Les gens sont des gens.

L’une des réponses les plus prévisibles et courantes que je reçois quand je lis des commentaires sur d’autres blogs ou forums parlant de l’un de mes propres articles, c’est quelque chose comme ceci :

« C’est un grand écrivain, mais c’est des conneries, parce que les gens sont des gens, tout le monde est différent. Nous sommes tous des individus, il n’y a pas de « nature humaine » universelle ».

J’admets qu’il fut un temps où j’aurais eu la même réponse. Une partie intégrante de notre conditionnement féminisé et égaliste nous apprend à rejeter les concepts de « nature humaine » – ou ne serait-ce que s’interroger sur ce qu’est cette « nature » – en faveur d’une sorte de philosophie « d’ardoise vierge ». L’égalisme, la religion du féminisme, ne peut exister dans un monde fondé sur l’influence (même marginale) de notre biologie, de psychologie évoluée et évolutive, ou même de la preuve de la mécanique qui explique cette influence collective sur les êtres humains.

Ce n’est pas à dire que la plupart des gens n’admettront pas qu’il existe des influences extrinsèques à l’individu, lorsqu’on leur pose la question, c’est simplement qu’ils croient que le libre arbitre, l’effort conscient et la conviction déterminée permettront à l’individu de s’élever au-dessus de ses limitations biologiques. Et, dans un moment de concentration ciblée, sur une seule personne considérée individuellement, ils auraient probablement raison. Ce dont ils ne tiennent pas compte, ce sont les influences inconscientes, extrinsèques et intrinsèques, qui motivent les êtres humains à avoir ce genre de conviction en premier lieu. Les limites évolutives et biologiques innées qu’ils souhaitent dépasser ne sont pas des « bugs », ce sont des « caractéristiques ».

La raison d’être de la réponse typique que l’on donne sur l’esprit féminin (« toutes les femmes ne sont pas comme ça ») trouve ses racines dans le raisonnement basé sur la philosophie de l’ardoise vierge, en vertu duquel « les gens sont des gens », soit un raisonnement égaliste. Bien que je pense que le fait de rejeter la détermination individuelle soit un raisonnement extrême, le fait de rejeter massivement toute influence environnementale ou biologique est également un raisonnement extrême, en ce qui concerne le développement personnel – ce raisonnement extrême est ensuite développé aux phénomènes sociaux et culturels. C’est là que l’état d’esprit en vertu duquel « les gens sont des gens » commence à s’épanouir. 

Périphéries.

Quand j’étais à l’université, j’étais un escrimeur, et c’est de mon entraîneur d’escrime que j’ai appris une leçon très précieuse en psychologie. Il m’a dit : « Quand vous faites face à votre adversaire, concentrez votre vision directement à l’endroit où ses yeux se trouvent derrière son masque. Vous ne pouvez pas suivre le bout de son arme avec vos yeux, et vous ne pouvez pas non plus concentrer assez d’attention pour suivre tous ses mouvements du corps ». Ce que j’ai appris, c’est que lorsque vous appliquez votre concentration sur ce point central, votre vision périphérique aide votre compréhension subconsciente à propos de ce que votre adversaire est en train de faire. C’est dans l’unification de ce « gestalt », une conscience périphérique et une prise de conscience ciblée, qui fabrique les meilleurs compétiteurs.

Les êtres humains possèdent une formidable capacité à être multitâches, mais se concentrer sur plusieurs sources de stimuli, c’est quelque chose qui a été problématique dans notre passé évolutif. Trop de stimuli constants conduisent à une surcharge sensorielle et à une sorte de « panne de fonctionnalité », qui s’avère alors fatale si nous sommes distraits alors même que nous sommes face à une menace mortelle. Ainsi, nous avons évolué en développant des mécanismes psychologiques qui nous permettent de repousser des informations en périphérie de notre conscience, afin de nous ménager davantage d’acuité mentale sur les informations plus importantes. 

Un monde entier est en train de se dérouler tout autour de nous, et nous en sommes seulement conscient à la périphérie de notre attention, et dans un certain sens, ce monde-là n’existe finalement uniquement dans notre conscience périphérique. Par exemple, en ce moment, vous concentrez probablement votre attention sur ce texte, sur un écran d’ordinateur ou peut-être sur un appareil mobile, mais dans votre vision périphérique vous interprétez et comprenez qu’il y a d’autres choses dans l’environnement avec vous, des photos sur le mur, une armoire, peut-être une imprimante à proximité, etc… Vous lisez ce texte, mais vous savez que des objets sont là. Si quelqu’un vous lançait une balle sur la tête en ce moment, vous réagiriez de façon réflexive en concentrant votre conscience sur le projectile entrant.

Notre conscience fonctionne assez de la même manière. Nous poussons les informations moins pressantes et conditionnelles aux périphéries de notre conscience, et nous nous concentrons sur des informations plus pressantes jusqu’à ce que nous choisissions d’affronter ces questions que nous avions laissé de côté. Parfois, nous appelons cela « perspicacité », mais ce n’est vraiment que l’effort ciblé pour appliquer notre conscience à des conditions, des pensées et des reconnaissances de soi que nous avions poussé vers notre conscience périphérique. Par exemple, je tape sur mon clavier et je me concentre sur ce que j’écris ici, mais dans ma conscience périphérique, je sais que j’ai une réunion dans quelques heures, et plus profond que cela, je sais que je suis un père marié de 44 ans qui se demande comment il peut avoir un impact significatif sur le monde dans les 10 prochaines années.

