La chevalerie moderne.
Les hommes et les femmes ont plus de facilité à sympathiser avec les jeunes femmes qu’avec les jeunes hommes. Dans le cas des observateurs masculins, une sorte de fantasme de sauvetage est probablement à l’œuvre. La littérature et le folklore du monde entier regorgent d’histoires de héros sauvant des jeunes filles innocentes des griffes des méchants : c’est trop pour que ce soit un accident. Le scénario de la demoiselle en détresse fait appel à quelque chose de profondément ancré dans l’esprit des hommes, quelque chose de probablement naturel. Le plus probable est qu’il s’agit simplement d’une interprétation autosatisfaite de la compétition entre partenaires. Les hommes projettent leurs instincts sexuels incontrôlés sur les autres, qui se retrouvent ainsi dans le rôle de prédateurs.
Dans le monde contemporain, l’instinct de protection masculin s’exprime souvent de manière perverse par le soutien aux causes féministes : par exemple, en s’associant à la dénonciation des harceleurs et des violeurs. Il s’agit d’une forme de galanterie singulièrement adaptée aux habitudes sédentaires de l’homme moderne, qui ne comporte ni risque ni sacrifice. Les exemples abondent dans la presse conservatrice. Les étudiants sont régulièrement présentés comme des prédateurs pour des femmes qui sont en fait assez âgées pour être mariées et fonder une famille. Joseph Farah, du World Net Daily, félicite une femme d’avoir assassiné son mari infidèle. Des voix s’élèvent pour réclamer le retour du mariage forcé et la peine de mort pour les violeurs. Si l’on peut infliger des punitions suffisamment draconiennes aux vilains mâles, tout rentrera dans l’ordre, semble-t-il. L’erreur fondamentale de ce raisonnement est de ne pas reconnaître que la femme contrôle largement le processus d’accouplement.
Les femmes astucieuses savent depuis longtemps comment manipuler le besoin de protection des hommes à leurs propres fins. L’attaque féministe contre l’hétérosexualité et la famille est dirigée contre les maris et les pères pour des raisons de relations publiques. Personne ne s’engagera dans une campagne contre les femmes ou les enfants, mais on peut facilement amener de nombreux hommes à condamner d’autres hommes. Le résultat est que les jeunes hommes d’aujourd’hui sont dans une situation impossible. S’ils cherchent une compagne, ils sont des prédateurs ; s’ils en trouvent une, ils sont des violeurs ; s’ils veulent éviter toute cette épreuve, ils sont immatures et irresponsables de ne pas s’engager. Nous sommes passés d’une situation où il semblait que tout était permis à une situation où rien n’est permis. Le mariage en tant que contrat contraignant juridiquement a été supprimé, et les jeunes hommes sont toujours censés croire qu’il est mal pour eux de rechercher des relations sexuelles en dehors du mariage. Il n’est pas prudent de mettre autant de pression sur la nature humaine.
Entre-temps, l’illusion qu’il y a « trop de sexe » a conduit à des propositions d’« éducation à l’abstinence », dispensée par les écoles publiques et financée par l’argent des contribuables. Les génies du conservatisme établi ont peut-être besoin qu’on leur rappelle gentiment que la race humaine ne se perpétue pas par l’abstinence sexuelle. Ils feraient mieux de réfléchir au nombre de familles qui ne se sont pas formées et au nombre d’enfants qui ne sont pas nés à cause de tentatives trop zélées de protéger les jeunes femmes des hommes qui auraient pu faire de bons maris et de bons pères.
Source : « Sexual utopia in power. The feminist revolt against civilization ». Francis Roger Devlin.
Illustration : Margerretta.