Vestiges.

La plus grande incohérence que les gens commettent lorsqu’ils discutent du « darwinisme social » est cette idée de « survie du plus apte ». Nulle part, dans aucun des écrits de Darwin, vous ne verrez cette terminologie dans le contexte de la sélection naturelle. Ce n’est pas la survie des meilleurs, c’est la survie de l’espèce la plus à même de s’adapter à son environnement et à l’évolution des conditions dans lesquelles elle vit. Les dinosaures ont gouverné la terre en tant qu’espèce prééminente pendant des éons (beaucoup plus longtemps que les humains). Puis, le temps d’un clin d’œil relatif, ils se sont éteints, parce qu’un changement environnemental radical a eu lieu, pour lequel ils n’étaient biologiquement pas préparés, ce qui les a décimés en masse. Ils ne pouvaient tout simplement pas s’adapter à leur nouvel environnement. 

C’est ce que les gens ne voient pas ; l’adaptation est la pierre angulaire l’évolution. Aux Etats-Unis, 68 % de la population est en surpoids, non pas à cause de « mauvais » gènes, mais parce que l’environnement a changé et que les gens se sont adaptés. Nos corps stockent naturellement la graisse. Nous avons évolué en fonction de la nécessité de procéder ainsi, puisque les sources de nourriture étaient rares, dans notre passé biologique, mais maintenant, l’environnement a changé. La nourriture est trop abondante, trop pratique, trop dense en calories, pour que nous ne soyons pas gras. Notre métabolisme favorise les glucides par rapport à la protéine et les graisses stockées, pourquoi ? Parce que dans notre réalité environnementale d’il y a quelques milliers d’années, qu’un bon coup de sucre signifiait une meilleure chance d’esquiver (de fuir) un prédateur. Maintenant, cet héritage biologique ne nous rend plus gros quand nous pouvons acheter n’importe quoi à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit dans n’importe quel magasin. 

Héritages.

En ce qui concerne la monogamie ou la polygynie, ce que nous observons essentiellement à cette époque est le résultat d’une restructuration des méthodologies adaptatives pour tenir compte des changements dans notre environnement. Mère seule élevant un enfant, formes facilement disponibles de contrôle des naissances (la pilule), plus grand potentiel de provisionnement de sécurité pour les hommes et les femmes qui ne sont pas basés sur les capacités physiques, etc. Pourtant, à la lumière de tout cela, nous luttons encore avec l’héritage de notre passé biologique.

Les hommes et les femmes, biologiquement, ont des méthodologies différentes pour la reproduction. Il est dans le meilleur intérêt biologique d’une femme de s’accoupler avec le mâle génétiquement supérieur, qui est le mieux placé pour fournir l’approvisionnement à long terme pour elle et toute progéniture potentielle. C’est dans son meilleur intérêt de trouver un homme le mieux adapté pour s’investir dans l’investissement parental. Cela est dû à sa période de gestation relativement longue (9 mois), aux rigueurs de l’éducation d’un enfant jusqu’à ce qu’il atteigne l’autosuffisance (au moins l’adolescence) ainsi qu’à sa propre survie. Elles ovulent via un cycle de 28 jours et sont à un pic de fertilité 5-7 ans après la puberté. Elles possèdent un nombre limité « d’œufs » et ne sont plus biologiquement « viables » après un certain âge (autour de la ménopause). Leurs hormones (et l’endorphine) reflètent également ce schéma de reproduction ; elles produisent en vrac de l’ocytocine et de l’œstrogène, tous deux responsables des sentiments de préservation et d’éducation, et qui servent de « stratégie d’évitement » pour les indiscrétions sexuelles. Au sommet de leurs cycles menstruels, elles produisent plus de testostérone (en préparation de l’activité sexuelle) et dans les périodes basses, elles produisent plus d’œstrogènes et de progestérone. En outre, pendant et après la grossesse, elles produisent des niveaux élevés de progestérone et de l’ocytocine, pour générer des sentiments d’amour et d’accompagnement pour les descendants. 

Les méthodologies des hommes sont très différentes. Biologiquement, nous produisons 12,5 fois la quantité de testostérone que produisent les femmes. En conséquence, nous avons une plus grande acuité de la vision, de l’audition et du toucher. Nous avons plus de muscles, et nous penchons naturellement vers les sentiments d’agression plutôt que vers les sentiments liés à la tristesse. Et bien sûr, nous sommes facilement incités à un état d’excitation sexuelle – nous sommes toujours prêts pour le sexe, c’est notre état naturel. Nous produisons quotidiennement des millions de cellules reproductrices et nous sommes sexuellement viables jusqu’à très tard dans la vie. Notre méthodologie de reproduction tourne autour de la stratégie de « répandre la graine » aussi indistinctement que possible. La stratégie masculine, c’est la quantité ; alors que la stratégie féminine, c’est la qualité.

