Mon ami dans la vie réelle et l’ombre d’internet, « Good Luck Chuck », a une fois exprimé cette idée pour moi dans un commentaire :
« Rollo, un fois qu’un homme a atteint ses 40 ans, toutes les femmes qu’il rencontre sont veuves des hommes alphas qu’elles ont connu. Il n’y a tout simplement pas moyen de l’éviter. À l’âge de 30 ans, et à moins qu’elle n’ait quelque trouble psychologique, pratiquement toutes les femmes qu’un homme peut désirer a une sorte de « passif » : un ou plusieurs enfants, un « bad boy » qu’elle n’arrive pas à oublier, ou tout autre « passif » qui résulte de la mentalité féministe moderne, qui est un comportement que toutes les femmes ont aujourd’hui ».
Dans le cadre de cet ensemble qu’est devenu la manosphère, et grâce à la technologie, nous sommes aujourd’hui en mesure de « remonter le temps » et d’observer à grande échelle l’influence de l’impératif féminin (et du féminisme) sur la société. J’ai fait quelque chose de similaire dans « Choreplay » ; à propos de la réinvention, en cinq ans, d’une convention sociale féminine. Cependant, vous pouvez aussi le faire à une plus grande échelle sociale, et ainsi comprendre les tendances sociales qui sont influencées par la façon féminine de voir les choses au cours d’une décennie particulière ou même plus.
Au début des années 2000, l’ordre féminin de l’époque était « vivre au jour le jour ». La série HBO qui définissait cette époque était Sex and the City. Le fantasme des femmes qui contrôlaient les hommes pouvait être réalisé, et avec cela, le monde appartenait aux femmes. Ce qui a fait de cette série une série primée, c’était cette savante jonction entre, d’une part, des exigences toujours plus intenses pour satisfaire sa vie sexuelle, et d’autre part, une volonté toujours plus prononcée d’optimiser l’hypergamie féminine. Mais cette série a aussi saturé la société avec une nouvelle mentalité culturelle féminine.
Sex and the City ne reflétait pas nécessairement ce qui se passait dans la société du point de vue culturel, mais l’influence sociale de cette série et les associations automatiques qui se sont créées dans l’esprit des femmes, suite à la diffusion de chaque épisode, sont indéniables. Mais, dans le cas des phénomènes culturels qui concernent les femmes, l’impression est tout ce qui importe – les conditions personnelles propres à chacune d’entre elle, et la réalité dans laquelle elles vivent, n’a pas d’importance, tout ce que les femmes voulaient, c’était de vivre par procuration à travers Sex and the City.
C’était alors que…
Maintenant dans sa seconde saison, HBO a une nouvelle niche culturelle à proposer aux femmes, avec « girls ». En 2012-2013, l’ensemble du marché sexuel est devenu une nouvelle frontière comparée à ce qu’était Sex and the City. Plutôt que de vendre aux femmes le fantasme des opportunités sexuelle à l’infini et le plaisir qu’il y a à en tirer, comme le faisait Sex and the City, l’impératif féminine d’aujourd’hui propose aux filles de déplorer l’absence d’hommes de qualités, c’est-à-dire d’hommes possédants cet espèce d’équilibre insaisissable entre l’homme beta et l’homme alpha. Ne vous méprenez pas, le sexe est toujours le principal angle de vue fémino-centré qui est proposé aux femmes, mais maintenant le message est moins porté sur le pouvoir et plus sur l’impuissance des femmes de cette décennie vis-à-vis de ce pouvoir. Dans les deux séries, les protagonistes masculins sont des caricatures impuissantes de l’homme moderne, et dans les deux séries, on nous montre les conflits que rencontrent des femmes qui sont avec des hommes incapables de vivre à la hauteur de leurs attentes féminines, et on le montre de telle manière à ce qu’on comprenne que les hommes n’ont pas de mots à dire sur les conditions de vies qu’on a choisies pour eux.
