Peur et liberté.

« EastWind », membre du forum SS, en est venu au conflit existentiel qui arrive nécessairement lorsqu’on prend conscience du goût amer de la pilule rouge :

Ainsi, après avoir lu les articles les plus importants de Rollo, de Roissy et certains articles de Dalrock, ainsi que ce commentaire, et celui-ci, de Mark Minter, j’ai atteint un point de dépression et d’étourdissement en même temps.

Leur vision de l’impératif féminin, du comportement féminin, du mariage, des relations et de tout le reste me semble si fidèle que c’en est incroyable. Je trouve impossible qu’un homme puisse lire ces articles, puis retourner dehors, dans la vie, et comparer ce qu’il voit et ce qu’il a vécu avec ce qu’il a lu, et ne pas voir la vérité qu’il y a dans tous ces articles. Peut-être que la raison pour laquelle cette compréhension me vient naturellement est que j’ai vécu suffisamment de douleur (émotionnelle) avec mes semblables, pour savoir avec certitude qu’un être humain est capable de tout dans des circonstances appropriées, et peut-être est-ce parce que je me suis plongé dans ce « jeu » et cette « manosphère » depuis près de dix ans maintenant, depuis que j’ai 15 ans, que je suis en fait l’exemple de quelqu’un qui a été, d’une certaine manière, élevé avec cela.

Et je vois le taux de divorce, et « les manèges à queues », et mes amis qui se font taper dessus par leurs gonzesses, et mon collègue qui a annoncé qu’il allait être papa, il est si heureux et, n’est-ce pas une vie pleine de miracles : les deux méthodes de contraception qu’ils utilisaient ont échoué en même temps, quelle coïncidence, et c’est un ingénieur, rien de moins. Alors maintenant, il va être papa avec un salaire de docteur parce que sa copine va rester à la maison et, que voyez-vous, le bébé doit naître deux mois après qu’elle ait obtenu son diplôme, une autre heureuse coïncidence.

Et je commence à me réveiller, non pas du rêve de relations égales et heureuses, j’avais oublié cela il y a des années, mais de tout le reste, et je réalise :

La vraie pilule rouge ne vous dit pas, en tant qu’homme, que les femmes vous testent, elle vous fait voir que tout et tous dans votre vie, et dans la société, vous préparent à être un pourvoyeur, à être quelqu’un qui travaille pour le bien des autres, à donner votre argent et votre VIE pour une cause qui n’est pas la vôtre.

C’est suffisant pour déprimer sérieusement un homme. Cela me trottait dans la tête depuis un certain temps déjà, Rollo et compagnie n’avaient que les mots pour donner une forme à cette situation : que la plupart de ce que nous faisons est totalement inutile si nous abandonnons nos efforts pour obtenir des femmes. Soudain, plus rien n’a d’importance.

Je suis censé avoir une bonne éducation, un emploi stable, un appartement confortable, pour quoi faire ? D’autres me disent que c’est pour pouvoir m’occuper d’une famille, mais maintenant la seule raison pour laquelle je le fais, c’est la sécurité et la commodité, je me retrouve à planifier ma vie sans femme, avec un minimum confortable de dépenses et de « meubles », et un maximum de temps libre et d’activités agréables, avec un travail qui me procure assez d’argent pour vivre, faire les choses que j’aime et en mettre de côté quand je deviendrais vieux.

Mais c’est effrayant. Putain, c’est effrayant, croyez-moi. Soudain, les questions que tout le monde se pose, ici et dans la vie réelle, à savoir « comment puis-je avoir une petite amie ? », « comment puis-je baiser ? », « que vais-je faire/que deviendra ma famille si je perds mon emploi ? », perdent toute leur importance. Je me demande pourquoi je devrais me rendre dans un endroit tous les jours, que je le veuille ou non, que ce soit intéressant ou non, alors que je pourrais faire des choses plus agréables, et peu importe à quel point vous aimez votre travail, il y a toujours des choses plus agréables que le travail. Le sujet de mon doctorat est assez intéressant, mais je suis énervé par la « politique professionnelle » qui se passe dans mon institut, même si c’est une université de merde, et vous savez quoi ? Si je pars, ou si on me fait partir, cela n’a pas d’importance car je ne me préoccupe de moi seul, je ne suis pas responsable de la vie d’autrui, je n’ai personne à charge.

Ainsi, le fait de réaliser que vous ne trouverez jamais une femme qui vous sera reconnaissante pour les sacrifices que vous faites pour elle a pour effet secondaire une liberté totale et absolue. Et la liberté est énorme, et c’est effrayant. Et je ne peux pas la supporter. Je m’en tiens à ma position parce que, eh bien, c’est assez intéressant, mais surtout parce que je ne sais pas quoi faire d’autre. Je n’ai jamais été préparé à cela, on ne m’a jamais dit que les rêves peuvent être atteints, comment les atteindre.

