La ville moderne est une monstruosité, mais elle n’approche pas encore la misère anonyme de la civilisation orientale, de la civilisation par défaut. C’est un lieu contradictoire, mais vous voyez une contre-poussée même dans la tentative de préserver les parcs. Cela existe à Tokyo, dans de nombreuses villes européennes et dérivées de l’Europe, comme Buenos Aires – ses créateurs devaient être obsédés par la préservation d’un morceau de nature à l’intérieur de la ville et ont engagé des Français pour l’embellir – et dans les villes non occidentales qui ont copié cette façon de faire. Dans l’aménagement des espaces publics également, des rues et même de la vie sociale, la ville moderne n’est pas entièrement un retour à la misère prémoderne de la civilisation pure, mais une tentative de préserver ou du moins de simuler un espace naturel permettant à l’homme de se déplacer, de s’étendre, de pratiquer et de perfectionner certaines excellences, aussi limitées ou rabougries soient-elles. Dans le monde moderne, le retour de la civilisation pure est le taudis et le bidonville. Il empiète lentement mais sûrement sur la ville moderne telle qu’elle existe encore, qui est à tous égards un reliquat de la domination européenne sur le monde, et n’est en aucun cas la forme vers laquelle la vie progresse. L’avenir de Blade Runner est beaucoup trop optimiste, et même celui d’Elysium n’approche pas la véritable méchanceté de notre destin si rien n’est fait. Mohammed Atta, l’un des chefs du complot du 11 septembre, était un étudiant en architecture. Il était profondément ému par ce qui était arrivé à Alep, et la corruption de la vie musulmane qui se trouve désorientée dans la ville moderne, non seulement dans sa vie morale différente, mais dans l’agencement de l’espace et des bâtiments qui bouleverse la vie des fidèles. Il réagissait à la ville moderne en tant que telle, pas nécessairement au bidonville, bien que l’expansion de la vie moderne dans le tiers monde soit ici très ambiguë ; il y a toujours une part de bidonvilisation. Les villes du Proche-Orient, de l’Afrique du Nord, de la plupart du monde musulman et même d’une grande partie de l’Orient, étaient en tout cas toujours organisées différemment de l’Occident, avec des quartiers physiquement fermés les uns des autres, des enceintes murées avec des cours intérieures, et en général un détournement de l’espace public, politique, vers l’espace de la famille et du clan. C’était le résultat non seulement de la corruption des autorités, mais aussi d’un sentiment entièrement différent de ce pourquoi la ville existait en premier lieu. Il y a une confusion sur ce que différents peuples détestent dans le monde moderne : ils ne détestent pas nécessairement dans le moderne la même chose que vous y détestez. Je préfère m’allier avec le hipster gauchiste qu’avec la Chine ! En fait, les Chinois vont tout « s’approprier » et prétendre qu’ils l’ont inventé.
Bronze Age Mindset. Traduction Française (37).
