La fin misérable de la communauté de la séduction.

Les « artistes de la drague ».

En 2008, il n’y avait pas une fille moyennement jolie qui ne pouvait se promener dans le centre d’une grande ville un samedi après-midi sans être arrêté par des êtres bizarres, excentriquement vêtus. La phrase d’accroche typique était toujours la phrase « Hey ! J’ai besoin d’une opinion féminine », suivie d’une histoire répétée mécaniquement, qui était destinée à commencer la conversation avec la jeune fille, afin d’être en mesure de la « ramasser ».

Ces harceleurs en série étaient des « pick-up artists » (PUA), les artistes de la drague, c’est-à-dire des hommes qui faisaient partie d’une « communauté de séduction » qui venait d’être rendue célèbre par le livre de Neil Strauss « The Game ». L’auteur, journaliste au New York Times, s’était infiltré dans des groupes en ligne où on discutait de la séduction d’une manière méthodologique et scientifique, et il avait raconté dans un roman son expérience de deux ans parmi ces disciples et ces maîtres de la séduction. Non sans un soupçon d’embarras, j’avoue que dans le passé je faisais aussi partie de cette foule de personnes convaincues qu’on pouvait trouver dans les méthodes proposées par ces « gourous » un moyen valable pour améliorer nos relations avec les filles.

J’ai acheté « The Game » en 2006 et quand j’ai commencé à le lire, j’ai été immédiatement absorbé. L’intrigue m’intéressait tellement que quand je l’ai terminé quelques jours plus tard, je me sentais comme une personne complètement différente et prêt à commencer une nouvelle vie.

Strauss, d’ailleurs, incarnait parfaitement le stéréotype du « sfigato » (« looser »), chauve et laid, toujours rejeté par les femmes, et la lecture de sa rédemption dans la sphère sexuelle et sentimentale a inévitablement été une source d’inspiration pour des milliers d’hommes à travers le monde, et a conduit à la naissance de l’un des mouvements les plus importants de la manosphère.

Dans les années suivantes, il y eu une explosion commerciale des méthodes de PUA, Strauss et d’autres ont encaissés des millions de dollars de vente de manuels et « bootcamping » sur la séduction.

Erik Von Markovik alias « Mystery », l’inventeur de la « Mystery Method », David DeAngelo, Ross Jeffries, Owen Cook (« Tyler Durden » de « Real Social Dynamics ») ne sont que quelques-uns des noms les plus célèbres parmi les hommes qui, dans ces années-là, ont été une source d’inspiration pour les loosers qui avaient besoin de vengeance (ou pour tous ceux qui voulaient améliorer leurs relations avec les femmes) à travers le monde. Mais qu’est-ce qui leur est arrivé ?

La fin misérable de la communauté de la séduction.

Julien Blanc.

Une décennie est passée et la communauté de la séduction est pratiquement morte. Les forums italiens et américains sont vides. Certains continuent d’essayer de convaincre les derniers naïfs, trop jeunes pour connaître l’histoire de ce mouvement, mais le marché des gourous de la séduction a disparu pour toujours et ne reviendra jamais. En fait, ça va empirer. 

L’inspiration pour cet article m’est venue suite à la nouvelle de l’arrestation d’un artiste de la séduction, qui a fini par faire deux ans en raison de ses approches de rue sur des filles (source : BBC). Cette news ne m’a pas surpris, et je me demandais même depuis un certain temps quand est-ce que cela allait arriver. Au cours de la dernière décennie, il y a eu une répression très forte de la sexualité masculine et de plus en plus de lois et de stigmatisations sociales visant à décourager les hommes de faible valeur sexuelle qui veulent s’adresser aux femmes. Inutile de dire que l’homme arrêté était un Pakistanais de 38 ans qui avait essayé d’aborder de jeunes filles, mais si cela avait été un bel homme blond, personne ne parlerait jamais de « masculinité toxique ».

 « PUA » est une marque d’infamie depuis des années, surtout depuis que Julien Blanc, un célèbre maître suisse de la séduction, a été le protagoniste de toute une série d’évènements malheureux concernant des femmes (Source : Dailymail), l’affaire culminant avec des vidéos dans lesquelles ont le voyait déterminé à étrangler des femmes, ce qui lui a valu un « ban » de différents pays, pour lui et ses collègues, via Youtube, ainsi la suppression de plusieurs vidéos et de plusieurs chaînes. Depuis lors, les PUA sont connus comme des violeurs, des harceleurs, etc… et c’était le coup de grâce.

