Dans cette série d’articles, je vous propose ma traduction en français du livre « The Coiled Serpent: A Philosophy of Conservation and Transmutation of Reproductive Energy », de C. J. Van Vliet.
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XIV
LE PRINCIPE DU PLAISIR
« Le sexe aujourd’hui… est recouvert de la pensée du plaisir ».
– Carpenter, Love’s Coming of Age.
L’humanité est devenue une foule agitée, avide de plaisirs et de sensations fortes ! Le principal bien est supposé par la multitude être le plaisir. Le plaisir est devenu le but de la vie, le plaisir son unique objectif. Il ne s’agit pas d’un simple loisir, mais d’une satisfaction personnelle ; il ne s’agit pas d’une distraction inoffensive, mais d’un divertissement qui nuit à l’individu et à la race. Et la poursuite du plaisir est étroitement liée à l’accroissement sérieux de la licence sexuelle ; car les plaisirs du corps sont ceux que nous rencontrons le plus souvent ; ils ont usurpé le titre de famille.
Ce n’est pas la joie qui est recherchée, ni le bonheur, ni l’allégresse, mais la stimulation et la gratification des sens, qui nuisent à la santé physique et mentale ; en effet, celui qui est esclave des plaisirs du corps n’est-il pas dans une condition mauvaise, tant pour son corps que pour son esprit ? Un tel plaisir épuise les forces, alors que la joie les augmente. Le plaisir est généralement suivi de son contraire, le chagrin, alors que la joie réelle a pour caractéristique de ne jamais se transformer en son contraire, car la joie est absolue, alors que le plaisir n’est que relatif.
La simple somme des plaisirs ne constitue pas le bonheur ; le plus souvent, les gens sont malheureux… à cause du plaisir. En recherchant le plaisir, ils peuvent s’imaginer qu’ils trouvent le bonheur, alors qu’ils ne trouvent qu’un oubli frénétique et incomplet, car c’est tout ce que le plaisir est… une question d’oubli momentané, une poursuite d’ombres, une illusion extrême. Dans le plaisir … il y a quelque chose de positivement irréel et non authentique. Il ne fait pas partie de la vie réelle. Le principe de plaisir… l’emporte sur le principe de réalité au détriment de l’organisme tout entier. En s’imaginant qu’ils s’amusent à la recherche du plaisir, les gens détruisent fréquemment, sinon eux-mêmes, du moins leurs chances de joie perpétuelle.
Bien considéré, le plaisir n’est ni bon ni utile. Il se fond dès qu’on le saisit, ne laissant que de l’insatisfaction et du vide. Ce vide que nous essayons de combler par la stimulation des sensations appelle toujours plus de ce plaisir insatisfaisant.
En donnant au mot « plaisir » un sens plus large que celui de l’indulgence du corps, il devient nécessaire de distinguer des degrés de plaisir, procurant une satisfaction soit physique, soit émotionnelle, soit intellectuelle. Et quand on s’élève plus haut que l’intellect… on trouve un état de joie dans lequel tous les plaisirs… même ceux de l’intellect deviennent insignifiants.
Naturellement, les plaisirs tirés des facultés supérieures sont préférables… à ceux dont la nature est animale. Les plaisirs de l’esprit sont plus considérables pour le bonheur de chacun que les plaisirs du corps. Les plaisirs corporels sont à juste titre appelés serviles ; ils sont sans doute les plus bas de tous.
Aucune personne qui connaît un plaisir relativement plus élevé ne voudrait jamais l’abandonner pour un plaisir de moindre importance. Personne ne choisirait de conserver toute sa vie l’esprit d’un enfant, même s’il pouvait continuer à jouir au maximum des plaisirs de l’enfance. Encore moins ceux qui ont trouvé la vraie joie – dont il y a en soi une provision inconditionnée et illimitée – désirent-ils retourner à une forme quelconque de plaisir dont la nature est de gratifier la personnalité par des moyens limités, conditionnés de l’extérieur. Ils ne renonceraient pas à ce qu’ils possèdent… pour la satisfaction la plus complète de tous les désirs.
Faire du plaisir le but de la vie est un moyen sûr de la priver de toute joie véritable. Dès que la raison prend le dessus, le plaisir est écarté. C’est pourquoi le vrai philosophe… s’abstient des plaisirs. Il voit que le plaisir est l’une des principales choses qui détournent les hommes du chemin supérieur, car il augmente et intensifie la personnalité, qui s’accroche avec ténacité au côté matériel de la vie, se barricadant ainsi contre l’esprit.
Si vous recherchez les plaisirs… vous êtes aussi loin de la sagesse que de la joie ; car la joie est une exaltation de l’esprit ; elle ne peut être atteinte que par les sages. Ce n’est que lorsque les plaisirs ont été bannis, alors… que vient sur nous une joie sans bornes, ferme et inaltérable.
Le problème est que, dans la poursuite du plaisir, la plupart des gens ont enrôlé l’esprit concret pour qu’il serve du côté des émotions et des sens ; et ce triumvirat rebelle balaie triomphalement toute considération supérieure et spirituelle.
Chacun des trois à lui seul – le mental, les émotions ou les sens – pourrait être confondu et amené à se joindre aux forces évolutives élevées ; mais unis, les trois en un s’accrochent obstinément à leur règne méprisant et tempétueux du plaisir matériel brut. Ils prospèrent en poussant l’homme à s’accrocher à un plaisir passager, en contrecarrant son acquisition d’un bonheur durable.
Au sein de chaque entité humaine, près du sommet de la montagne de son propre être spirituel, se trouve une source de joie pure, en comparaison de laquelle tout plaisir tiré du monde extérieur est insipide, terne et désillusionnant.
Ce n’est pas sans un certain effort que l’on peut atteindre ce printemps. Il se trouve bien au-dessus de la vallée des oppositions polaires ; pour l’atteindre, il faut s’élever au-dessus de toutes les oppositions – et donc s’élever aussi au-dessus du sexe. Mais même si leurs récoltes de plaisir relatif sont inévitablement suivies de croissances inexterminables de douleur, la plupart des gens préfèrent rester en bas dans la vallée, plutôt que de faire l’effort de monter à la source de la joie absolue.
L’homme spirituel ressent une joie spirituelle qui est supérieure au plaisir matériel, le dépassant mille fois ; il considère les satisfactions inférieures de la vie comme des étrangleurs des vraies joies. Lorsque la joie exaltante provenant de la source intérieure aura été une fois goûtée, le simple plaisir deviendra non seulement irrévérencieux mais simplement et littéralement repoussant. Alors, tous les plaisirs enfantins du monde s’évanouiront dans la joie de la vie spirituelle ; et ceux qui ont rejeté la passion… atteindront la joie la plus élevée.