Le concept de « Civilisation » dans la Tradition. 

La civilisation naît de l’union de l’homme avec le divin et représente l’équilibre entre les valeurs politiques et spirituelles, les premières étant hiérarchisées et subordonnées aux secondes. La culture moderne, en revanche, s’est développée à partir d’éléments purement humains, terrestres, égoïstes et utilitaires ; remplaçant la hiérarchie et la différence par une uniformité qui tend au nivellement de tout, elle perçoit inévitablement la décadence comme le moteur de l’histoire. Les civilisations traditionnelles, bien que différentes en apparence, partagent les mêmes valeurs sous-jacentes, car elles sont fondées sur des forces et des idéaux spirituels qui incarnent le point de référence le plus élevé pour l’organisation de la société. Dans les civilisations traditionnelles, la puissance originelle donne un ordre aux forces inférieures, qui sont ainsi modelées et unies. Lorsque cette puissance perd une partie de sa force originelle, les forces inférieures se libèrent et prennent le dessus, engendrant des phénomènes destructeurs qui déclenchent la décadence. 

La civilisation est l’expression la plus élevée de toutes les forces spirituelles communes opérant à travers les organisations politiques et la transformation des éléments hérités de la Tradition. C’est pourquoi, dans toutes les civilisations traditionnelles, le gouvernement de l’État est entre les mains du ou des meilleurs hommes : chaque individu s’efforçant d’atteindre la perfection, une pyramide hiérarchique ou une échelle de valeurs se forme. 

Dans le monde de la Tradition, les forces politiques et sociales sont en contact direct avec les forces invisibles, au point de constituer de véritables ordres religieux. De cette manière, l’ordre social devient la manifestation tangible d’un ordre supérieur dans lequel une classification des droits et des devoirs est établie sur la base des qualités et des responsabilités individuelles. Maintenant que des relations similaires entre les communautés humaines et le sacré n’existent plus, le chaos règne. Cependant, toute élite qui incarne des valeurs authentiques et les actualise dans la vie quotidienne donne naissance à une nouvelle aristocratie. Cette aristocratie, capable de distinguer les amis des ennemis, incarne des valeurs sur la base desquelles elle peut examiner à la fois les autres et elle-même ; à ce titre, elle offre une nouvelle façon de vivre. Les valeurs traditionnelles existent indépendamment des êtres par lesquels elles se sont manifestées et perdurent sans changement en tant que dépôt d’exemples éthiques capables de donner naissance à de nouvelles forces et identités. La meilleure façon de transmettre cette façon de vivre est d’incarner les valeurs de l’esprit dans la vie quotidienne, en tant qu’exemples vivants pour les autres. Le rejet de toutes les injustices, mensonges et illusions donne naissance à deux fronts : si le mensonge est l’outil de la subversion, la vérité est l’arme victorieuse de la Tradition. La vérité n’est pas un produit humain, elle existe indépendamment des individus, qui ont néanmoins le devoir de la saisir et de la réaliser par l’action dans le monde.