Dans Sex and the City, la frustration des femmes vis-à-vis du pouvoir a été accueillie avec une force brutale. La solution était de dominer les hommes et de les laisser dans une position de soumission, laquelle était mise en place avec une über-confiance en soi féminine. Et il s’agissait également d’avoir de la considération uniquement pour les hommes « méritants », c’est-à-dire les hommes avec un statut égal, ou de préférence, avec un statut supérieur. Dans « Girls », la dynamique du pouvoir est une impuissance tout aussi intense ; le mécanisme du conflit de l’intrigue ne s’appuie que sur l’empathie et les sympathies de l’auditoire féminin. La génération « girls » se vautre dans la frustration que les femmes ressentent face à l’incapacité des hommes à satisfaire leurs besoins de femmes. Non seulement cette aspect « indignation » de la série « Girls » est en soi extrêmement agréable à regarder pour les femmes, mais en plus, cela engendre des associations émotionnelles chez elles, ce qui indique par-là que cette série raconte quelque chose d’important sur les relations hommes-femmes modernes.
La série « Girls » fait appel à cette génération de veuve d’hommes alphas que la série Sex and the City avait elle-même contribué à créer. Il est facile de comprendre alors le point de vue de Chuck sur les femmes modernes, qui ne sont qu’une masse bouillonnante de veuve d’alphas, toutes en train de fantasmer sur l’homme (ou les hommes) qui leur auraient permis de satisfaire le rêve d’une hypergamie parfaitement accomplie. Ce n’est que maintenant que les femmes réalisent les conséquences de leurs recherches effrénées de satisfaction hypergamique, mais la responsabilité de cet échec ne réside bien évidemment pas dans les choix des femmes elles-mêmes, et encore moins dans leur incapacité à reconnaître la mécanique de leur propre hypergamie. Non, ce sont les parents qu’il faut blâmer, ce sont les « forces culturelles » qu’il faut blâmer (il devient commode de réaliser qu’il existe d’ailleurs des « forces culturelles » …), et bien sûr, ce sont les hommes qu’il faut blâmer. Il faut blâmer les hommes de pas savoir ou de ne pas pouvoir aider les femmes à se sauver d’elles-mêmes – alors que ce sont les mêmes hommes qui se sont adaptés au marché sexuel que les femmes ont créé.
Le « zeitgeist » que l’impératif féminin cherche à vendre aux femmes, c’est cette idée que leurs malheurs viennent du fait qu’on leur a vendu une idée fausse : celle qui consiste à croire que les femmes doivent placer leurs vies professionnelles au-dessus de leurs vies personnelles. Aussi tentant qu’il soit d’être d’accord avec cela, le problème est que les mêmes aspirations professionnelles que les femmes peuvent ou ne peuvent pas avoir été encouragées à intérioriser sont indissociables des décisions personnelles (romantiques) qu’elles ont prises pour elles-mêmes. Les croyances professionnelles des femmes influencent leurs croyances personnelles et vice versa. Et maintenant, une fois de plus, l’impératif féminin réinvente le message, mais le même responsable du malheur des femmes est toujours le même – ce sont les hommes qui ont évolué pour faire face à la nature du marché sexuel que les femmes elles-mêmes ont développée.
Maintenant, le « zeitgeist » de l’impératif féminin porte sur le refus des hommes de s’adapter à la volonté des femmes d’avoir une relation satisfaisante avant leur âge de 25 ans. Les « bad boy » alpha ont pollué le marché sexuel. La culture « Tinder » a fait du marché sexuel ce qu’il est aujourd’hui, et les filles qui sont devenues les veuves des hommes alpha qu’elles ont rencontré en paient le prix. Ce qui est vieux est nouveau, et ce sont les hommes créés par la génération Sex and the Cityqui ne veulent plus se mettre en couple avec des filles qui ont passé leurs vingtaines à mettre plus d’hommes dans leurs lits que le ciel ne compte d’étoiles.
Source : « Generation Alpha Widow » publié par Rollo Tomassi le 13 mars 2013.