fille induit chez elle un égocentrisme absolu qui étouffe les instincts d’abnégation qui sont favorisés chez le garçon par les codes masculins de l’honneur, de la bravoure et de l’héroïsme. A l’âge adulte, la poupée s’adulera, tandis que le macho vénérera la femme et la servira, au point même de sacrifier sa vie pour préserver la sienne.
La future poupée apprend à devenir narcissique, selon le principe qu’une femme doit s’adorer, si elle veut inspirer la vénération et ainsi inciter les hommes à la servir. Tout autour d’elle apprend à la femme à être narcissique. L’admiration générale qu’elle suscite lui est expliquée, dans le cas américain, par ce couplet d’une chanson pour enfants :
« Sugar and spice and everything nice
Are what little girls are made of. »
Pour faire bonne mesure, le couplet se termine par une dévalorisation radicale des garçons :
« Snakes and snails and puppy dog tails
That’s what little boys are made of. »
Cette doctrine est renforcée par l’admonestation, généralement faite à une fille, que « les garçons ne veulent qu’une seule chose » – l’écrin entre ses cuisses – « et les belles filles ne le leur donnent pas » (19) ; que sa virginité est précieuse ; que la perdre avant le mariage déshonore la famille ; qu’elle doit être protégée par tous et défendue, même au prix de leur vie, par ses parents de sexe masculin. Le message général – l’idée qu’elle est inestimable – est accentué par le comportement des mères et des pères qui montent la garde autour de leur fille, protégeant jalousement la valeur de leur bien. Comment tous ces chichis ne renforceraient-ils pas le sentiment qu’elle a de sa valeur ? Comment une telle surprotection ne rendrait-elle pas absolu l’instinct de conservation ?
Une belle fille (et toutes les autres filles qui la prennent comme modèle de la féminité) élevée de cette façon s’imagine inévitablement qu’elle doit valoir tout l’or du monde et plus ; qu’elle est un don de Dieu à toute l’humanité masculine. Au moment où, à l’âge de la puberté, son instinct protecteur se manifeste, elle a déjà acquis ce narcissisme qui guidera sa conduite de jeune femme, d’épouse, de mère, de veuve et de douairière.
Sa personnalité narcissique est ce qui amène une femme à considérer comme allant de soi que l’homme doit lui offrir des biens et des services en échange de sa contribution à leur plaisir sexuel commun. Il lui donne du plaisir, elle lui donne du plaisir, mais il paie : pour elle, c’est juste ! Sa personnalité narcissique est ce qui fait qu’une jeune paysanne de 15 ans considère comme tout naturel qu’un général, ou un nabab, trois fois plus âgé qu’elle qui lui fait la cour dépose à ses pieds tout le pouvoir et toutes les richesses qu’il a durement acquis. Il ne lui vient pas à l’idée de se demander si elle mérite cet hommage : elle sait pertinemment, dans son narcissisme matriciel, qu’elle vaut beaucoup plus, qu’elle détient la chose la plus précieuse qui existe dans le monde de son prétendant et qu’il doit la lui payer avec tout ce qu’il a au monde. Cette personnalité narcissique permet à une femme divorcée d’être convaincue qu’il est juste qu’elle reçoive une pension alimentaire pour des services qu’elle ne rend plus à son ex-mari.
Si la mère dote la future poupée d’une personnalité narcissique, elle dote le futur macho d’une personnalité héroïque. Le héros est un serviteur qui accomplit des tâches extraordinaires pour la famille, la communauté ou l’humanité : en tant que guerrier ou protecteur, organisateur des richesses, ou porteur de connaissances essentielles. Il est, au fond, un imbécile sentimental qui prend de grands risques, réalise de grands travaux, le tout en échange de vanités comme les médailles, les rubans, les statues, l’évocation de son nom dans les conversations et dans les chansons.
Au cours de sa formation, le futur macho apprend à considérer les femmes comme le sexe faible, à adorer les poupées et à considérer qu’il est héroïque de subvenir aux besoins des femmes et de les protéger. Il apprend également qu’avoir une belle femme pour épouse est la récompense la plus précieuse de l’héroïsme. Si ce futur macho est un berger peul, ou massai, il tire cette leçon des concours de flagellation dont les vainqueurs sont récompensés par l’admiration et l’amour de belles jeunes filles. S’il veut bien se battre et être blessé pour gagner une couronne ; s’il veut bien se battre et mourir pour un éloge posthume ; combien plus le macho ne sera-il pas prêt à sacrifier pour obtenir une belle épouse ? C’est de cette manière qu’il acquiert cette personnalité héroïque qui recherche les richesses, les honneurs, la puissance et la gloire qui lui permettront d’acheter l’amour d’une femme.
