Les compétences sociales des adolescents.

Ayant été en vacances récemment (désolé pour le manque de mises à jour) j’ai pris un certain temps entre la pêche et la tequila pour regarder des histoires exagérées sur les jeux olympiques à venir. Malheureusement, les jeux n’ont plus vraiment le même attrait qu’avant, surtout depuis que les gens sont plus conscients sur le véritable fonctionnement des sports professionnels. Ainsi, afin de générer des revenus publicitaires pour les jeux eux-mêmes, il est devenu nécessaire pour les médias, de semer des histoires, des mois en avance, sur des athlètes que le public ne connaissait absolument pas. Savoir qui sont les meilleurs lanceurs de javelot dans le monde est un intérêt de niche.

C’est donc avec un intérêt très limité que j’ai vaguement eu connaissance de l’histoire de Lolo Jones.  « Grit Artisan » a eu d’assez bonnes réflexions au sujet de notre meilleur espoir olympique américain. Gagner ou perdre, peu importe, ce qui est sûr, c’est qu’il faut s’attendre à voir son image sur beaucoup de vêtements de sport, de boites de céréales et de boissons énergisantes dans les 8 prochains mois. 

Avant que vous n’ayez de mauvaises impressions, sachez que mon intention, en commençant l’article par l’histoire de Lolo, n’est pas de critiquer celle-ci. En fait, je l’apprécie un peu. En laissant de côté la mâchoire, c’est une solide 7,5/10 sur la rigoureuse échelle de Tomassi, principalement parce qu’elle a un style athlétique que je trouve attirant, mais parce qu’elle semble aussi très sympathique. J’utilise Lolo parce qu’elle est un excellent exemple de socialisation basée sur un ensemble de compétences sociales adolescentes :

Extrait de l’article de Grit : 

Elle considère sa virginité comme un cadeau (!) qu’elle veut donner à son mari. Elle pense que c’est la chose la plus difficile qu’elle ait jamais faite dans sa vie, plus difficile que l’université ou l’entraînement pour les Jeux olympiques. Elle réalise aussi et reconnaît la tentation et les opportunités passées qu’elle aurait pu avoir pour des relations sexuelles.

Je pense qu’il est important de noter qu’un média fémino-centré a utilisé le statut de vierge d’une Lolo de 29 ans comme cri de ralliement en faveur de l’abstinence (définie « évangéliquement »), mais aussi comme tactique d’humiliation classique contre la pratique sexuelle des hommes. Fans d’athlétisme ou pas, toutes les femmes peuvent se lamenter en chœur en écoutant la quête de la pauvre Lolo pour trouver le bon gars™ parmi tant d’hommes-garçons immatures et incontrôlables :

C’est sur Twitter, plus tôt cette année, qu’elle a annoncé pour la première fois à ses 55 000 fans qu’elle était vierge. Elle a également dit qu’elle avait pris l’habitude d’être rejetée par les hommes en raison de ses croyances. Elle a dit: « Voici les deux choses qui se produisent quand vous dites à un gars que vous êtes vierge, c’est la vérité. Un, vous leur dites [et ils disent] « oh ok, je respecte ça ». Mais vous pouvez déjà voir dans leurs yeux [qu’ils pensent] : « elle ment à ce sujet et je vais casser ça ». « Donc, nous parlons habituellement un à trois mois [plus tard], puis ils disent « oh merde, elle était sérieuse ». Il est temps pour moi de sortir.

Je ne peux pas imaginer des coups comme celui-ci qui ne transmettent pas un message à l’homme moyen autre que : « Je suis une chrétienne dévote et j’attends le mariage ». Ouais, ce doit être les pulsions sexuelles incorrigibles des hommes qui leur donne envie de mettre ça en bouteille avant de lui passer la bague au doigt. Rien de tel que la poursuite du mème « il n’y a plus de bons hommes » pour amener les dames autrement désintéressées à regarder les Jeux olympiques. Peut-être que Garfunkle et Oates pourraient dédier cette chanson à Lolo lors des cérémonies d’ouverture ?

Vierges tardives.

Avant de continuer sur les raisons morales de sa « décision », permettez-moi de commencer par dire qu’en soi, je ne dénigre pas nécessairement l’idée de conserver la virginité (en tant qu’homme ou femme) lorsque la personne est pleinement consciente des implications à long terme que cette décision représente. J’entends déjà les hurlements des membres de la manosphère (équipe monogamie) : « Pourquoi décourageriez-vous les femmes de conserver leur virginité ? Vous ne savez pas que plus elle connait d’hommes, moins elle est capable de se mettre en couple avec un mec ? Vous encouragez le sexe avant le mariage et donc le carrousel ! ».

