Qu’est-ce que vous attendez ?

The infinitesimal place I take up is so tiny compared to the rest of space where I’m not, and which has nothing to do with me; and the portion of time given me to live is so negligible next to the eternity in which I haven’t existed and won’t—while in this atom, this decimal point, the blood courses, the brain works, and wants something also… What an outrage! What nonsense!

Fathers and Sons, Ivan Turgenev.

Je me demande parfois comment je me sentirai quand mon temps sera écoulé. Serai-je conscient de mon dernier souffle ? Y aura-t-il un moment de conscience après que mon cœur se soit arrêté ? Lorsque je serai cliniquement mort, pourrai-je ressentir ou sentir quelque chose, ce qui suggérerait que les impulsions électriques dans ma tête descendent lentement, ou est-ce que ce sera plutôt comme un interrupteur où les choses s’éteignent pour devenir noires ? Je me demande ce que je ressentirai à la seconde où je saurai que je vais mourir, en supposant que je ne me prenne pas une balle dans la tête ou que je ne me retrouve pas dans un avion en train d’exploser. J’aime à penser que ce sera un moment de résignation béate, mais je n’exclurais pas une combinaison de terreur pure et de peur insondable.

Je ne crois pas en une vie après la mort ni en une âme. Quand on meurt, on meurt, et tout ce qu’on est disparaît de la terre, pour être rappelé brièvement par ses ancêtres ou ses œuvres. Je ne peux rien imaginer de plus cruel que de recevoir la vie et la possibilité de grandir, de changer, de faire l’expérience de l’amour et de se faire enlever tout cela, comme si tout cela n’avait servi à rien, que la nature se moquait de vous. Peu importe avec combien de femmes j’ai couché. Peu importe combien j’ai voyagé, combien de langues j’ai pu parler. Peu importe le nombre de choses coûteuses que j’ai pu accumuler. Et tous ces livres que j’ai lus, ces plats savoureux que j’ai appris à préparer pour rien ! Toutes ces expériences dont j’ai tiré des leçons, certaines qui m’ont aidé à devenir une meilleure personne, tout cela pour rien.

Mais peu importe à quel point l’existence humaine est insignifiante, insignifiante et absurde, je me sens très vivant en ce moment. Je peux ressentir du plaisir et de la douleur, du bonheur et de la déception. Je peux modeler la façon dont je veux vivre le moment présent et faire un peu de planification pour m’assurer que les moments futurs soient aussi agréables. Bien que je sois très sceptique quant au libre arbitre, car chacun d’entre nous est limité par et au dépend de trop de facteurs hors de notre contrôle, j’ai suffisamment de pouvoir pour apporter des améliorations marginales et parfois importantes. Il y a des choses que je peux faire pour toucher plus souvent les centres de plaisir de mon cerveau, en aidant à repousser ces pensées existentielles empoisonnées qui conduisent inévitablement à la dépression et à la mélancolie.

Le pire dans la vie – la mort – est aussi le meilleur, car je sais que mon temps ici est limité et qu’il vaut mieux le passer à poursuivre ce que je veux, rien de moins. Je regarde les gens qui remettent à plus tard, en attendant d’agir, soit pour une sorte de miracle, soit peut-être le retournement arbitraire de l’année civile sous la forme d’une « résolution », et je me dis : « Ces gens ne savent-ils pas qu’un jour ils vont mourir ? » Peut-être ont-ils oublié et ne s’en souviendront que lorsqu’un de leurs proches décédera ou lorsqu’ils auront eux-mêmes de graves problèmes de santé, mais d’ici là, il sera peut-être beaucoup plus difficile d’apporter un changement significatif.

Mais je n’oublie pas. C’est pourquoi aujourd’hui, je me réveillerai et ferai ce que je veux faire, à l’endroit où je veux être. Ce ne sera pas une journée parfaite car je suis limité par l’expérience humaine, mais les parties que je peux affecter et modeler seront affectées et moulées. Et si vous me dites que je vais mourir demain, je hausserai les épaules devant vous, car avant de rendre mon dernier souffle, je sais que j’ai fait tout ce que j’ai pu pour vivre au mieux de mes capacités cette vie insignifiante, insignifiante et absurde.


Source : « What Are You Waiting For ? » publié par Roosh Valizadeh le 17 décembre 2009.