Le macho, obsédé qu’il est par la femme, considère qu’il est juste et normal qu’il procure du plaisir sexuel à la femme et la paie pour lui en procurer. Cette obsession empêche un général, ou un magnat, follement amoureux d’une catin qu’il courtise de cultiver l’idée qu’elle pourrait ne pas valoir le millionième de ce qu’il est assez fou pour lui offrir pour avoir le droit de l’aider à faire travailler son ventre.
Ces deux types de personnalité (le macho héroïque et la poupée narcissique) servent le pouvoir féminin d’une manière complémentaire. Le narcissisme de la poupée lui insuffle le sentiment qu’elle a naturellement droit d’être adorée et servie par les hommes ; l’héroïsme du macho lui grave dans l’esprit qu’il est dans la nature des choses qu’il serve les femmes. Elle affiche l’assurance et l’égoïsme propre à un souverain absolu ; lui, le manque d’assurance et l’abnégation d’un serf fidèle. Quand un garçon et une fille qui ont été éduqués de cette manière se rencontrent, il ne faut pas être grand clerc pour savoir qui des deux dominera l’autre.
L’orientation, consacrée par le temps, des filles vers les activités ménagères et des garçons vers l’aventure en dehors de la maison est une méthode dont la mère, commandant du berceau, se sert pour garantir le contrôle de la cuisine et du berceau à ses filles.
C’est le contrôle de la cuisine que les mères commencent par assurer aux femmes, lorsqu’elles apprennent aux filles à cuisiner et aux garçons à mépriser la cuisine. Par conséquent, une fois devenu un macho, le garçon fuira la cuisine et dépendra de sa femme pour la cuisine. Et sa femme contrôlera alors son estomac. Si un homme devait néanmoins apprendre à cuisiner et devait se passer des services culinaires de sa femme, même sa propre mère en serait malheureuse. Considérons l’histoire d’un Nigérian qui ne pouvait même pas cuire un œuf au moment où sa femme l’a abandonné. Un peu plus tard, il a invité des amis à déjeuner chez lui. Selon l’une de ses invitées, l’homme a surpris tout le monde. Voici un extrait de la conversation d’après-dîner :
« Le repas, était délicieux », l’ai-je complimenté. Sa mère a grommelé. « N’avez-vous pas apprécié le repas? », lui ai-je demandé. « Pensez-vous qu’une femme saine d’esprit se vanterait de la cuisine de son fils, quand il devrait avoir une femme à la maison ? Plus vite il se remariera, plus vite je serai heureuse », m’a-t-elle répondu avec tristesse.
Ainsi, en tant que dépositaire du pouvoir féminin, la propre mère d’un homme ne se réjouirait pas de son indépendance et voudrait qu’une femme gouverne son estomac !
De même, les mères assurent le contrôle du berceau à leurs filles, en orientant les garçons vers l’aventure et loin des tâches relatives à l’éducation des enfants. Plus tard dans la vie, si un mari essayait de participer plus qu’occasionnellement à l’éducation de ses enfants, il serait moqué et rabaissé. Même la militante féministe qui exige que les hommes participent aux tâches ménagères et à la garde des enfants ne veut pas que son homme soit plus que son assistant, s’agissant de l’éducation des enfants. Toutes les mères, féministes ou non, connaissent la valeur du contrôle du berceau et répugnent à renoncer à ce contrôle.
Pour renforcer le pouvoir de l’utérus, les mères comptent principalement sur la retenue sexuelle qui est enseignée aux femmes par le biais des codes de modestie. Des codes qui apprennent la coquetterie à une fille ; qui lui enseignent à ne pas prendre l’initiative des rapports sexuels ; à différer ses faveurs aussi longtemps que possible, sous peine de se voir (et d’être vue !) comme sexuellement progressiste, libre ou même immorale – cette formation rend une fille plus réservée sexuellement qu’elle ne le serait autrement. Dans certaines cultures, cette formation est associée à l’excision, opération qui réduit l’excitabilité sexuelle d’une femme. Cette retenue, quelle que soit la façon dont elle est obtenue, donne un énorme avantage à une femme dans ses relations avec des hommes sexuellement désaxés.