Et une autre chose, et c’est pour toi, Rollo, eh bien : qu’en est-il des femmes maintenant ? J’ai 25 ans, je suis recherché, et toutes les femmes de mon âge, même celles qui sont gentilles, belles, douces, intelligentes, qui me prêtent une attention sérieuse me font peur parce que je sais ce qu’elles veulent vraiment.

La pilule rouge vous fait voir que les seules personnes qui vous aiment pour ce que vous êtes vraiment sont vos parents, si vous avez de la chance, et que toute autre personne dans ce monde va attendre quelque chose d’une association avec vous, avec des femmes qui n’attendent que cela. Et c’est pourquoi nous pleurons si misérablement quand nos parents meurent (je l’ai fait quand ma mère est morte), c’est la connaissance subconsciente que personne ne nous aimera comme ils l’ont fait, ne sera là pour nous comme ils l’ont été, sans rien attendre en retour, simplement parce que c’était nous.

Tous mes amis et ma famille me disent que, oui, de mauvaises choses peuvent vous arriver, mais que « vous devez juste trouver la bonne fille », et à mes yeux, ils sont tous fous. Ce n’est pas comme si vous deviez prendre la bonne rue dans une paisible ville allemande et que vous vous fassiez agresser, c’est comme si vous vous promeniez les yeux bandés dans Johannesburg.

Je n’essaie pas de combattre les concepts, je vois leur vérité. Mais je peux très bien être dégoûté par la façon dont le monde fonctionne.

Alors, qu’en est-il du « vertige » dont j’ai parlé plus-haut ? Eh bien, se sentir libre vous donne le vertige. Ça vous donne un ENORME vertige. Le sentiment que votre vie n’est pas planifiée ou qu’il n’y a qu’un seul vrai chemin possible, est positivement exaltant. Mais c’est aussi extrêmement effrayant.

« Eastwind » se trouve à l’aube de quelque chose de grandiose, mais en même temps effrayant. Il est le premier d’une génération d’hommes conscients du « Game » qui ont été « élevés » dans une culture Internet post-pilule rouge. Il fait partie d’une génération d’hommes qui acceptent les réalités, très inquiétantes, que la manosphère en constante évolution lui a présentées, mais il est encore en mesure de choisir comment il va utiliser cette prise de conscience pour planifier sa vie future.

Il y aura de plus en plus d’hommes comme Eastwind dans les décennies à venir. Des hommes qui se demandent « à quoi bon ? » alors qu’ils s’apprêtent à vivre leur vie. Ce sont ces hommes qui suivront vraiment leur propre voie, non motivés par les projets de vie qui leur ont été présentés (imposés), mais plutôt des hommes qui réimaginent ces projets en fonction de la réalité – déconnectée la matrice – dont ils sont maintenant conscients.

Ce sont les hommes qui menacent l’impératif féminin – une avant-garde d’hommes conscients de leur valeur réelle pour les femmes et la société, et qui peuvent faire des choix de vie sans l’influence de l’impératif féminin. Je comprends le « vertige » de cette liberté, mais je comprends aussi l’hostilité qui leur sera opposée, par une mentalité sociale féminisée qui ne peut pas se permettre que ces hommes fassent prendre conscience à d’autres hommes de leur servitude, en donnant l’exemple de la pilule rouge dans leurs choix de vie.

Le système luttera contre Eastwind dans tous les domaines ; psychologique, familial, sociologique, financier, politique, tous les aspects féminisés qui peuvent ramener « le crabe dans le tonneau » seront utilisés contre lui. L’arme principale de l’impératif féminin est le doute masculin. Le doute qu’il puisse construire une vie selon son plan, le doute qu’il se trompe sur les machinations de l’impératif, le doute dans la certitude de sa nouvelle conscience, le doute qu’il ne puisse jamais faire l’expérience de l’amour dans son propre contexte. Parce qu’une fois qu’il doute de la certitude de son but, une fois qu’il doute de son pouvoir de diriger son propre chemin, sa propre vie, c’est alors que l’impératif l’accueille dans sa confortable réalité.

L’anxiété et la peur que vous ressentez sont la conséquence du fait d’être débranché du système. L’étourdissement vient de la possibilité de créer un nouveau système pour vous-même.


Source : « Fear and Freedom » publié par Rollo Tomassi le 26 avril 2013.  

Illustration : Yogendra Singh.