Bronze Age Mindset. Traduction Française (38).

Aristote dit que les Grecs sont différents des Européens du Nord et des Orientaux. L’Asiatique est civilisé mais servile ; le barbare européen est non civilisé, non instruit, mais libre. Dans cette formule, on suppose qu’Aristote croyait en un « équilibre » entre ces deux extrêmes, et que les Grecs étaient meilleurs parce qu’ils étaient la « médiane » entre ces deux extrêmes déficients. En réalité, ni le point de vue d’Aristote ni celui des Grecs de son époque, et même plus tard, ne prenaient les choses tout à fait de cette façon. Aucune équivalence n’était établie entre le barbare libre du Nord et l’Asiatique servile, mais les Grecs appréciaient et respectaient le barbare libre bien plus que l’Asiatique. De nombreux éléments permettent de s’en convaincre : aussi tard que les Croisades, lorsqu’Anna Comnena évoque avec une certaine horreur mais aussi beaucoup de respect les barbares occidentaux. Elle est en admiration devant leur beauté, leur bravoure et souvent leur intelligence et leur ruse. Un tel éloge n’existe jamais pour les peuples civilisés ou esclaves du Proche-Orient. La même attitude existait également à l’époque des Grecs classiques. Hérodote, entre autres, exprime une grande admiration pour les Scythes et les considère comme les innovateurs d’un nouveau et magnifique mode de vie, le nomadisme, grâce auquel ils ont vaincu Darius et les Perses. Très souvent, on peut lire des histoires de Grecs classiques qui, perchés sur les rives de la mer Noire, sont « devenus indigènes » au moins pendant une partie de l’année et ont rejoint la nation des Scythes, en admiration devant leur vie libre. La même chose se produisait beaucoup moins souvent, et généralement pas du tout, au Proche-Orient : il y avait des mercenaires, des artisans, des architectes qui travaillaient pour le roi de Perse et d’autres, mais ils ne devenaient pas indigènes de cette manière. Les Athéniens utilisaient les Scythes comme policiers dans leur ville, mais, à part quelques très vieilles familles revendiquant un héritage phénicien, il n’y avait pas d’utilisation équivalente des Orientaux et des Asiatiques, sauf comme esclaves. La beauté des enfants d’Europe du Nord est louée très tardivement dans l’Antiquité. De nombreux héros et dieux grecs avaient des cheveux clairs et des yeux bleus ou gris, parmi lesquels Aphrodite, Athéna, Apollon, Achille, Ménélas, et bien d’autres ; de nombreux poètes antiques font référence aux Doriens comme à une race aux cheveux blonds. Il est difficile de croire qu’une telle idéalisation aurait été faite pour les qualités des nations voisines qui étaient méprisées. Non, de tout cela et d’autres choses encore, il est clair que les Grecs admiraient la puissance et la liberté du barbare bien plus que la manière « civilisée » de l’esclave, et sa fausse intelligence. Et l' »équilibre » souvent attribué à Aristote entre ces deux voies n’est pas une telle chose, mais une référence à ce dont je parle ici, à savoir que la civilisation occidentale, la cité européenne, est inhabituelle parce qu’elle est la tentative de préserver la vie libre et barbare dans les limites de la cité. C’est une tentative d’exalter et de développer certaines tendances de cette vie libre qui pourrait vraisemblablement bénéficier des arts, de la science et des loisirs qui ne peuvent être promus qu’à l’intérieur d’une ville. C’est une exception dans l’histoire. Et par ville colonisée et vie colonisée, je veux dire colonisée avec des ESCLAVES ! Et n’oublions pas que les Grecs n’ont jamais abandonné cette vie mobile et nomade, mais l’ont transposée sur la mer, comme l’ont toujours fait, dans une large mesure, les peuples germaniques – ils ont toujours été un peuple de marins. Des cités grecques entières, comme celles des Phocéens, plutôt que de se soumettre à la domination perse, ont préféré embarquer sur leurs navires et se rendre dans des colonies aussi lointaines que la France et l’Espagne – c’est elles qui ont fondé Marseille, mais il y avait aussi des avant-postes plus à l’ouest. Les Athéniens étaient prêts à faire de même pour échapper à la sujétion et, comme les Scythes, à prendre le large dans leurs navires, ce qu’ils firent d’ailleurs pendant un certain temps. L’appel de la steppe ouverte, la liberté de la nouvelle steppe des mers, cela ne les a jamais quittés. Cela montre clairement, et plus encore, à quel point ils méprisaient la vie civilisée et servile des Asiatiques, et à quel point ils avaient du respect et de la nostalgie pour la vie du barbare libre. D’une certaine manière, cela s’étendait même à leur respect pour l’éthiopien, au sujet duquel Hérodote dit de si belles choses, surtout lorsqu’il les compare aux Égyptiens voisins. Mais dans ce cas, il y avait très peu de familiarité avec l’Africain, sa nature trop étrangère au Grec, et il y avait le soupçon, soutenu par Aristote et beaucoup d’autres, que l’Africain et aussi l’Arabe étaient trop stupides pour représenter une alternative admirable. Néanmoins, dans l’esprit, je dirais qu’aujourd’hui encore, l’Européen a beaucoup plus de points communs avec l’Africain qu’avec l' »Asiatique », c’est-à-dire l’habitant de la vaste bande de terre qui s’étend de la Chine des Han au Proche-Orient, et qui comprend les régions de la planète où les serfs agricoles sont installés depuis longtemps. Je sais que beaucoup de crétins qui fétichisent le QI par-dessus tout ne seront pas d’accord avec cela. L’Orient et l’Asie ont toujours été l’ennemi… L’Afrique n’est pas pertinente. L' »Africain » peut même être un allié et n’est devenu un problème que dans les conditions de la démocratie de masse moderne, lorsqu’il a été manipulé par d’autres.