Il était une fois un bûcheron qui avait une hache avec une lame terne et une tête rugueuse et noire. Après une dure journée de labeur, il regarda la hache et se jura à lui-même qu’il en ferait la lame la plus pointue avec une tête si polie qu’elle ressemblerait à un miroir. Le bûcheron se rendit alors rapidement chez le forgeron du village et lui expliqua son plan. Le forgeron dit alors : « Oui, cette hache peut être aussi brillante et nette que vous le souhaitez, mais seulement si vous faites tournez le soufflet de forge pour moi pendant que je travaille sur votre hache ». Le bûcheron accepta et pour la semaine suivante, il tourna le soufflet pour le forgeron.
Le travail était dur et le bûcheron était en sueur. Mais à la fin de la première semaine, la lame était un peu plus nette et son éclat déjà moins terne. « La semaine prochaine, nous aurons votre belle hache scintillante, ne vous inquiétez pas ».
Et donc le bûcheron tourna le soufflet pour une autre semaine tandis que le forgeron s’occupait de la hache. À ce moment, le bûcheron était vraiment fatigué, il avait mal au dos et se plaignait de muscles endoloris, mais la hache était plus nette et sa surface commençait à briller à la fin de la deuxième semaine. « Je crois que je vais prendre ma hache maintenant » dit le bûcheron. Le forgeron protesta : « La lame est inachevée et même si la tête est désormais plus brillante, ce n’est pas encore un miroir parfait comme vous le souhaitiez. Faites marcher le soufflet, un peu plus longtemps encore, et nous aurons votre hache taillée à la perfection ». Ce à quoi le bûcheron répondit : « Non, je suis fatigué et d’ailleurs, je préfère une hache d’argent à une hache polie maintenant ».
Je vous prie de m’excuser pour ce début d’article qui ressemble à une histoire dépourvue de sens, mais j’ai récemment redécouvert cette histoire, qui était initialement racontée par Benjamin Franklin. J’ai commencé à y réfléchir, et je me suis demandé : « Combien d’hommes que je connais (moi-même y compris) ont joué, et jouent encore, le rôle du bûcheron dans cette histoire ». Nous devenons tellement fatigués, impatients ou critiques sur nos propres tentatives ratées que nous commençons à préférer des choses qui sont inférieures. En d’autres termes, nous nous contentons de moins et nous nous convainquons nous-même que c’est ce que nous voulons vraiment.
Lorsque nous faisons cela, cela sonne comme du succès. C’était un travail difficile, c’était de la construction de caractère, mais ce n’était pas ce que nous avions initialement prévu. Une expérience psychologique (sur la mémoire) avait placé une série d’étudiants dans un programme de tutoriel pour élever leurs notes, sauf que le programme a été intentionnellement conçu pour ne pas les aider du tout au cours de 12 semaines. À la fin de la douzième semaine, tous avaient terminé les tutoriels et comme prévu aucun n’avait de meilleures notes (certains étaient même plus bas), mais lorsqu’on leur a demandé si les tutoriels les avaient aidés tout le monde a répondu : « oui, ils ont beaucoup aidé ». L’idée ici, est bien sûr que nous n’aimons pas penser que nos efforts passés ont été infructueux ou ont été une perte de temps. Notre propre psychisme nous empêchera de réaliser que notre travail a été fait pour rien, alors nous oublions sélectivement le résultat réel et nous le troquons contre l’effort perçu.
Maintenant, pour appliquer cela au jeu de séduction, comment cela nous affect-t-il ? La comparaison facile, c’est l’homme moyen qui a trop peur du rejet dans le « monde extérieur » et qui se retire dans son « monde intérieur » qu’il « préfère ». C’est le gars qui va facilement tout accorder à sa copine parce qu’il « est comme il est », ou parce qu’il dit préférer les « femme avec du caractère » alors que sa copine est en train de l’affaiblir psychologiquement et émotionnellement avec son consentement. Le « monogame en série » préfère la sécurité d’une relation, de n’importe quelle relation, plutôt que de faire face à un rejet du « monde extérieur ». Je ne peux même pas compter toutes les fois où j’ai entendu des hommes dans leur quarantaine ou leur cinquantaine me dire qu’ils ont choisis telle ou telle carrière pour apaiser une femme, ou m’expliquer la façon dont ils avaient changé de spécialité à l’université pour mieux faciliter une relation. L’explication est invariablement la même : « je pensais que c’était ce que je voulais à l’époque », mais avec le recul, une fois que 10 ou 15 ans ont passés, leurs choix les ont placés dans une position dans laquelle ils ont besoin de conseils.
Les êtres humains ont une capacité étonnante à « normaliser » leurs propres conditions. Tout peut devenir normal. C’est la façon dont nous normalisons une condition qui sépare la réalité d’une situation de notre perception de celle-ci. Maintenant, pensez un peu à la façon dont cette dynamique s’applique à vous-même. De quoi vous êtes-vous convaincu pour de mauvaises raisons ? Etes-vous dans une situation qui résulte d’un choix de se contenter de « moins » que ce que vous désiriez vraiment ? Avez-vous rencontré un homme qui s’est convaincu lui-même qu’il préfère ce qu’il est devenu alors qu’il aurait pu être bien plus que ça ?
Il ne suffit pas de débrancher de la matrice. Vous devez désapprendre ce qu’elle vous a appris afin de maîtriser la nouvelle réalité dans laquelle vous vous trouvez.
Source : « The Blacksmith and the Woodsman » publié par Rollo Tomassi le 19 octobre 2011.
Illustration : Tyler Lastovich.