Le concept de « Guerre Sainte » dans la Tradition.

Il est important de comprendre que « l’être » (ce qui est) s’oppose au « devenir » (ce qui change), tout comme la lumière s’oppose à l’obscurité, la connaissance à l’ignorance, la vie à la mort, la justice à l’abus et à la violence, l’amour à la haine et à la méchanceté, l’ordre au désordre, et la vertu de l’honneur et de la loyauté à la lâcheté et à la déloyauté. Ces oppositions représentent les expressions qualitatives de deux fronts perpétuellement en lutte pour conquérir le monde : la tradition et la subversion. Selon cette doctrine, « il y a un ordre physique des choses et un ordre métaphysique ; il y a une nature mortelle et une nature immortelle ; il y a le domaine supérieur de l' »être » et le domaine inférieur du « devenir » » (Julius Evola). D’une manière générale, il y a une dimension visible et tangible et, avant et au-delà d’elle, une dimension invisible et intangible qui est le support, la source et la vraie vie de la première ». 

Les hommes s’engagent dans cette bataille en prenant parti pour l’un ou l’autre des deux fronts. D’un côté, l’homme noble et honnête : le saint, le héros, l’artisan, maître de lui-même et en quête d’affirmation spirituelle ; de l’autre, le sournois, le lâche, le misérable, incapable de s’affirmer intérieurement. La tradition aide l’homme à découvrir sa véritable conscience et sa dignité ; elle lui permet d’éveiller son essence métaphysique et d’accomplir sa mission transcendantale par des actions dans la vie quotidienne. L’homme doit éprouver un dégoût total pour le mensonge : il doit se montrer loyal et au-dessus de tout intérêt personnel mesquin, de manière à préserver une dignité supérieure, un amour pour l’essentiel, associé à une capacité de consacrer toute action accomplie. Ce n’est qu’ainsi que l’homme pourra à nouveau jeter les ponts vers le sacré que la folie de l’égoïsme moderne a détruits. 

Il faut donc rechercher une nouvelle affirmation de l’esprit et mener ce que la Tradition appelle la plus grande guerre sainte : le combat intérieur contre l’ennemi qui réside en chaque homme. C’est un combat profond et immatériel que chacun doit mener contre l’avidité, la rage, la peur, la lâcheté et l’instinct. La vie devient ainsi un combat éternel entre les forces spirituelles et leur contraire : entre les forces solaires et les forces obscures du chaos et de la matière. La grande guerre sainte oppose le principe solaire de l’homme, le soi, à ce qui n’est qu’humain, faible et soumis aux passions : l’ego. La Petite Guerre Sainte, au contraire, est menée contre des ennemis extérieurs : les barbares, ceux qui n’appartiennent pas à la communauté. La petite guerre sainte est cathartique, c’est-à-dire qu’elle favorise l’émergence d’un ennemi intérieur. Les deux voies ne doivent faire qu’une : celui qui, dans la Petite Guerre, fait l’expérience de la Grande, surmontera la « crise de la mort » en se débarrassant de l’ennemi intérieur et de l’instinct de conservation. Une fois la peur, le désir et l’agitation surmontés, l’homme se libère de tous les instincts et de toutes les afflictions. 

Un texte oriental explique que la vie est comme un arc, l’âme comme une flèche, l’absolu comme une cible : il faut atteindre l’absolu comme une flèche atteint sa cible. Ainsi, la voie du guerrier et celle de l’ascète se rejoignent : la guerre, qui n’est plus une simple démonstration de force et de violence destructrice, devient une action accomplie avec amour et détachement, une discipline et un style fondés sur les valeurs de la vérité, de la justice, de l’équité, de l’honneur et de la loyauté. 

Vita est militia super terram, « la vie est le service du soldat sur cette terre » : telle sera la devise de ceux qui se tournent vers la Tradition et affirment la primauté de la loi, de l’ordre et de la hiérarchie ; de ceux qui choisissent le ciel plutôt que la terre, le jour plutôt que la nuit, opposant la famille et l’État à la promiscuité, le sang et la race à l’égalité.

La tradition, c’est donc aussi la préservation de la mémoire et de l’identité de son peuple, qu’il faut sans cesse renouveler. La subversion, au contraire, représente l’oubli : la perte de l’identité, le rejet de toute continuité avec le passé et de toute perspective d’avenir. L’homme de la Tradition doit toujours chercher à défendre cet ordre sacré, en s’opposant de toutes ses forces au chaos et à l’injustice.