Féminité et féminisme. La femme dans le monde de la tradition.

La féminité, avec les connotations de passivité et de don de soi que le féminisme refuse, est-elle une condition innée ou bien l’effet de coutumes politiques et sociales ? 

S’il s’agit d’un produit de la culture, on peut la modifier ; mais si elle est innée, les féministes s’autodétruisent en la détruisant et, dans leur recherche d’un plus grand bien-être économique et matériel, elles perdent irrémédiablement un pouvoir plus mystérieux, propre au pôle féminin, qui s’exerçait également à travers la magie. Un pouvoir qui se conservait en renforçant précisément ce qu’aujourd’hui l’on considère comme d’inutiles « tabous », et qui avaient au contraire, dans le monde de la Tradition, une finalité bien précise : maintenir inaltéré et sans restriction le sens de l’existence et susciter la force magique du féminin. 


Qu’entend-on aujourd’hui par « féminisme » ? 

Le définir simplement comme le « mouvement qui se bat pour les droits de la femme » signifie réduire à une pure revendication juridique un phénomène dont les motivations profondes, les exigences et les finalités dépassent largement les limites d’une conquête politique, économique ou sociale ; un phénomène destiné, en fait, à se transformer en une véritable révolution culturelle qui bouleversera jusque dans leurs fondements les valeurs, les mythes et les symboles de la civilisation contemporaine. 

Certes, si l’on se contente d’examiner les manifestations extérieures du féminisme (quelque peu nébuleuses et velléitaires, tantôt pathétiques et tantôt divertissantes, du moins aux yeux des hommes), il semble exagéré de vouloir y lire les « signes de l’Apocalypse » ; les féministes elles-mêmes ne paraissent pas pleinement conscientes de ce qu’implique leur position et mènent leur lutte sur d’innombrables fronts, avec pour résultat d’amoindrir la portée de leur mouvement, n’en déplaise aux hommes. 

Fait significatif, il y a un féminisme marxiste, opposé à un féminisme apolitique, une lutte de classe opposée à une lutte de caste, une orientation « naturiste » d’autogestion du corps qui confine au saphisme, et une orientation « familiale » qui prêche l’érotisme conjugal et adultère. Il y a celles qui veulent être indépendantes de l’homme, et celles qui veulent que l’homme dépende d’elles, le tout plus ou moins en rapport avec le plan politique. Mais, jusque-là, il s’agit encore d’un féminisme sérieux, fondé sur des prémisses théoriques qui peuvent se défendre. 

Et puis, il y a le féminisme désormais conformiste qui, au nom de la mode, de l’originalité et… de l’anticonformisme, se ramène à l’acceptation puérile et servile de tout ce qui sent la bizarrerie, l’originalité et la contestation au sens large ; c’est le féminisme des slogans osés, de l’unisexe (mais qui est tellement « sexy »), de l’obscénité affichée comme une fleur à la boutonnière. En réalité, tout cela n’a pas grand-chose à voir avec le féminisme. Cela peut même être sans doute considéré comme étant aux antipodes du féminisme, car ce comportement est dicté par le désir de faire de l’effet (sur l’homme), d’être à la mode (aux yeux de l’homme) et, en dernière analyse, d’indiquer le plus explicitement possible sa disponibilité à une approche galante (au seul bénéfice de l’homme). Â moins que l’approche ne vienne avec désinvolture de la femme qui trouve ainsi dans le féminisme (ou, mieux, dans ses manifestations extérieures) une justification commode à ce que la morale courante appellerait manque de pudeur, vulgarité ou mauvais goût. L’obscénité, tout spécialement, est révélatrice à ce sujet. Comment se fait-il que les termes les plus fréquents du langage obscène employé par les soi-disant féministes se rapportent toujours aux organes génitaux masculins, non aux organes féminins ? Il est vrai que l’évocation du phallus pour conjurer le mauvais sort est une pratique très répandue et très ancienne : elle remonte en effet aux époques où le membre viril était considéré comme un symbole divin de fécondité et, en tant que tel, d’énergie vitale. Mais lorsque la femme évoque aujourd’hui à tout bout de champ le membre viril, c’est de deux choses l’une : ou elle lui reconnaît la suprématie de l’antique pouvoir divin, et, dans ce cas, elle ne fait que confirmer sa situation subalterne et même dévotionnelle. Ce qui, d’un côté, ferait bondir de joie ce vieux misogyne de Freud (qui trouverait là une preuve supplémentaire de sa théorie sur l’envie du pénis), mais, de l’autre, et pour les mêmes raisons, est en contradiction flagrante avec les aspirations du féminisme. Ou bien la femme veut signaler à l’homme qu’elle n’est pas inhibée au sujet de ces questions-là, et, par conséquent, lui faire savoir de nouveau qu’elle est disponible : dans les deux cas, l’obscénité ne plaide pas en faveur d’une adoption consciente de l’idée féministe. Et ce, du simple fait (si l’on met à part les implications psychanalytiques) que le recours à la terminologie masculine dans l’obscénité prouve que la femme adhère à la « culture » phallocratique et ne sait pas proposer sa propre culture, une culture alternative. 