Maintenant, après avoir fait cet exposé, vous pouvez voir le conflit dans les méthodes d’accouplement de l’un et l’autre sexe ; il entre donc dans tout cela des mécanismes sociologiques et psychologiques adaptatifs qui permettent de réglementer ce processus. Ainsi, étant des animaux sociaux, nous introduisons l’éthique, la moralité et les responsabilités implicites pour assouplir les stratégies de chaque sexe. Dans notre passé biologique, l’excitation sexuelle chez les hommes et les femmes était déterminé par des critères physiques. Gros seins chez les femmes, un ratio hanches / taille approprié, la symétrie physique chez les deux sexes, la musculature chez les hommes, les manifestations physiques de la testostérone (mâchoire carrée par exemple), etc. étaient les signes d’appel pour l’activité sexuelle. Le physique a été (et est toujours) le principal facteur de motivation pour l’activité sexuelle et cela est littéralement encodé dans notre génétique.

Cependant, au fur et à mesure que la société a progressé, les conditions et les environnements ont changé, l’adaptation sociale a donc également changé. Beaucoup de gars fraîchement débranché [qui ont pris récemment la pilule rouge] font une observation astucieuse sur cette progression – pourquoi est-ce que les femmes sont encore et toujours excitées par :

Les célébrités. 

Les musiciens. 

Les criminels.

Les dealers. 

Les preneurs de risques. 

A mesure que la société a progressé, la « preuve sociale » est devenue peu à peu une considération secondaire pour les femmes (la considération primaire restant le physique). Les attraits physiques, tout en restant un attracteur sexuel primaire et un indicateur de la meilleure génétique possible, n’assuraient pas nécessairement un engagement continu vers l’investissement parental. Les méthodes de reproduction des hommes et des femmes ont toujours été dans un équilibre précaire depuis que nous avons commencé comme des sociétés tribales de chasseurs-cueilleurs. Comme la société (voir l’environnement) a changé, d’autres facteurs, qui tiennent compte de l’investissement parental, sont devenu important. Les artistes sont devenus attrayants parce qu’ils possédaient « l’intelligence créative » et cela se manifestait dans leurs capacités créatives pour résoudre des problèmes. Quand vous voyez le musicien fauché avec la petite amie dévouée, c’est cet héritage génétique qui est au travail.

La « preuve sociale » et la concurrence intersexuée, tout en étant toujours présente, a commencé à se déplacer dans le domaine psychologique. Il était beaucoup plus efficace pour les femmes de concourir pour un mâle secrètement – généralement en ne confirmant pas leurs intentions – que de le faire ouvertement. Au fur et à mesure que la société progressait, la concurrence masculine s’éloignait du physique et se dirigeait vers la capacité de provisionnement. Un trafiquant de drogue (un dealer) et un dirigeant d’entreprise très puissant pourraient tous deux être considérés comme des mâles « alpha » – tous les deux ont une capacité sociale élevée et des capacités de provisionnement – quoique dans couches sociales différentes.

La polygynie et la monogamie sont des méthodologies humaines naturelles. La polygynie sert mieux l’impératif biologique d’un homme, tandis que la monogamie sert mieux la stratégie biologique d’une femme. Le conflit survient lorsque l’une ou l’autre de ces stratégies est compromis. Un homme seul (célibataire) qui est ne reste pas exclusivement avec la même femme et cultive plusieurs relations est essentiellement dans un état de polygynie, tandis qu’une femme mariée est dans un état qui lui est le plus favorable : la monogamie sécurisée. Chaque sexe doit abandonner sa stratégie qui lui est le plus favorable pour s’accommoder de la stratégie de l’autre sexe. C’est pourquoi, socialement, nous avons des étapes dans notre vie moderne où chaque stratégie est exercée sur une autre [ou plutôt, au détriment d’une autre]. 

Planète animale.