Les mères rendent encore plus important l’avantage que confère aux femmes leur retenue sexuelle, en n’apprenant pas aux garçons à refréner leurs appétits sexuels et même en leur apprenant à devenir complètement dépendant du corps féminin. Le sevrage est destiné à briser l’attachement naturel d’un enfant aux seins gorgés de lait de sa mère et à la tiédeur réconfortante de son corps. Cependant, de nombreuses mères continuent à câliner leurs petits garçons bien longtemps après qu’ils sont sevrés. Certaines les autorisent à entrer dans leur lit alors qu’ils ont quatre ans, ou plus. Le renforcement de l’addiction des garçons au corps féminin est assuré tout à fait consciemment, non seulement par les mères, mais aussi, en général, par les tantes et les filles plus âgées. Considérons l’Incident suivant.
Un soir, dans un appartement à Londres, une Antillaise met sur ses genoux un garçon de 15 mois et essaie de lui apprendre à embrasser. La première fois qu’elle l’embrasse, le garçon fait une grimace et essaie de se libérer de son étreinte. La femme, sans se laisser décourager, l’embrasse une deuxième, puis une troisième fois. Au quatrième baiser, le garçon commence à tirer la langue. Il en veux d’autres. Il sourit de joie et agite les bras avec enthousiasme. Après les avoir observés un moment, j’ai demandé à la femme :
« N’est-il pas un peu jeune ? »
« Oh non !, m’a-t-elle répondu, « en fait, le plus tôt sera le mieux. Une fois qu’il aura trente ans, il n’y aura plus rien à faire. »
« Oh ! » me suis-je exclamé.
En un éclair, j’ai saisi la raison de ces câlins, de ces baisers et de ces attouchements du pénis, dont sont l’objet les petit garçons de la part de leur mère, leurs tantes et les amies admiratives de leurs parents.
Un enfant initié aux plaisirs charnels par les mains expertes des femmes sera prêt, même désireux, à l’âge adulte, à faire n’importe quoi pour obtenir ce qui, pour lui, sera devenu la plus grande récompense sur la terre. La mémoire subconsciente de ce plaisir addictif conditionnera son comportement bien au-delà de la puberté.
L’addiction au corps féminin affaiblit les capacités d’abstinence sexuelle d’un homme. Elle le soumet à l’influence de la personne qui peut satisfaire ses envies. Tout comme un accro à l’héroïne est à la merci de son fournisseur et volera, ou tuera, pour trouver de l’argent, afin d’enrichir son fournisseur, ainsi l’homme accro au corps féminin fera ce qui est nécessaire pour obtenir sa dose.
Compte tenu de la force de la pulsion biologique qui pousse l’homme à rechercher un ventre, on peut se demander pourquoi les femmes prennent la peine de l’accentuer encore davantage, en rendant l’homme dépendant du corps féminin. Nous devons peut-être envisager la possibilité que, si cette dépendance n’était pas renforcée, le mâle serait beaucoup moins désespéré sexuellement. Comme vous le dira tout négociateur, plus votre adversaire est prêt à tout pour obtenir ce que vous avez, plus les conditions que vous faites en sorte qu’il accepte lui seront défavorables. Ou, comme me l’a dit une amie, « Quand il s’agit de sexe, celui qui en a le moins besoin est en position de force. » Ainsi, plus un homme est prêt à tout pour assouvir ses besoins sexuels, plus le pouvoir de la femme sur lui est grand.
C’est par ces habitudes (la retenue chez la jeune fille, l’addiction chez le garçon), qui sont apprises au berceau, que le pouvoir de l’utérus, déjà grand en lui-même, est culturellement amplifié.
Jeter les bases d’une personnalité héroïque chez les garçons et d’une personnalité narcissique chez les filles ; former les enfants selon des modèles qui assurent le contrôle de la cuisine et du berceau aux filles ; et inculquer aux enfants des habitudes qui augmentent le pouvoir de l’utérus – ce sont là les tâches fondamentales qui sont accomplies par et pour le pouvoir féminin par la chère maman d’un garçon. Une mère qui a fait de son fils – un fils héroïque, fort physiquement ou intellectuellement, incapable de cuisiner et de s’occuper des enfants, allergique à la cuisine et à l’éducation des enfants – un macho ; une mère qui a fait de sa fille – une beauté narcissique qui peut refréner ses appétits sexuels, tout en aiguisant par sa pudeur le désir des hommes, qui fuit l’aventure, mais est experte en matière de cuisine et d’éducation des enfants – une poupée ; une mère qui les a élevés – la poupée, fin prête pour la victoire et le macho fin prêt pour la défaite – et les a envoyés dans le vaste monde en vue de la grande parade nuptiale est une mère qui a apporté la contribution qui était attendue d’elle à la continuation du pouvoir féminin. Grande est sa joie, grand est aussi l’hommage que lui rendent les autres femmes.