Le Serpent Enroulé (20).

Dans cette série d’articles, je vous propose ma traduction en français du livre « The Coiled Serpent: A Philosophy of Conservation and Transmutation of Reproductive Energy », de C. J. Van Vliet.

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18. Le déploiement de l’esprit.


XIX

Le mariage.

On a longtemps pensé qu’un partenariat sexuel permanent existait chez de nombreuses espèces animales supérieures. Plus tard, une étude plus approfondie et plus étendue semble avoir montré que cela constitue en réalité une grande exception. Mais cette rareté d’exemples dans le monde animal ne réfute pas l’idée que la monogamie est, et reste, une institution évolutive appartenant au stade humain. 

L’homme, ayant évolué au-delà de l’animal, ne peut prendre ses modes de vie comme modèle exact pour les siens. Il doit élever les tendances instinctives du règne inférieur à un niveau supérieur. Pour y parvenir, il doit suivre les lignes fondamentales de développement que la nature a établies. En ce qui concerne l’accouplement, la tendance générale est qu’avec l’allongement de la période de gestation et d’impuissance de la progéniture, il doit y avoir une union du mâle et de la femelle pour élever les jeunes… et cette union doit être d’une durée considérable. C’est par cette coopération prolongée et dévouée que la reproduction sexuée conduit à l’aube de l’amour des compagnons et à l’évolution des émotions parentales. Car l’amour se développe mieux dans l’interdépendance que dans l’indépendance. 

Ce n’est pas la communion sexuelle qui donne naissance à l’affection et à l’amour, mais la coopération étroite et la communauté d’intérêts. Et cette communauté d’intérêts doit être élevée du niveau matériel au niveau mental, puis au niveau spirituel – jusqu’à ce qu’elle perde tout lien avec le sexe. 

Si la nature n’a pas donné de toutes parts l’exemple de la monogamie, le développement évolutif vers cette relation a pourtant été clairement indiqué. Si la nature, dans son règne inférieur, n’a pas fourni à beaucoup d’espèces le modèle parfait d’une relation matrimoniale permanente, elle en a au moins jeté les bases solides. Sur cette base naturelle, l’humanité aurait pu ériger une belle structure d’une force vertigineuse, conçue avec la plus haute aspiration, et d’une pureté sans faille. Mais au lieu d’ajouter à l’œuvre de la nature, l’homme a jeté les fondations naturelles et, sur un terrain plus accessible mais beaucoup plus bas, a construit une structure fragile pour la commodité sexuelle. 

Le mariage tel qu’il est aujourd’hui est une institution corrompue. Comparé à sa forme idéale, le mariage actuel, dans sa perversité sordide… est comme une misérable représentation par rapport à la réalité qu’elle est censée représenter ; il n’est que la petite image d’argile de l’homme de l’amour céleste… fissurée dans le feu de la vie quotidienne. Le sens physique… le place sur une fausse base.

Le mariage parfait utilise le sexe dans son expression physique uniquement pour la reproduction et sert dans ses effets secondaires, psychologiques, comme un moyen d’éveiller les émotions supérieures de révérence… et de compassion et de sacrifice de soi, conduisant à une spiritualisation de l’affection. Mais l’imitation humaine utilise le sexe pour la satisfaction sensuelle. Tant que le mariage contient une trace de cet élément sensuel, il constitue un obstacle imperméable à l’expansion spirituelle. 

Même si elle est légalisée par l’État, sanctifiée par l’Église et acclamée par les normes populaires, la licence du mariage charnel reste antagoniste aux objectifs de la nature et au développement supérieur de l’homme.

Le simple fait de passer par un rite religieux ou une formalité légale ne peut en aucun cas changer les lois physiologiques et spirituelles de la nature. Tout à fait en harmonie avec les concepts les plus élevés de la philosophie morale, la science refuse d’admettre que la cérémonie du mariage annule ou change les principes naturels. Scientifiquement considéré, il n’y a aucune différence entre les mariés et les non-mariés en ce qui concerne l’acte sexuel physique et ses conséquences.

Bien sûr, même des considérations sociologiques pratiques élèvent la reproduction humaine dans le mariage au-dessus de celle dans une relation non mariée, d’un point de vue éthique et psychologique. Mais quel que soit le point de vue selon lequel les rapports sexuels non productifs dans le mariage peuvent être sanctionnés ou tolérés, ils constituent autant une infraction à la loi naturelle que les rapports hors mariage. La sanction qui a été inventée n’est qu’une défense ingénieuse d’un désir. Du point de vue de la nature, le même acte ne peut devenir bon ou mauvais selon qu’il est accompli dans ou hors mariage.