Une de mes théories personnelles et fondamentales sur la psychologie, est que les gens sont intimement conscients de leurs propres conditions.

À un certain niveau de conscience, les gens comprennent ce qui les a influencés, ce qui les a motivés ou démotivés. Ils ne sont peut-être que « périphériquement » conscients de ces conditions, ils peuvent être plus introspectifs ou moins introspectifs, mais ils comprennent que ces influences existent pour eux et chez eux. Car même si une mère célibataire peut affirmer qu’elle ne recherche pas d’homme qui puisse être une figure paternelle pour son enfant, elle sait quand même, ne serait-ce que périphériquement, la réalité de sa condition de mère célibataire. Une femme de 38 ans, célibataire sans enfants, jamais mariée, qui a passé le mur, est intimement consciente de son état et de la réalité qui en découle. 

Cela ne veut pas dire que les gens savent tout ce qui crée ces conditions, mais c’est pour dire que nous en sommes conscients. En fait, je dirais que la plupart des gens ne sont pas conscients des origines de leurs conditions jusqu’à ce que quelqu’un ou quelque chose, avec une perspective plus large, les amène à en prendre conscience, mais ils se rendent compte des conditions qui contribuent à leur état actuel.

La biologie démoniaque m’a fait faire ce que j’ai fait. 

Une grande partie des connaissances dites de la « pilule rouge » sont fondés sur la psychologie évolutive. Bien sûr, l’évo-psy n’est pas le seul facteur de sensibilisation à la pilule rouge, mais pour une grande partie des négationnistes du jeu de séduction (les personnes ignorant les origines de leurs conditions), cela pose un problème de commodité. Quand les révélations de l’évo-psy sont en accord avec nos modèles sociaux confortables et les idées dans lesquelles nous avons investis nos Egos, nous ne sommes que trop heureux d’embrasser cette science. Mais quand cette science nous montre les vérités les plus inconfortables de la nature humaine évoluée, la réaction est, soit de remettre en question la « science », soit de blâmer la conviction morale, la détermination et le caractère de la personne s’exprimant sur cet aspect de la nature humaine.

Actuellement, nous avons un débat très actif sur le forum SS, un débat qui a été déclenché par une femme qui dénonce les hommes qui « se comportent mal » (c’est-à-dire qui ne se comportent pas en accord avec l’impératif féminin), et qui dénonce les excuses que se trouvent ces hommes qui se comportent mal, en ce qu’ils se justifient en disant que c’est la nature qui a construit les hommes comme ils sont. C’est bien sûr le revers de la médaille du phénomène des épouses de guerre, mais la base de son argument est enracinée dans cette philosophie de l’ardoise vierge, cet individualisme égaliste. 

L’hypergamie (un schéma psychologique évolutive qui a pour but la survie de l’espèce) ne se soucie pas de la conviction personnelle, du libre arbitre ou des définitions de ce qu’est un comportement moral, l’hypergamie existe, c’est tout. Donc, dans l’intérêt de perpétuer les meilleurs intérêts d’un sexe (et par extension de l’espèce entière) les normes sociales et culturelles évoluent de manière fluide autour d’elle pour « s’arranger » avec ce qui est finalement un aspect inconfortable de notre humanité. L’hypergamie peut-elle être contrôlée ? Les impulsions sexuelles des hommes peuvent-elles être tempérées ? Bien sûr, mais pas sans un effort de libre arbitre, de conviction et de structures sociales. Je connais quelques hommes précieux qui ont blâmé leur infidélité ou leur impulsivité sexuelle uniquement sur leurs prédispositions biologiques. À l’exception des Alphas plus naturels, le plus souvent, il s’agissait d’un événement soigneusement calculé et coordonné.

Les gens n’aiment pas l’idée de ne pas être aux commandes de leur vie et d’eux-mêmes, et ils ne toléreront certainement pas les raisons extrinsèques incontrôlables qui pourraient justifier les comportements des autres. Nous aimons l’idée de responsabilité personnelle, parce qu’elle implique l’ordre dans un monde qui serait chaotique. En fait, pour cette raison, les gens sont beaucoup plus susceptibles d’attribuer leurs défauts à leurs propres décisions personnelles. Il peut s’agir d’un aveu de manque de contrôle sur leur propre vie, mais cela implique toujours qu’ils avaient autrefois un contrôle à perdre et qu’ils peuvent à nouveau le retrouver.

J’ai écrit dans le passé que la nature l’emporte sur la conviction, et je tiens toujours à cette idée. Les gens se sont moqués de moi pour cette affirmation, mais je ne pense pas qu’ils comprennent vraiment ce que je veux dire par là. La nature est l’environnement dans lequel nous vivons, la nature est la condition. La conviction, le libre arbitre ou même les notions de moralité ne peuvent exister si la « nature » n’est pas l’environnement dominant et opérationnel dans lequel nous existons. Ce n’est pas que nous ne pouvons pas nous élever au-dessus de nos natures, c’est que nous devrions d’abord l’accepter en premier lieu. 


Source : « People are People » publié par Rollo Tomassi le 6 novembre 2012.  

Illustration : Lisa Fotios.