La sororité est encore plus toxique que le féminisme.

Les contradictions et les effets délétères du féminisme sont bien documentés – pas seulement dans la manosphère, mais bien au-delà. Ce que la réaction croissante contre le féminisme ne reconnaît pas, ce sont ces forces apparemment insignifiantes et accessoires qui font plus de dégâts qu’il n’y paraît.

Le plus puissant de ces facteurs c’est la « Sororité » – cette éthique de l’émancipation qui dit aux femmes, à chaque instant, qu’elles peuvent non seulement faire tout ce qu’un homme peut faire, mais qu’elles peuvent aussi faire toutes les choses que les femmes faisaient auparavant. Les femmes et les filles sont plus intelligentes, plus capables et généralement « meilleures » que les hommes. Les filles sont encouragées à faire des choses qui sont traditionnellement masculines, comme les métiers et les sports masculins, et on leur donne un laissez-passer pour leurs comportements négatifs, de la promiscuité sexuelle à la prise de poids, en passant par l’agression physique des hommes, le tout avec le même encouragement banal : « c’est l’émancipation ! ».

Pour l’esprit non averti, il n’y a rien de mal à encourager les femmes à être tout ce qu’elles peuvent être. Quel mal pourrait-on faire en encourageant les femmes et les filles à faire ce qu’elles veulent et à se sentir bien dans leur peau ? Les problèmes de grande envergure découlent des conséquences involontaires de la série de mensonges que l’on raconte à toute une génération de femmes. Parce que ça fait du bien, parce que vous pensez que ça vous permettra de la baiser. Les hommes et les femmes sont complices de la spirale incontrôlable de l’émancipation féminine, qui finit par être plus nuisible – en raison de son omniprésence et de son caractère insidieux – que le féminisme lui-même.

Un nombre beaucoup plus important de femmes (et franchement d’hommes), j’ose le dire, répètent comme des perroquets les platitudes de l’émancipation, qui surpassent les points de discussion idéologiquement féministes. Ce n’est pas nécessairement la même chose. La sororité, cette solidarité entre femmes, est enraciné, du moins en partie, dans l’impulsion féminine – probablement programmée génétiquement – de tester les limites et de vérifier la faiblesse des hommes. Cet instinct est considérablement plus ancien que la doctrine féministe. On peut dire que les femmes testent les limites du domaine masculin depuis la nuit des temps et tentent d’arracher l’autorité aux hommes qu’elles perçoivent comme faibles depuis tout aussi longtemps.

Dans le même temps, ce n’est qu’avec l’avènement du féminisme de la deuxième vague que l’on a entendu les revendications absurdes du type « tout ce que vous pouvez faire, je peux le faire mieux », à un degré aussi élevé qu’aujourd’hui. La sororité, en d’autres termes, est dans une relation de type poule et œuf avec le féminisme. Il s’agit soit d’un de ses berceaux originaux (et d’un nutriment critique permanent), soit d’un féminisme pur et simple déguisé en « positivité » inoffensive. Dans les deux cas, la sororité est une idéologie plus acceptable, mais aussi plus toxique.

La sororité est en fin de compte fondée sur un défi résolu et réactionnaire de faire tout ce qui était interdit aux femmes dans le passé – indépendamment de la raison pour laquelle ces interdictions étaient en place, qu’elles soient réelles ou imaginaires, et avec un rejet irrationnel des différences entre les sexes. La sexualité des femmes était autrefois contrôlée (et la promiscuité était condamnée), par conséquent les femmes devraient avoir (et ont de plus en plus) des relations sexuelles sans conséquences. Les différences entre les impératifs sexuels masculins et féminins, au niveau génétique profond, sont sans conséquence. Il fut un temps où il était interdit aux femmes de pratiquer des sports masculins, elles devraient donc être autorisées à le faire. Les différences entre les physiques et les capacités des hommes et des femmes sont « socialement construites ». Une infime minorité de femmes sont physiquement maltraitées par des hommes, donc les femmes devraient s’en tirer à bon compte lorsqu’elles font « la même chose » aux hommes. Le fait que les femmes, en fait, frappent plus souvent les hommes (et peuvent manipuler et abuser des hommes de toute une série de manières non violentes) n’est pas pertinent.

Selon cette doctrine émancipatrice, les hommes et les femmes ne sont pas seulement les mêmes, les femmes sont en fait meilleures si on leur en donne la chance. La sororité considère que la supériorité morale des femmes va de soi : les actions des femmes sont justifiées par la prémisse erronée selon laquelle les femmes ne sont jamais violentes, ne mentent jamais et ne veulent généralement pas faire de mal. « Si les femmes dirigeaient le monde, il n’y aurait pas de guerres », dit-on.

Ce serait déjà assez grave si les choses s’arrêtaient là, mais ce n’est pas le cas. La Sororité alimente également un cycle dangereux de confiance excessive et délirante. Malheureusement, on en est arrivé à ce que les femmes (et de plus en plus d’hommes efféminés ayant subi un lavage de cerveau) croient réellement à la constellation de mensonges destinés à gonfler leur ego qu’une combinaison de spécialistes du marketing, d’hommes déconcertés et de féministes trompées leur servent depuis une génération. Les films et les jeux vidéo mettant en scène des femmes « fortes » réalisant l’impossible sont légion et peuvent sembler inoffensifs, mais ils alimentent une mythologie selon laquelle les filles peuvent se battre, courir et intimider comme les hommes. Lorsque l’illusion (par exemple, les femmes autorisées à servir dans l’armée) rencontre la réalité (par exemple, les combats réels), toute l’illusion s’effondre. Lorsque les filles, dans une mesure croissante, se sentent « habilitées » à affronter les hommes dans les bars et les clubs, vous savez que l’illusion a eu un effet réel. (Nous savons tous, bien sûr, que le fait de savoir implicitement qu’une salle pleine de videurs et de chevaliers blancs est prête à prendre sa défense fait partie de son calcul complexe).

La sororité décourage également l’amélioration de soi. Il peut être agréable de dire aux femmes qu’elles sont toutes belles, quelle que soit leur apparence – ou leur corpulence – mais ce n’est tout simplement pas vrai, à quelque niveau que ce soit. Contrairement à la croyance populaire, la beauté n’est pas dans l’œil de celui qui regarde et, comme toute chose valable, elle demande du travail. Mais si vous pensez que vous êtes déjà « belle » avec 20 kilos en trop ou en pantalon de pyjama, pourquoi faire un effort ?

Le résultat : une génération de grosses filles trop sûres d’elles, bruyantes et pleines de droits qui ont une « attitude ». Malheureusement, les femmes ne sont pas les seules à avoir commencé à croire à ce mythe. Une génération de jeunes hommes et de garçons émasculés, hypnotisés par les films et les jeux vidéo qui dépeignent des images irréalistes des femmes, en est venue à croire que les femmes ne sont pas seulement leurs égales, mais aussi leurs supérieures. Les super-héroïnes et les vedettes d’action féminines peuvent sembler amusantes, voire plausibles, mais elles alimentent une réalité alternative infiniment plus dangereuse que les images « sexualisées » des femmes que les féministes voudraient faire croire qu’elles nuisent à la psyché féminine.

La manosphère fait couler beaucoup d’encre sur le féminisme, et à juste titre. Mais pour inverser avec force et, surtout, efficacité les dommages qu’il cause, nous devons repousser ses manifestations codées. La sororité est l’un des masques du féminisme. 


Source : « You go girlism is more toxic than feminism » publié par Tuthmosis Sonofra le 13 juin 2013.