C’est une étrange illusion que le mariage puisse rendre permissible et moral ce qui, hors mariage, est immoral. Il est illogique, insincère et hypocrite de proclamer que ce qui est inutile, condamnable et immoral avant le mariage devrait devenir moral, non-condamnable et même nécessaire après la cérémonie du mariage. Il n’y a pas de pire préjugé que de croire que la sensualité peut être justifiée par les liens légaux du mariage.

Si les rapports illicites sont inutiles à la santé, les rapports licites sont tout aussi superflus. Il ne peut y avoir la moindre différence entre les deux types de rapports en ce qui concerne la nécessité pour la santé. Les conventions sociales, juridiques ou religieuses ne peuvent affecter le fait que l’indulgence sexuelle n’est pas nécessaire à la santé. Et toujours, en toutes circonstances, toute communion sans but ou simplement sensuelle est un gaspillage d’énergie vitale. Physiologiquement et moralement, la luxure est une abomination… que ce soit dans l’état de mariage ou en dehors de celui-ci.

En ce qui concerne le sexe, le mariage dans sa forme actuelle est aussi incompatible que l’amour libre avec les interprétations les plus élevées de la loi morale, ainsi que de la physiologie. 

La conclusion logique des remarques précédentes n’est pas que le mariage doit être aboli, mais qu’il doit être élevé. Loin d’avoir dépassé la nécessité du mariage, l’humanité matérialiste n’a même pas commencé à comprendre ce que signifie le vrai mariage. 

Tant que dure la méthode sexuelle de reproduction, le partenariat permanent entre un homme et une femme ne doit pas être remplacé ou complété par des attachements sexuels moins durables et plus excitants, mais doit être purifié et évoluer vers une union plus noble. Même si l’on considère que le mariage est essentiellement l’ajustement des tensions sexuelles prévalant entre les sexes, il n’en demeure pas moins que l’ajustement… peut être accompli à la manière d’un achèvement purement spirituel. Le vrai mariage est au-delà de l’attraction sexuelle inférieure. 

La continence dans le mariage est sans aucun doute plus difficile que dans l’état non marié. Dans la relation conjugale… le désir sexuel est énormément stimulé car l’occasion de le satisfaire est sans entrave. De plus, l’approbation presque générale donnée par un monde insouciant et irréfléchi aux rapports sexuels non productifs dans le mariage tend à faire tomber les scrupules que l’un ou les deux partenaires du mariage peuvent avoir à son encontre. 

Il peut être nécessaire de faire preuve d’une rare volonté, combinée à un esprit élevé et à de fortes convictions pour résister entièrement au désir de gratification sexuelle dans l’intimité physique du mariage. Pourtant, la continence stricte dans la vie conjugale n’est pas dépourvue d’illustrations de ceux qui l’ont volontairement choisie. Il existe des couples qui… renoncent absolument aux relations sexuelles, et ne sont pas moins heureux, mais souvent plus heureux pour autant.

Dans le mariage idéal, les partenaires ne s’uniront dans le congrès sexuel que dans un désir ardent de devenir parents, conscients de la nature sacrificielle de leur acte. Personne ne peut douter que la mise au monde d’un enfant est un sacrifice de la part de la femme. Que dans son aspect le plus élevé, l’acte de fructification soit un sacrifice de la part de l’homme sera reconnu lorsque la valeur des sécrétions des glandes sexuelles et les courants de la force vitale dans le corps seront mieux compris. Loin d’avoir à craindre une altération du corps ou des nerfs, ceux qui recherchent l’idéal… peuvent vivre une vie de continence maritale non seulement sans blessure mais avec un bénéfice positif. 

De plus, l’abstinence… ne fera que renforcer l’affection mutuelle, alors que dans la plupart des mariages charnels, l’affection diminue progressivement. Le sentiment d’attachement. . . devient plus fort et plus constant lorsque la relation conjugale est maintenue habituellement pure. C’est dans la reconnaissance de ce fait que se trouve le secret du bonheur conjugal entre individus avancés et cultivés. Car le bonheur dans le mariage dépend à coup sûr non pas des fonctions animales mais des qualités de l’esprit. Un bonheur conjugal sans pareil ne peut être réalisé que lorsque le grand fait de la nature spirituelle du vrai mariage se cristallise avec plus de clarté, lorsque l’union n’est pas recherchée dans la chair mais dans un compagnonnage idéal. 

Après tout, l’affection pure… dépend beaucoup plus des liens de camaraderie que des éléments purement passionnels. Et une camaraderie vraiment satisfaisante est sans sexe. Dans le progrès du mariage… avec ceux qui sont spirituels, l’amour du sexe est exterminé – laissant le champ libre à la manifestation du véritable amour pur.