J’ai abordé ce sujet dans l’article « Virginité tardive », mais le point qui m’intéresse ici, c’est sur les compétences sociales des adolescents : 

Autrement dit, il y a des expériences et des possibilités de croissance personnelle qui ne peuvent être vécues qu’en embrassant notre sexualité. Une chose que je dis souvent des hommes beta, c’est qu’à un moment donné de leur maturation, ils sont en retards. J’utilise le terme « en retard », mais dans un sens péjoratif ; c’est simplement que leur maturation sociale est freinée par le manque d’accès à des expériences qui les aideraient à développer de nouveaux modèles cognitifs. La plupart du temps, cela est dû à une incapacité à voir les anciennes conventions qu’ils ont appris es à l’adolescence, ce qui les empêche de passer au niveau suivant, pour ainsi dire. Le problème avec le fait de se « sauvegarder » pour le mariage devient alors évident. Je ne dis pas que cela n’a aucun mérite en soi, simplement que la plupart des gens qui souscrivent aveuglément à ce choix ne comprennent pas nécessairement les limites inhérentes à ce choix. 

Que la personne qui fasse ce choix soit Lolo Jones ou Tim Tebow, il faut comprendre que le but latent d’un vœu de chasteté d’une personne consiste à faire un effort pour freiner les conséquences à long terme qu’auront le cocktail volatile d’hormones en eux. Cette « décision » est formulée avec toujours beaucoup de moralisme, et cela aide les parents à mieux dormir la nuit, mais cela n’offre pas beaucoup de façons d’éduquer une vierge de 15 ans sur les implications sociales d’un tel choix quand elle atteindra 30 ans et sera toujours vierge. 

En public, il y aura toujours une démographie qui aura une bonne raison de célébrer Lolo ou Tebow. « Impressionnant, ils tiennent vraiment à leurs convictions. Ils sont un exemple, contrairement à nous, qui étions trop faibles pour résister à nos appétits charnels ». Et tandis qu’ils finissent cette phrase, il y a quand même un malaise lancinant à révérer des « célébrités » pour ne pas avoir vécu ce que 99 % de la population humaine a connu bien avant l’âge de 30 ans. 

Appelez cela un Double Standard si vous le souhaitez, mais quand nous rencontrons un homme vierge de 40 ans notre impression sous-jacente de lui n’est pas celle de la révérence, mais plutôt celle de la suspicion. On se demande ce qui ne va pas avec un gars qui n’a jamais fait l’amour. Etre un homme, c’est aussi avoir fait l’amour, et c’est important parce qu’il s’agit là de notre impulsion biologique la plus fondamentale. Un homme incapable de cela (par choix ou par circonstance) est considéré comme déviant et nous oblige à nous interroger sur sa maturation sociale. En d’autres termes, un type normal aurait dû baiser à 40 ans.

Lolo est un cas intéressant. Il arrive un moment où les femmes normales devraient avoir eu des rapports sexuels aussi. Bien que nous puissions faire valoir que le néo-féminisme sexo-positif approuve le fait de jouer au carrousel jusqu’à la déviance, il y a aussi une étape où nous commençons à nous interroger sur la maturité et la socialisation d’une femme si celle-ci elle n’a toujours pas eu de rapports sexuels à un certain âge. Selon les normes d’aujourd’hui, à 30 ans, Lolo est pratiquement une religieuse. Nous pouvons nous accrocher au sentiment d’espoir qu’elle inspire en tenant bon pour le mariage, mais à quel âge déterminons-nous que peut-être, Lolo est encore coincé dans l’idéalisme de ses promesses de jeunesse ?

Les compétences sociales chez les adolescents par rapport aux compétences sociales adultes.

Ma belle-sœur est tombée enceinte à 18 ans et s’est mariée à 19 ans. Après environ 20 ans de mariage et 2 enfants, elle est devenue sauvage. L’hypergamie l’a incitée à divorcer du mari qui avait « fait la bonne chose » à 20 ans, et l’a incitée à se remarier avec un millionnaire. Il y a plus encore dans cette histoire, c’est l’aspect assez ennuyeux de la période pendant laquelle elle draguait ce millionnaire, car elle était dans une sorte de régression psychologique vers le seul ensemble de compétences sociales qu’elle n’avait jamais connu : celui de l’adolescence, juste avant de devenir mère. Ses conversations téléphoniques avec ce millionnaire qui avait la quarantaine m’a pris par surprise au début – on aurait dit un mauvais film romantique des années 80. Des petits noms doux, et des comportements venant d’une femme qui était comme « gelée dans le temps », avec des compétences sociales qui venaient tout droit du milieu des années 80 alors que nous étions en 2003.

