Tous les systèmes traditionnels articulent leurs doctrines sur deux niveaux : un niveau populaire, extérieur (exotérisme) ; un niveau intérieur, symbolique et allégorique (ésotérisme). Ce dernier exprime le caractère le plus élevé et le plus essentiel de toute doctrine : il s’agit d’un enseignement métaphysique et il est révélé à une minorité seulement, une élite nécessairement qualifiée et capable de le comprendre. Cette élite préserve un corps de doctrines métaphysiques et transformatrices qui permettent à l’individu d’atteindre efficacement la connaissance spirituelle.
Il n’existe aucune opposition entre l’ésotérisme et l’exotérisme : loin de s’opposer l’un à l’autre, les deux niveaux sont des expressions différentes d’une même doctrine. Dans le symbolisme de la Croix, par exemple, l’exotérisme est représenté par l’axe horizontal, l’ésotérisme par l’axe vertical : les deux niveaux et les directions opposées contribuent à former une seule vérité. Celui de l’exotérisme est le niveau de la religion, des dogmes religieux, de la dévotion et de l’émotion, qui ne dépasse jamais l’individualité et comprend ce qui est élémentaire et accessible à la plupart des hommes. Ainsi, chaque religion est adaptée aux conditions qui conviennent à des peuples donnés à des époques données. Si un certain degré d’intolérance religieuse peut se produire dans le domaine de l’exotérisme, rien de tel ne peut se produire au niveau de l’ésotérisme, car la doctrine ésotérique est une, universelle et éternelle.
Alors que l’exotérisme soutient souvent le fondamentalisme religieux, l’ésotérisme affirme toujours l’unité transcendantale des religions et des formes traditionnelles. Le symbolisme de la montagne traduit cette réalité : de nombreux chemins mènent vers le haut, vers le même but. Une telle vision, qui met l’accent sur l’unité, ne doit jamais être confondue avec le « syncrétisme » ou – pire encore – avec le type de falsification du sacré promu par les mouvements néo-spiritualistes comme la théosophie, l’anthroposophie, l’ufologie et l’occultisme. Au mieux, le syncrétisme et le néo-spiritualisme conduisent à la superposition d’éléments d’origine différente, qui sont simplement réunis par l’action humaine. Ces voies pseudo-religieuses exploitent et malmènent les règles et les symboles des différentes formes traditionnelles, conduisant leurs adeptes à la ruine.
S’éloigner à la fois des fondamentalistes religieux, qui favorisent les luttes fratricides, et des néo-spiritualistes débiles est l’une des meilleures mesures que tout homme soucieux des spécificités traditionnelles puisse prendre pour ne pas être victime de la subversion. Car ce sont précisément ces deux phénomènes que la subversion encourage : l’affrontement entre adeptes de religions légitimes et la propagation des croyances néo-spiritualistes.