Ainsi déguisé, le féminisme devient le paravent social accepté publiquement pour perpétuer, sous d’autres formes (plus modernes, plus appétissantes et surtout plus efficaces), l’incessante chasse au mari qui, depuis des siècles, est le signe irrécusable du rôle subalterne de la femme. 

C’est pourquoi nous ne nous occuperons pas de ces expressions, tout à la lois aberrantes et conformistes, qui trahissent, en définitive, les objectifs de la lutte féministe ; nous pourrions plutôt tes considérer comme un indice supplémentaire de la situation avilissante de la femme, contrainte de se livrer à un mimétisme grotesque pour pouvoir « se caser ». 

En revanche, nous nous proposons d’étudier le dilemme qui est à l’origine de tant d’incohérence : le féminisme doit-il rentrer dans le cadre de la lutte d’une certaine couche sociale contre l’aliénation, l’exploitation, la répression, ou bien doit-il être envisagé séparément ?

Dans le premier cas, il doit être interprété comme un aspect de la lutte des classes et, en tant que tel, situé dans la dialectique de la société actuelle, dont il serait inséparable ; dans le second, le féminisme se présente comme radicalement hostile à la société même, et son opposition ne se limite pas à telle ou telle institution civile, mais les refuse toutes : c’est le féminisme de la révolution culturelle. Féminisme dans la société ou contre la société ? 

Pour résoudre ce problème, il faut s’interroger sur le sens de la féminité et sur ses rapports avec le féminisme, sur les motivations conscientes et inconscientes de l’une et de l’autre, et sur les conséquences possibles de tout cela dans l’avenir. 

Peut-être pourrons-nous conclure que la lutte féministe, paradoxalement, ne se déroule ni à l’intérieur ni à l’extérieur de la civilisation contemporaine, tout simplement parce quelle représente le fruit mûr de notre société et, en même temps, le germe de sa destruction à venir. 

Pour offrir un panorama aussi objectif que possible de la situation, nous avons considéré deux points de vue nettement antithétiques : le point de vue traditionnel et le point de vue progressiste, correspondant respectivement, l’un à la première, l’autre aux deuxièmes et troisièmes parties de l’ouvrage, et nous avons laissé au lecteur le soin d’en tirer ses propres conclusions. 

Évidemment, le choix des sources reflète notre intention de présenter très clairement les deux positions. Pour la première partie, nous avons choisi les auteurs les plus qualifiés du courant traditionnel (Guénon, Evola, Weininger, Burckhardt, Benn, etc.) ; pour la seconde, en partant de Marx et sans négliger l’apport de la psychanalyse, nous avons consulté les ouvrages les plus représentatifs de la pensée moderne et qui traitent plus particulièrement de la question féminine. 

Répartition des thèmes.

Première partie.

La féminité à la lumière de la Tradition, qui affirme que la polarité masculin-féminin est originelle ; les caractéristiques des deux sexes sont innées, non induites par la culture, et ne sont donc pas modifiables. De ce point de vue, le féminisme est un phénomène contre-nature, ultime produit de la dégénérescence de notre civilisation. 

Féminité et féminisme. La féminité dans la Tradition primordiale. (Première partie : Le monde de la tradition).

Féminité et féminisme. La féminité dans la Tradition primordiale. (Deuxième partie : L’homme et la femme comme polarité cosmique).

Féminité et féminisme. La féminité dans la Tradition primordiale. (Troisième partie : Les quatre âges de la femme).

Féminité et féminisme. La féminité dans la Tradition primordiale. (Quatrième partie : L’histoire au féminin).

Féminité et féminisme. La féminité dans la Tradition primordiale. (Cinquième partie : Les sorcières. Les visages de la sorcière).

Deuxième partie.

La féminité vue par la psychanalyse. La féminité vue par la sexologie. Dans cette perspective, les caractéristiques féminines sont la conséquence de certaines coutumes politiques et sociales. Le féminisme devient donc l’instrument d’une révolution culturelle possible et réalisable ; si la « féminité », comprise comme passivité, irrationalité, infériorité, n’est pas innée mais provoquée par la société, alors, en détruisant la société, la femme s’émancipe. 

Féminité et féminisme moderne. (Première partie : Lorsque meurt le mythe).

Féminité et féminisme moderne. (Deuxième partie : Le marché aux femmes).

Féminité et féminisme moderne. (Troisième partie : Les chemins de la perversion).

Troisième partie.

La crise du monde moderne et le féminisme. Conclusion. 

Les femmes de l’apocalypse. (Première partie : La crise du monde moderne).

Les femmes de l’apocalypse. (Deuxième partie : La prostituée de Babylone et la Vierge-Mère).

Les femmes de l’apocalypse. (Troisième partie : Le Sabbat de l’An 2000).


Source : « Femminilità e femminismo. Saggio sulla Donna nel Mondo della Tradizione », ouvrage d’ Edy Minguzzi publié à Gênes en 1980.