Je ne devrais même pas dire qu’elle avait régressé vers son ensemble de compétences sociales adolescentes, parce qu’elle n’avait jamais vraiment eu l’occasion de développer des compétences d’adultes. Son histoire est un exemple grossier et assez anecdotique, mais cela m’a fait réaliser que les personnes utilisent toujours leur dernière expérience comme référence pour la compréhension d’une situation nouvelle. L’une des questions que je me pose quand on me demande des conseils, c’est de déterminer quelle est l’expérience de vie de la personne qui me demande conseil. Par exemple, c’est une tâche beaucoup plus difficile de débrancher un homme de la matrice si les compétences sociales de cet homme sont restées au niveau de l’adolescence, et s’il n’a jamais eu l’occasion de mûrir par l’expérience. Pour de nombreuses personnes dans la manosphère, c’est un acte presque agréable que d’être l’iconoclaste des jeunes, branché sur un certain idéalisme, mais cela ne fait rien pour aider les hommes (et les femmes) dont le seul cadre de référence a été l’adolescence et les interactions sociales qui s’établissent à cette période de la vie. 

Avec chaque année qui passe, et par ordre de degré, il devient de plus en plus difficile d’amener une personne à accepter son « retard social » et à désapprendre l’ensemble des compétences adolescentes qui sont encore trop fortement enracinés dans le comportement. Un homme de 25 ans est prêt à accepter son manque d’expérience, son manque de référence, mais l’homme de 45 ans, en raison de son âge, s’appuie sur ses propres références, parce que ses références sont devenus partie intégrante de son Ego. Un homme de 45 ans possède de nombreuses années d’expériences, mais toute cette expérience a été construite sur un « modèle » qu’il avait appris à l’âge 18 ans, et qui est resté « gelé » depuis, sans possibilités d’évolutions. 

Ajoutez à cela la rationalisation typiquement féminine (dit « le hamster »), et vous comprendrez pourquoi des histoires comme celles de ma belle-sœur peuvent exister. Pour les femmes, il y a peu de motivation pour aller au-delà du modèle adolescent qui a si bien fonctionné pour elles dans leur adolescence. Nous avons ainsi des femmes parvenues à la cinquantaine qui sont facilement diverties par la télévision (HBO’s Girls), laquelle leur permet de vivre par procuration le cadre de leur conscience sociale adolescente. Je ne doute pas de la parfaite santé mentale de ma belle-sœur, mais pour ceux qui l’entourent, elle apparaît soit comme une femme mignonne de par son ignorance des comportements sociaux d’aujourd’hui, soit comme un anachronisme. 

Dans la vie, les femmes peuvent s’en tirer en n’utilisant que l’ensemble des compétences sociales qu’elles avaient à 17 ans, mais socialement, on s’attends à ce que les hommes se comportement mieux et en sachent davantage. C’est pourquoi une fille comme Lolo Jones fait sourire à ses 30 ans, mais un homme vierge de 40 ans est considéré comme « bizarre ». 

Modèles sociaux.

Il fut un temps où les mérites pratiques de la virginité étaient logiques. Lorsque l’espérance de vie d’une personne était d’environ 50 ans, et que l’ensemble de compétences sociales des adolescents était très différent de ce qu’il est aujourd’hui. Il y avait une raison pour laquelle les cultures individuelles mettaient en place des cérémonies pour passer à la virilité et à la féminité à l’âge de 15 ans, nous avions besoin d’être des hommes et des femmes à un âge beaucoup plus précoce. L’âge adulte arrivait littéralement à 18 ans. Depuis, notre biologie et notre évolution, physiquement et psycho socialement, entrent en conflit avec cet ancien modèle. Nous avons établi le processus de maturation pour tenir compte d’une durée de vie plus longue ainsi que des attentes contemporaines en matière d’éducation, de carrière, de famille, etc. selon les normes des sociétés qui les favorisent.

Pourtant, nous utilisons toujours l’ancien modèle de socialisation – celui où on attendait plus de nous plus tôt – comme une base pour juger de la maturité relative d’un individu. Quand on observe les femmes qui se moquent des hommes qui ne se montrent pas à la hauteur des attentes fémino-centrées, il est comique de constater que ces attentes sont enracinées dans un modèle traditionnel et social de maturation qui n’existe plus depuis près d’un siècle dans notre culture occidentale. Les femmes veulent que l’anachronisme de l’ancien modèle s’applique toujours aux hommes, à des fins d’exploitation, mais nous censés féliciter une femme de 30 ans pour ne pas avoir eu de relations sexuelles, en nous basant sur un modèle social désuet. En 1912, Lolo Jones serait considérée comme une « vieille fille » selon les normes sociales de l’époque ; les gens de jadis se demanderaient ce qui ne tourne pas rond chez elle. 


Source : « The Adolescent Social Skill Set » publié par Rollo Tomassi le 9 juillet 2012.

Illustration : Bruce Mars.