Dans un commentaire récent, un lecteur a plaisanté sur le prochain jeu vidéo GTA VI, se demandant s’il y aurait des conséquences dans le monde réel si l’on agissait de manière peu recommandable envers les « minorités » dans le jeu. Il a écrit :
« Apparemment, Rockstar games a pris la décision incroyablement originale d’inclure dans le jeu une faction d’extrême droite qui se met à dos la nana latina et lui sert de chair à canon. Peut-être qu’ils peuvent inclure une fonctionnalité où le jeu vous punit pour avoir ciblé les minorités et les femmes dans les rues. Imaginez qu’à l’avenir, ils annulent des gens dans la vraie vie pour ce même acte lol ».
Cela m’a bien fait rire, alors ma première réaction a été de consulter le site Web de l’Anti-Defamation League (ADL), l’une des principales organisations avec lesquelles nos démocraties avancées maintiennent la cohésion sociale, pour me renseigner sur leur travail de protection des minorités en ligne. Je suis allé voir leurs communiqués de presse, et j’ai vu une entrée plutôt singulière. Elle se lisait comme suit : « L’ADL fait équipe avec Take-Two pour combattre la haine virtuelle ». J’ai cliqué dessus, et la page affichait une date de remplacement, le 31 décembre 2026. Pour faire court, il semble que l’ADL ait sauté le pas et publié ce communiqué de presse en avance. Cela arrive aussi parfois dans le journalisme, lorsqu’une notice nécrologique est publiée alors qu’un politicien ou un acteur est loin d’être mort…
Quoi qu’il en soit, le communiqué de presse de l’ADL a disparu maintenant. Le lien redirige vers leur section de communiqués de presse, et ils ont même obtenu que la Waybackmachine le supprime ! Pourtant, même si cette page a maintenant disparu, j’ai réussi à récupérer le texte dans le cache de mon navigateur, et je suis donc heureux de le reproduire ci-dessous :
L’ADL s’associe à Take-Two pour combattre la haine virtuelle
31 décembre 2026
Aujourd’hui, l’Anti-Defamation League (ADL) annonce fièrement qu’elle coopère avec l’éditeur de jeux vidéo triple A Take-Two Interactive Software Inc, afin de s’assurer que les gens puissent se sentir en sécurité lorsqu’ils jouent à leurs jeux vidéo. Take-Two est un éditeur de jeux vidéo de premier plan, surtout connu pour sa série de jeux vidéo Grand Theft Auto, dont le dernier opus s’est vendu à plus de [chiffre à jour] millions d’exemplaires et est la franchise de divertissement la plus rentable de la planète.
Dans le cadre d’une collaboration révolutionnaire, l’ADL a aidé Rockstar Games, l’un des labels d’édition de Take-Two, à mettre en œuvre des solutions algorithmiques pour protéger les joueurs de jeux vidéo contre la haine en ligne. Tirant parti de ses liens profonds avec le monde universitaire, l’ADL a mis en place un comité de haut calibre, qui comprenait des sommités telles que l’intellectuel public et philosophe israélien Yuval Noah Harari ainsi qu’un cadre de spécialistes en sciences sociales, dont Janina Scarlet et Pepper Schwartz.
Les travaux universitaires financés par l’ADL ont prouvé que les jeux vidéo ont le potentiel de radicaliser leurs utilisateurs. À la suite des travaux de Yuval Noah Harari sur la philosophie du métavers, il a également été établi que les actions dans le métavers sont perçues comme réelles et ont donc des conséquences tant pour le bourreau que pour la victime. Ces connaissances ont ouvert la voie au développement d’un algorithme de contrôle de la criminalité en ligne, qui est un élément clé du jeu vidéo Grand Theft Auto VI : Americas (GTA VI) qui vient de sortir.
GTA VI permet aux gens d’agir selon leurs pulsions criminelles en contrôlant des avatars dans un monde numérique. En mode hors ligne, ce monde virtuel est peuplé de personnages dits non-joueurs, mais dans le monde en ligne, les joueurs rencontrent les avatars d’autres joueurs. Les méthodes inventives mises en œuvre par Take-Two permettent de réagir immédiatement à la haine virtuelle. Les joueurs qui victimisent des avatars qui sont des BIPOCs, des membres de minorités religieuses ou des membres de la communauté LGBTQ+, ou qui victimisent des BIPOCs, des membres de minorités religieuses ou des membres de la communauté LGBTQ+ du monde réel qui s’identifient comme des non-BIPOC, des non-membres de minorités religieuses et des non-membres de la communauté LGBTQ+ dans le monde de GTA VI, seront automatiquement bannis de ce jeu. Ils perdront également immédiatement l’accès à leurs comptes sur les plates-formes Microsoft et Sony PlayStation, y compris tous les jeux qu’ils ont achetés par le passé, et tout l’argent qui pourrait rester sur leurs comptes Microsoft ou Sony PlayStation sera reversé à l’ADL.
Jonathan Greenblatt, directeur national et PDG de l’ADL, a publié la déclaration suivante : « Le travail de l’ADL sur la lutte algorithmique contre la haine virtuelle ouvre la voie à un avenir plus sûr et renforce la démocratie. Il montre que le monde ne peut pas permettre à une minorité haineuse et raciste de contrôler le comportement de la majorité et de limiter ses moyens d’expression. Pour les joueurs, les mondes virtuels sont tout aussi réels que le monde réel. Les crimes de haine virtuels doivent donc avoir des conséquences aussi graves que les crimes de haine du monde réel, et l’ADL travaillera sans relâche à la convergence de ces deux catégories juridiques ».
Cette collaboration entre l’ADL et Take-Two n’est qu’un des nombreux projets de lutte algorithmique contre la haine virtuelle. Elle s’appuie sur le partenariat de longue date de l’ADL avec Microsoft et Sony dans la détection algorithmique des crimes haineux dans les textes et les discours créés par les utilisateurs. Des projets de suivi impliqueront des partenaires tels que PayPal, Amazon, Bank of America, Citigroup et le Federal Bureau of Investigation.
Ce communiqué de presse de l’ADL m’a fait froid dans le dos. En toute honnêteté, ce travail n’est même pas aussi scandaleux qu’il peut paraître. Ce qui était autrefois considéré comme des crimes, tels que les vols et les cambriolages, n’entraîne plus guère de peines dans le monde réel, si bien que c’est comme si les gangs criminels jouaient à GTA dans le meatspace. En revanche, offensez la sensibilité de certains et vous risquez de vous faire déplumer, comme le président Donald J. Trump. D’innombrables personnes ont été expulsées de PayPal, Patreon et d’autres sites, et certaines ont même perdu l’accès à leur compte bancaire. Il semble donc tout à fait logique que les crimes de haine virtuels soient punis aussi sévèrement, voire plus, que les crimes du monde réel.