J’ai récemment regardé un documentaire animalier spécial sur les chiens et les chats, ce documentaire comparait leurs comportements « domestiques » avec ceux de leurs homologues sauvages, comme les chats sauvages et les loups. De manière pas si surprenante, un chien va instinctivement faire des cercles autour de son « lit » exactement de la même façon qu’un loup va « surveiller » l’endroit où il s’apprête à se coucher. De la même manière, les chats sauvages couvriront leurs propres excréments, car de cette façon, les éventuels prédateurs ne pourront repérer leur odeur, comme le font les chats « de maison ». Pour nous, ces comportements et beaucoup d’autres semblent mignons, mais ils sont aussi entièrement inutiles pour les animaux domestiqués. On pourrait penser qu’après des milliers d’années de domestication, et du fait de l’élevage sélectif, ces comportements seraient moins importants ou entièrement supprimés, mais ce n’est évidemment pas le cas. Ils sont « branchés » ainsi, et ces comportements non-appris sont comme imprimés en eux dès la naissance, car c’est un comportement qui peut s’est avéré très précieux dans la survie de leur espèce au cours des générations. 

En utilisant cette analogie, comment ne pas s’interroger sur la nature infiniment plus complexe de nos comportements et des motivations derrières nos comportements ? Il existe de nombreuses études globales qui comparent les caractéristiques physiques de l’attraction, à travers la culture et la race, pour les deux sexes, qui montrent des points communs très fréquents pour l’attraction physique. Pour les hommes, les épaules larges, la mâchoire carrée et le ratio poitrine/taille ; et pour les femmes, la symétrie des traits du visage, la taille des seins et le ration hanche/taille, sont des attracteurs universels pour le sexe opposé. En fait, la propension très commune pour les femmes de ne pas vouloir coucher avec les hommes plus petits qu’elles-mêmes est spécifiquement dérivée de ce que les psychologues évolutionnistes appellent « vestiges de la sélection sexuelle ». 

Gardez à l’esprit que nous parlons d’attraction, et de la façon dont notre inconscient interprète des repères externes pour susciter le désir. Vous voyez une femme nue dans Playboy et ça vous fait de l’effet… Signal extérieur – réponse biologique, c’est aussi simple que cela. C’est une réponse rapide et facile, mais il y a une variété d’autres réponses qui se produisent – accélération de la fréquence cardiaque, libération d’hormones dont l’endorphine, dilatation des pupilles, etc. Là encore, c’est une réaction qui n’a pas été apprise et qui fait partie de notre composition chimique.

Beaucoup de frustrations que les hommes et les femmes ressentent dans notre éducation socio-sexuelle moderne trouvent leurs sources dans une tentative psychologisante de concilier nos comportements innés et notre besoin d’adaptation dans notre environnement actuel. L’hypergamie est la première directive des femmes, mais elles sont très peu à en être conscientes, et même celles qui peuvent qui peuvent le réaliser demeure soumises à cet impératif. L’hypergamie est une sous-routine mentale, un vestige, qui s’exécute dans les zones neuronales périphériques des femmes.Cetteméthodologie de survie de notre espèce dans notre passé était si vitale, que l’hypergamie fait aujourd’hui partie de la programmation limbique d’une femme.

Ainsi, lorsque ces processus sont révélés à notre conscience (c’est-à-dire l’hypergamie féminine, la polygynie masculine, etc.), nous avons tendance à ironiser ou à les rejeter en bloc. Parfois, les vérités de ces vestiges sont laides – en fait, la raison pour laquelle nous les trouvons inconfortable ou offensante est le résultat d’un effort sociétal pour les garder sous la surface en nous-mêmes. Ils offensent notre sens de la justice, ou la notion d’équité, mais ils ont servi à nous amener là où nous sommes maintenant en tant que civilisation.

Beaucoup de critiques de la psychologie évolutionniste et des aspects les plus troublants de l’évolution sociale et sexuelle humaine, commencent leurs critiques en déformant les révélations de cette science afin de ne pas avoir à regarder en face les comportements que cela implique. Oui, l’hypergamie, dans toutes ses permutations, est une vérité très laide à révéler, mais l’exposer, tenter de la comprendre, n’équivaut pas à l’approuver. Les êtres humains ne peuvent pas gérer trop de réalité, de sorte que le recours est de tenter de remettre le génie dans la lampe. Être conscient de notre nature sauvage et tenter de déconstruire les vestiges des comportements que nous avons aujourd’hui n’est pas la même chose que d’attendre l’absolution des conséquences de nos actes.

Ce n’est pas parce que vous connaissez les raisons de vos comportements que vous devez agir sans assumer les conséquences de vos actes. Pourtant, personne ne devrait être interdit d’enquêter légitimement sur la nature profonde de son « moi primitif », surtout pas par ceux qui voudraient faire ressentir de la honte à ceux qui s’intéressent à ce sujet, afin de masquer leurs propres malaises. 


Source : « Vestiges » publié par Rollo Tomassi le 5 février 2013.