Rappelez-vous, rien de tout cela n’était vrai, et les trouvailles de Julien Blanc ne sont que des conneries faites pour provoquer et faire de la publicité. Les gars que j’ai rencontrés au cours de mes années dans la communauté étaient tous des mecs gentils, juste désireux d’apprendre à communiquer avec les femmes. Il ne m’est jamais arrivé qu’une fille ait vraiment mal réagi à mes approches. Tout au plus, elles m’ignoraient et on en restait là. 

Malheureusement, ces dernières années, les féministes ont répandu une énorme psychose collective sur le sujet de la violence à l’égard des femmes, ce qui n’a fait qu’empoisonner les relations entre les sexes et, de toute évidence, beaucoup de ces gourous n’ont pas compris les choses et ne se sont pas adaptés en conséquence.

Neil Strauss, quant à lui, a décidé juste à temps et très intelligemment de se dissocier de cette communauté, se recyclant comme un gourou générique de l’auto-amélioration. Sur le plan personnel, cependant, sa fin n’était pas meilleure : en 2013, il annonçait qu’il voulait se marier et mettre fin à sa carrière de séducteur. Pour ce faire, il a mis en scène l’enterrement de son alter-ego.

Le mariage a eu lieu et de cette union est né un enfant, un fils. Sa femme était beaucoup plus jeune que lui, esthétiquement jolie, mais loin d’être l’un des « 9/10 » que les différents PUA ont toujours vanté pouvoir draguer.

Après quelques années, il y a eu séparation.

C’est vrai, les relations commencent et se terminent pour tout le monde, nous ne pouvons pas blâmer Neil pour l’échec de son mariage, mais il y a de l’ironie dans le fait qu’à la fin, même le plus grand artiste de la séduction du monde a fini aussi mal que de nombreux hommes ordinaires, qui ne connaissent rien sur la façon dont l’esprit féminin fonctionne, mais qui ne se font pas avoir dans un divorce.

Avec lui, son ex-femme avait fait le bon choix : elle est allée à Los Angeles à la recherche de la fortune comme modèle, sans jamais la trouver, mais elle a épouser Neil qui était écrivain millionnaire.

Mystery, d’autre part, continue à faire des « bootcamps » en Europe et aux États-Unis, avec un chiffre d’affaires très limité par rapport à avant, d’autant plus qu’il était le gourou de la séduction la plus célèbre de tous.

Pour lui aussi l’histoire se termine avec un enfant et un mariage raté, mais au moins il était avec une jeune et jolie petite finlandaise. 

Le sort des autres gourous est presque le même, certains travaillent encore dans le même secteur, mais le temps des vaches grasses est passé depuis longtemps.

Après tout, les interactions en direct, dans la rue et dans les bars/boites, ont été presque complètement supplantés par l’approche en ligne, sur Tinder et sur divers médias sociaux.

Alors même que pour l’homme moyen, approcher directement des femmes dans la rue était une activité presque « contre-nature », difficile, presque harcelant, il y a désormais beaucoup à perdre et très peu à gagner, étant donné qu’à la fin, tout est question d’apparence physique et de statut socio-économique. Je me souviens qu’en 2012, quand j’étais à la fin de mon expérience, le climat avait déjà complètement changé et les interactions en direct avaient déjà perdu beaucoup de spontanéité. Et à partir de là, tout a empiré. 

Les limites des méthodes PUA ont été commentées depuis de nombreuses années : des forums tels que « puahate » dans lequel on parle des expériences négatives, des personnes trompées, et cela a enflammé l’esprit critique des gens, et cela a été comme l’étincelle allumant ensuite le système d’idées qui est ensuite devenu la « pilule rouge ».

On peut donc considérer la fin misérable de la communauté de séduction comme crash-test, une démonstration qu’en fin de compte, ce n’était qu’une mode, un phénomène commercial qui s’est immédiatement dégonflé dès que les conditions qui ont mis en évidence toutes ses limites sont entrés en jeu.

Neil Strauss et les autres gourous, en plus de l’argent qu’ils ont empochés, peuvent au moins avoir le mérite d’avoir su offrir de l’espoir et du rêve à des légions de garçons maladroits, même si à la fin, ce rêve n’était qu’une illusion.


Source : « La Miserabile Fine della Community di Seduzione » publié par Il Redpillatore le 27 mai 2020. 

Illustration : Alexander Krivitskiy.